[DossierFormation] #10 - Transition des métiers de l’immobilier l’impact du numérique et de l’hybridation fonctionnelle

Rédigé par

Gabrielle MILLAN

4425 Dernière modification le 29/01/2021 - 12:03
[DossierFormation] #10 - Transition des métiers de l’immobilier l’impact du numérique et de l’hybridation fonctionnelle

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Le monde de la construction et de l’immobilier est bousculé aussi bien par la digitalisation de la société, que par la nécessité d’une mixité fonctionnelle dans le cadre du renouvellement urbain. La transformation digitale impacte l’immeuble qui mute vers un smartbuilding de services écoresponsables. Ce bâtiment intelligent nécessite que les acteurs de l’immobilier se forment à ce nouveau standard. La déclinaison du smartbuilding selon les fonctions urbaines entraîne une hybridation fonctionnelle. Ce changement radical implique une adaptation des métiers de tout l’écosystème quelle que soit la classe d’actifs concernée.

De la monofonction à la mixité multifonctionnelle

Notre grand défi actuel consiste à remédier à l’urbanisme fonctionnel issu des congrès internationaux d’architecture moderne CIAM entre les années 30 et 60. Cette notion prônait un étalement des fonctions urbaines sur le territoire, l’ensemble facilité par le « tout automobile ». Nombreux sont les professionnels de la construction et de l’immobilier à avoir été formés à une construction de la ville fonction par fonction, et non à la mixité fonctionnelle. L’identification de sources de pollutions liées à cet étalement urbain ont conduit à abandonner ce modèle pour se tourner vers un urbanisme durable mélangeant les fonctions au sein des immeubles et des quartiers, favorisant l’utilisation d’énergies renouvelables et la conservation des espaces naturels. Dans ce contexte, la loi SRU 2000 prône un renouvellement urbain où la mixité fonctionnelle favorise une ville inclusive et socialement responsable. 

Le principe de mixité fait ainsi son apparition pour connaître un essor plus conséquent aujourd’hui avec le concept de la ville du quart d’heure. Il s’agit de permettre aux citadins de bénéficier de toutes les fonctions urbaines à une distance de quinze minutes à pied ou cinq minutes en mobilité douce. Actuellement, cette proximité exacerbée connaît un succès mondial et de nombreuses villes intègrent des dispositions en ce sens au sein de leurs plans directeurs territoriaux. 

Allant jusqu’à se décliner au sein des immeubles, cette hyper mixité entraîne un changement drastique dans la réflexion de conception et d’exploitation des espaces. L’immeuble devient alors un microcosme, une petite ville dans la ville, ce qui implique aussi une évolution de la valorisation de ces nouvelles typologies d’actifs au sein des business models historiques monofonctionnels de nombreux investisseurs.

  • L’immeuble multifonctionnel est constitué de fonctions mélangées pour créer des lieux assimilables à une place du village qui vit à toute heure. C’est ainsi qu’apparaissent de nouvelles modalités de réversibilité des espaces comme par exemple les chambres d’hôtel qui deviennent des salles de réunion en journée tout en restant des chambres la nuit ; ou encore des centres commerciaux qui mettent en place des espaces de coworking au sein des malls pour attirer des visiteurs à tout moment de la journée. Les professionnels ont besoin de se former à la rénovation urbaine multifonctionnelle et de sortir de leurs spécialisations par fonction bureaux, logements, hôtels, commerces, activités. 

 

Du bureau au smartbuilding de services

 

Satellite swarm to enable ubiquitous 5G

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L’immeuble de bureaux n’est plus uniquement un lieu de travail. L’ouverture des socles d’immeubles sur leurs quartiers est une des dynamiques fortes de l’urbanisme inclusif. Les parties privatives de l’immeuble se voient complétées d’espaces publiques en prolongement de la rue créant une porosité dedans-dehors. Apparaissent ainsi des concepts d’immeubles avec un socle communiquant avec l’extérieur, qui hébergent des services à la fois dédiés aux utilisateurs de l’immeuble comme au reste du quartier. 

