[DossierFormation] #6 - Economie Circulaire et formation, triplement responsables !

7824 Dernière modification le 27/01/2021 - 12:37
[DossierFormation] #6 - Economie Circulaire et formation, triplement responsables !

Le monde ne mourra jamais par manque de merveilles mais uniquement par manque d'émerveillement [1]

 

La révolution industrielle a puissamment marqué l’évolution des métiers dans la construction et l’immobilier pour afficher après plus de cent ans le panorama actuel. Mais ce mouvement est définitivement accompli et une autre révolution s’engage, celle de l’économie circulaire. Souvent réduite à son aspect production, gestion des déchets et recyclage, l’économie circulaire offre un champ d’action bien plus large pour accompagner la transition des territoires. Elle permet de développer une vision transversale pour appréhender de manière systémique les différents défis de notre société afin d’améliorer la gestion des flux matériels et immatériels (matériaux, énergies, eau, services, informations, conseils…).

Un environnement favorable pour l’économie circulaire dans la construction

Les politiques locales et nationales s’emploient à créer un cadre favorable au développement de l’économie circulaire dans la construction. A l’échelle locale, les collectivités intègrent des items tels que l’approvisionnement durable, l’éco-conception ou encore le recyclage dans leurs documents de planification (PCAET, SCoT, PLU, PADD...)[2]. Au niveau national, des lois structurantes (LTECV en 2015, Loi AGEC en 2020)[3] sont promulguées par le gouvernement pour amplifier un mouvement de grande ampleur qui s’engage. Ces évolutions législatives et réglementaires sont traduites dans divers documents opérationnels (FREC, PECVP, …)[4] pour accompagner leur mise en application.  

 

Les maîtrises d’ouvrages, aussi bien publiques que privées, sont proactives et réclament dans leurs appels d’offres toujours plus d’ambition sur le terrain de l’économie circulaire. Les approches sont de plus en plus globales et cherchent à embrasser toutes les dimensions d’un projet de la conception de l’ouvrage jusqu’à sa fin de vie. La commande publique fait une large place aux achats « circulaires et durables » et les CCTP contiennent maintenant presque systématiquement des exigences économie circulaire. Les porteurs de projets les plus enthousiastes réclament même de l’exemplarité et encouragent les opérations « démonstrateur » de la déconstruction à la construction. Quelques acteurs comme AGYRE sont même spécialisés dans l’accompagnement de ces projets exemplaires. Dans ce paysage où le cadre réglementaire et les acteurs sont en mouvement, techniques et savoir-faire évoluent également pour se mettre à l’unisson de l’économie circulaire.  

L’émergence de nouveaux concepts

Le bâtiment de demain « sera plus évolutif que ce que l’on connaît aujourd’hui, avec des espaces servant à différentes fonctions ou des logements que l’on pourra moduler. […] C’est cette fluidité ou la polyvalence de certains éléments qui permettront de ne pas être complètement figés dans des espaces immuables. »[5] 

Les bâtiments sont amenés à évoluer tout au long de leur existence et à ne plus être systématiquement confrontés à la fatalité de la démolition. L’intelligence et la créativité architecturales se mettent au service de l’évolutivité et de la modularité, et opèrent comme de véritables leviers pour aboutir à une conception éco-responsable du bâti. Le processus évolutif peut être plus ou moins radical. Ainsi, et par exemple dans le cadre d’un bâtiment collectif à usage d’habitation, les logements peuvent s’adapter au gré des compositions familiales. Certaines transformations sont plus impressionnantes, elles nécessitent souvent une grande anticipation et des analyses multi scéenarios en phase conception, notamment lorsqu’un bâtiment s’adapte aux évolutions urbaines d’un quartier et passe d’une fonction tertiaire à une fonction résidentielle. On peut citer par exemple le bâtiment réversible construit par Linkcity à Lyon Confluence, un véritable bâtiment à deux vies. A usage de bureaux dans un premier temps il laissera la place au logement quand les berges du Rhône seront réaménagées après la disparition de l’autoroute A7 qui traverse aujourd’hui Lyon.