C’est dans ce contexte que l’immeuble de bureaux devient un lieu de vie et d’expériences pour les utilisateurs. L’architecture intelligente qui y est déployée permet de transformer le bureau en smartbuilding de services : la technologie numérique au service des utilisateurs de l’immeuble et du pilotage énergétique. Neuf français sur dix réclamaient déjà en 2018 des espaces de co création et de collaboration qu’ils jugeaient manquant dans leurs immeubles de bureaux (étude JLL Human Experience). Aujourd’hui la crise sanitaire et l’augmentation du télétravail ont accéléré cette transition : 80% des sondés de la dernière étude de BNPPR post covid voient les bureaux comme le lieu servant à se parler. Ce besoin de venir au bureau pour retrouver les autres, échanger et collaborer est très présent.

  • Cette transformation de l’immeuble de bureaux nécessite que les acteurs de la construction et de l’immobilier se forment pour concevoir, construire et savoir exploiter ce « building as a service ». On note par exemple des espaces mutualisés entre plusieurs fonctions urbaines en pied d’immeubles : logements, bureaux ou activités peuvent ainsi utiliser des espaces communs pour y abriter des services aux utilisateurs dont l’exploitation sera commune (conciergerie, sport, gardiennage etc.). Les professionnels devront inventer des services qui facilitent la vie des travailleurs au quotidien pour redonner du sens à la vie au bureau comme en télétravail. C’est ainsi que naissent également de nouveaux métiers d’hospitality manager qui animent les communautés d’utilisateurs. De nouveaux entrants tels que les programmistes spécialisés tendances, les experts en immobilier de service/ hôtellerie, les ergonomes QVT (qualité de vie au travail), ou encore les AMO et consultants services smartbuilding viennent chambouler les codes des prestataires traditionnels 

 

Du logement à vivre au télétravail

 

Du logement à vivre au télétravail

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Le logement aussi est en pleine transformation vers la mixité. Des études pré covid en 2018 montraient déjà que 44% des travailleurs pratiquaient le télétravail (étude JLL Human Experience). Une enquête 2020 de ANDRH/BCG montre que près d’un quart des DRH des entreprises ont mis en place le télétravail pendant le confinement et que 85% d’entre eux souhaitent le pérenniser. Cette progression oblige les immeubles de logements à se réinventer pour accueillir cette mixité fonctionnelle qui devient hebdomadaire et non plus occasionnelle pour de nombreux salariés. Il est évident que la taille des logements et leurs distributions spatiales doivent évoluer pour créer des espaces de travail à la maison ou bien dans les espaces communs mutualisés des immeubles d’habitation. Le logement doit aussi être pensé comme un lieu de détente en journée de travail et intégrer des espaces extérieurs d’agrément. 

Depuis la vague de construction de logements boostée par le mécanisme de la vente en état futur d’achèvement VEFA, la conception du logement était standardisée. Les évolutions liées à l’accessibilité ont changé les dimensions des espaces tout en conservant la même distribution intérieure. Aujourd’hui la donne change avec le besoin de créer un nouveau standard : le logement de demain.

  • Cette évolution nécessaire de l’habitat qui intègre de nouveaux espaces communs et privatifs oblige les professionnels à se former et à s’appuyer sur la créativité des concepteurs pour créer ces nouveaux standards. Par exemple, de nouvelles pièces telles que les bureaux dans les appartements ou des espaces de travail communs entre plusieurs logements vont entrer dans  l’équilibre entre surface construite et surface vendue. La question est de savoir si le raisonnement se fera à iso surface ou si la surface vendue sera revue à la hausse. Les professionnels devront alors élaborer de nouvelles méthodes de valorisation des mètres carrés habitables lors des acquisitions et des ventes ainsi que de nouveaux processus de conception tout en devant rester compétitifs.