Cette vision nouvelle du bâtiment qui s’exprime à travers la mise en œuvre de solutions innovantes nous transporte dans un autre paradigme où la société civile est aussi acteur de ces (comme de ses)  nouveaux bâtiments, quartiers, villes et territoires durables et éco animés. En parallèle des pouvoirs publics et des maîtrisesmaitrises d’ouvrage, cette société civile accélère le développement de nouveaux concepts. Elle en est la raison et la cause. L’économie circulaire, par sa mise en œuvre offre de nouveaux bâtiments pour de nouveaux usagers. Ils ne sont plus les simples « consommateurs » d’un projet final, ils deviennent des acteurs à part entière de celui-ci et participent implicitement à sa réalisation dès la phase de conception. Grâce à cette implication volontariste le quartier circulaire se façonne : ressourceries, jardins urbains, tiers-lieux, espaces partagés (associations de quartiers…), espaces de co-voiturage, etc.

Ces concepts encore émergents qui naissent de l’action conjointe de la société civile, des pouvoirs publics et des maîtrises d’ouvrages emportent des conséquences directes pour les acteurs économiques de la construction et de l’immobilier. Le changement de modèle doit être préparé et accompagné. Il appelle en effet à un bouleversement des connaissances, des techniques de mise en œuvre et des métiers. Aussi rapide que soit le mouvement, il faut bien comprendre qu’il se produit dans un monde « établi » avec ses savoirs, ses règles de l’art, ses techniques et ses acteurs. Il est donc de la responsabilité de toutes les parties prenantes de garantir un passage « fluide » de ce monde à l’autre qui se réalisera par et avec la formation. « Les analphabètes du XXIe siècle ne seront pas ceux qui ne savent ni lire ni écrire. Ce seront ceux qui ne savent pas apprendre, désapprendre et réapprendre. »[6]

 

L’économie circulaire, un profond sillon pour un développement durable 

L’économie circulaire représente un défi pour les acteurs économiques de la construction et de l’immobilier. C’est également un vecteur de développement sans conteste attractif mais également transformatif. Le déploiement efficient de l’économie circulaire réclame de nouvelles compétences pour produire pleinement ses effets. Nous ajouterons que ces nouvelles compétences vont devoir « cohabiter » avec des pratiques plus traditionnelles et que l’accompagnement de cette cohabitation va également devoir être pris en charge. 

La transformation structurelle qui s’opère permet d’ores et déjà d’observer des changements dans le large panorama de métiers des bâtisseurs. Certaines activités se créent pour répondre à des nouveaux besoins (ex : chargé de réemploi), tandis que d’autres évoluent pour mieux correspondre aux attentes du marché (ex : démolisseur qui devient déconstructeur, industriels qui doivent revoir leur process pour inclure la modularité dans l’assemblage structurel, etc.). Selon l’OIT, une grande majorité des professions déjà existantes hautement, moyennement et faiblement qualifiées sera concernée par une (voire plusieurs) évolution(s) majeure(s)[7].

Les premiers risques dont il va falloir prendre la mesure sont notamment : 

  • Une incohérence entre les formations dispensées et les besoins réels des entreprises ;
  • Un manque d'expérience,d’experience, d’inculturation à l’EC des équipes déjà en place ; pouvant lui-même produire un risque de « conflit de générations » ;
  • Une incompréhension de la part des acteurs traditionnels sur leur(s) nouveau(x) rôle(s), sur les raisons d’être des nouveaux métiers et leurs interactions avec les métiers traditionnels. 

 

Une offre de formations qui se doit d’être évolutive

Pour toutes ces raisons, il convient d’accompagner les acteurs de ces mutations en proposant des formations initiales et continues cohérentes avec l’ampleur et le rythme des changements de la construction et de l’immobilier sur le terrain de l’économie circulaire. 

Son caractère systémique et transversal fait que l’intégralité des acteurs est amenée à travailler ensemble autour de nouvelles problématiques (gestion des flux de chantiers, stockage lors de la valorisation in-situ des matériaux, déconstruction sélective, etc.) en utilisant des outils collaboratifs ou digitaux innovants (BIM, RIM, plateforme numérique de réemploi, etc.). Un socle commun de savoirs et de savoir-faire est indispensable au succès de cette transformation, véritable enjeu de société. Ce socle commun pourrait en particulier intégrer dans différents cursus des métiers du BTP des éléments tels que :

  • Une formation générale sur l'Économie Circulaire dans la construction ; 
  • Un programme de sensibilisation des nouveaux métiers aux pratiques « traditionnelles » ;
  • Des formations à la résolution des problèmes régulièrement rencontrés ;
  • Une formation initiale minimale aux outils digitaux. 

Ce socle commun, bien qu’indispensable pour s’engager dans des projets EC, devrait être complété par des formations, initiales et / ou continues, plus spécifiques et à visées multiples : 

  • Montée en compétences des métiers traditionnels ; 
  • Meilleure compréhension du rôle de chacun des acteurs et de l’articulation collaborative entre les différents corps de métier ;
  • Cohérence des programmes entre compétences enseignées en formation initiale et celles nécessaires en formation continue pour les entreprises. 

Outre les formations techniques, les acteurs doivent également appréhender la dimension économique d’une démarche d’économie circulaire.  En effet, l’accélération du déploiement passe par des acteurs convaincus de la création de valeur apportée par ce changement d’approche. 

Diversifier l’offre pour inclure l’intégralité de la chaîne d’acteurs 

L’économie circulaire entraînera une profonde mutation dans de nombreux métiers. Il est nécessaire que l’offre de formations soit la plus large possible afin de couvrir tous les besoins. On peut penser, par exemple, à des supports vidéos, imagés ou interactifs pour assister les compagnons et artisans lors de déposes sélectives, tandis que des livres blancs comprenant des recueils de clauses peuvent orienter la maîtrise d’ouvrage lors de la conception d’un projet. 

En tant que référent économie circulaire dans le secteur de la construction, AGYRE accompagne l’intégralité de la chaîne d’acteurs dans la dynamique de la formation pour répondre aux différentes problématiques émergentes. Le modèle opérationnel d’AGYRE (Démontrer – Communiquer – Répliquer – Progresser – Recommencer) est transposable au monde de la formation pour répondre de manière systémique aux enjeux auxquels doit permettre de répondre le déploiement d’une économie circulaire adaptée et efficiente. 

Nous nous devons de réussir cette révolution en assumant une triple responsabilité : celle du succès de l’accélération du développement d’une construction circulaire, celle de l’accompagnement de la mutation des métiers du BTP à ces nouvelles exigences et enfin celle du juste dimensionnement d’une offre de formation évolutive et efficiente à l’économie circulaire dans la construction.

 

Article signé Stéphane Le Guirriec, Directeur Général de Agyre 

 

Notes de bas de page : 

[1] Citation de G.K. Chesterton

[2] PCAET (Plan Air Climat Energie Territorial), SCoT (Schéma de Cohérence Territoriale), PLU (Plan Local d’Urbanisme), PADD (Plan d’Aménagement et de Développement Durable)

[3] Loi anti-gaspillage et économie circulaire (Loi AGEC), Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV)

[4] Feuille de Route Economie Circulaire (FREC), Plan Economie Circulaire Ville de Paris (PECVP)

[5] Françoise Gentilhomme, architecte : « le bâtiment de demain sera plus évolutif et végétal »

[6] Alvin Toffler, Le Choc du Futur et La Troisième Vague

[7] Skills for a greener future, IOT, 2019

 

Crédit photo : Procivis Pierres & Territoires Eure-et-Loir.


 

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