 

De l’usage du BIM à la data immobilière

Gestion stratégique BIM - Citae

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L’impact de l’utilisation du BIM sur le cycle de vie de l’immeuble symbolise un processus disruptif des métiers de l’immobilier. Tout d’abord le BIM fait entrer dans la réflexion immobilière de nouveaux profils qui ne sont plus nécessairement des spécialistes du bâtiment. L’utilisation de la maquette numérique permet le développement d’outils d’intelligence artificielle, de reconnaissance visuelle, de réalité augmentée et virtuelle. Ces outils de communication permettent de s’affranchir de certaines connaissances techniques préalablement indispensables à tout professionnel ; comme par exemple la lecture de plans. C’est ainsi que des profils formés en gestion ou en écoles de commerces font leur apparition dans les métiers immobiliers. Les récentes évolutions règlementaires et notamment l’ambition de mettre en place le permis de construire en maquette numérique à horizon 2022, préfigurent une généralisation du BIM au cœur du processus immobilier. 

Le BIM révolutionne aussi bien la conception que la construction ou l’exploitation immobilière. De nouveaux entrants font leur apparition comme l’AMO BIM qui vient assister la maitrise d’ouvrage dans la définition de ses chartes BIM ; le BIM manager qui vient compléter les équipes de constructeurs et de maitrise d’œuvre ou encore les modeleurs 3D qui disruptent le métier de géomètre. Au stade de l’exploitation, la maquette numérique entraine l’arrivée massive de facility manager augmentés sachant faire de la maintenance à distance grâce à des outils de connexion en temps réel entre la maquette numérique et l’immeuble exploité. Des profils d’informaticiens codeurs complètent cette nouvelle facette d’acteurs avec le besoin de mettre en place des outils de gestion des bases de données data immobilières utilisant la visualisation permise par la maquette numérique. 

  • Le BIM et l’utilisation de la maquette numérique sont créateurs de nouveaux métiers et disrupteurs de métiers existants. Dans ce contexte les professionnels doivent se former au BIM auprès de consultants spécialisés pour faire évoluer leurs rôles dans la chaine de valeur et ne pas se faire disrupter ou voir leur métier disparaitre. Il faut par exemple que les asset managers et les property managers chez les propriétaires aient recours à des développeurs informatiques afin qu’ils leur mettent à disposition de nouveaux outils de gestion d’actifs utilisant la maquette numérique BIM.

 

La passage à une industrie immobilière servicielle entraine toutes les parties prenantes du secteur à se réinventer pour ne pas se faire disrupter ou disparaitre. C’est dans ce contexte que les acteurs de la construction et de l’immobilier font face à une crise où naissent des opportunités à saisir pour créer de nouvelles offres de missions et de nouveaux standards d’immeubles tous actifs confondus ayant recours aux technologies numériques. L’enjeu est de se former à la fois aux outils numériques mais aussi à une ingénierie collaborative et donc à de nouvelles méthodes managériales. 

Les cursus de formations en écoles d’ingénieurs telles que l’ESTP, ou encore en écoles de commerces telles que Financia Business School intègrent d’ores et déjà des modules sur le BIM, le smartbuilding et la rénovation avec mixité urbaine. De quoi se rassurer sur la formation de la nouvelle génération d’acteurs de l’immobilier. Quant aux professionnels en exercice, ils peuvent bénéficier des nouveaux parcours de formations continues tels que ceux proposés par Business Immo et le Moniteur pour se mettre à niveau sur l’évolution majeure de leurs métiers sur ces thèmes et se repositionner. La formation aux logiciels autour du BIM et de la réalité virtuelle semble aussi devenue un axe majeur sur lequel les éditeurs de logiciels sont impliqués. 

La formation apparaît comme une chance de pouvoir apprendre et tester ces concepts innovants afin de s’intégrer au plan de relance du Gouvernement et en particulier la rénovation énergétique. Le concours de la maquette numérique et du smartbuilding étant de formidables outils pour simuler dès la conception plusieurs scénarios de projets et de mixité pour optimiser à la fois le réemploi de matériaux et les économies d’énergie sur l’immeuble. Le management de l’énergie étant un objectif majeur du renouvellement urbain. Demain la faculté d’être flexible, de s’adapter et d’être pluridisciplinaire est une qualité indispensable aux professionnels du secteur pour travailler dans un monde en évolution rapide. 

 

Article signé Gabrielle Millan, présidente de Using City

 


 

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