#8 - « Hybrider » : la clé pour financer la décarbonation des territoires

3650 Dernière modification le 29/03/2022 - 12:01
#8 - « Hybrider » : la clé pour financer la décarbonation des territoires

 


Pour être à la hauteur de l'urgence climatique et décarboner nos territoires, les projets complexes doivent se multiplier, mêlant notamment acteurs publics et privés. Hybrider les modes de financement est indispensable pour un déploiement suffisamment rapide et ambitieux.

 

Oser les projets complexes pour atteindre nos objectifs climatiques

Pour respecter l’Accord de Paris, poser des panneaux photovoltaïques ne suffira pas. Faire reposer la transition sur les actions individuelles ou de petites initiatives autofinancées, non plus. Face à l’urgence climatique, des projets plus complexes doivent aussi voir le jour, mixant à la fois les niveaux d’action et les parties prenantes impliquées.

ADEME, RTE, Négawatt… tous les scénarios prospectifs publiés récemment le rappellent : l’efficacité énergétique, voire la sobriété, sont des prérequis à toute démarche de décarbonation. Dans sa Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), la France pose justement la réduction de moitié de nos consommations d’énergie comme un pilier pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Il faut des projets hybrides pour décarboner nos territoires : mêler performance énergétique et développement des énergies renouvelables, rénovation des bâtiments et installation de panneaux solaires, pilotage centralisé des consommations d’énergie des bâtiments (via une GTB) et mise à disposition de bornes de recharge pour les véhicules électriques, remplacement des équipements énergivores de nos industries et valorisation de la chaleur fatale au sein de réseaux…

Il faut également que les acteurs du territoire portent conjointement les projets. Entreprises, collectivités, citoyens doivent s’unir pour être à la hauteur de ces objectifs ambitieux. Pour maximiser le potentiel énergétique de leur territoire, des acteurs publics et privés s’allient par exemple dans la mise en œuvre de boucles énergétiques locales. La métropole de Rennes et PSA ont ainsi collaboré pour redynamiser et contribuer à décarboner la zone industrielle de La Janais. Afin d’attirer des entreprises de la mobilité décarbonée et de l’écoconstruction, ils ont mené une étude pour créer une boucle d’eau chaude, capitalisant sur le réseau de chaleur de PSA. Casser les silos permet de lancer des projets ambitieux et efficaces, dont les budgets plus conséquents ne doivent pas être un frein.

Décarboner nos territoires grâce à des financements hybrides

Les aides publiques et primes privées diminuent le reste à charge. Lancé à la rentrée 2020, le Plan France Relance a alloué 1,2 milliards d’euros à la décarbonation de l’industrie, et 6,7 milliards d’euros à la rénovation énergétique des bâtiments. Entre 2009 et 2020, le Fonds Chaleur de l’ADEME a distribué 2,6 milliards d’euros pour développer la production de chaleur renouvelable et de récupération. Les Certificats d’Economies d’Energie (CEE) ont quant à eux représenté environ 3 milliards d’euros de primes travaux par an sur la 4ème période. Toutefois, ces subventions publiques et privées couvrent rarement l’intégralité des financements nécessaires aux projets complexes. Hybrider les modes de financement est alors indispensable pour qu’ils voient le jour.

Dans un contexte d’augmentation des prix de l’énergie, les démarches d’efficacité énergétique, visant à réduire les consommations d’énergie et donc réaliser des économies durables, ne sont plus une option. Alors que les investissements peuvent être significatifs, passer par un tiers-financement permet de faire correspondre le calendrier des décaissements à celui des économies d’énergie. La location évolutive offre la possibilité d’adapter les actifs financés aux évolutions technologiques, et de mieux gérer la fin de vie. Par exemple, les bornes de recharge pour véhicules électriques connaîtront dans les prochaines années d'importantes innovations quant à la vitesse et la puissance de recharge, il faut laisser aux entreprises et collectivités la capacité d’en bénéficier. On peut également choisir de faire appel à un opérateur tiers pour garantir l’atteinte desdites économies, via un Contrat de Performance Energétique (CPE).

Pour financer les projets complexes nécessaires à la décarbonation des territoires, hybrider ces différentes sources de financement est la clé. Les entreprises comme les pouvoirs publics doivent s’en emparer pour lever le frein du budget et faire leur part. Une collectivité peut mettre en place un CPE afin d’atteindre les objectifs du décret tertiaire sur une dizaine de ses bâtiments administratifs, utiliser les primes CEE et la bonification liée au CPE en complément pour engager des travaux d’isolation ou le changement de chaudière sur certains, et recourir à la location pour installer des bornes de recharge électrique.

Côté industriels, GreenFlex a par exemple accompagné Antartic Foods pour augmenter sa capacité de production, tout en assurant une haute performance énergétique de sa salle des machines. Pour y parvenir, le spécialiste de la surgélation de légumes installé dans les Landes a misé sur la récupération de sa chaleur fatale. Un montage financier a permis de couvrir 100 % des 4,9 millions d’euros d’investissements, en alliant location, valorisation de près de la moitié du budget en CEE, et subventions de la région Nouvelle Aquitaine.

Pour aller encore plus loin, des acteurs publics et privés unissent leurs forces et sont d’autant plus puissants pour agir vite et efficacement. Sur sa zone portuaire, Dunkerque veut récupérer la vapeur des industriels pour créer une autoroute de la chaleur qui pourrait dépasser 30 km. Ce réseau de chaleur servira notamment à chauffer d’autres entreprises, ainsi que les logements de collectivités voisines comme Grande-Synthe. Pour orchestrer la coordination des équipements chez de nombreuses parties prenantes, la combinaison de différents modes de financements sera nécessaire pour ce modèle complexe.

De même, la région Occitanie s’est associée à des acteurs privés pour construire le fonds Fiteeo, visant à financer les démarches d’efficacité énergétique des entreprises industrielles et tertiaires sur le territoire. Villeroy & Boch est en passe d’inaugurer ce dispositif innovant. L’usine en question prévoit de diviser ses consommations d’énergie de presque moitié, grâce à l’agrégation de financements proposée : subventions de l’agence régionale, primes CEE, contrat de location couvert par les économies d’énergie…

Adosser accompagnement financier et technique

Croiser habilement aides publiques, primes privées et solutions de tiers-financement sur-mesure lève le frein du budget et rend les projets complexes possibles. Orchestrer ces opérations d’envergure exige des équipes multi-expertes, évidemment connaisseuses des montages financiers adaptés aux enjeux énergétiques, mais aussi capables de comprendre ce qu’elles financent et donc de bien le dimensionner, car elles savent le réaliser et s’engagent sur les résultats.

L’hybridation est clé à tous les niveaux pour décarboner nos territoires à temps : même les opérateurs de la transition doivent l’être. Combiner les financements ne va pas sans accompagnement technique et sans une vision d’ensemble, capable de déverrouiller le passage à l’action et de mettre en œuvre dans le bon ordre. Le financement est un frein lorsqu’on raisonne de façon silotée. En croisant les niveaux d’actions, les acteurs publics et privés, les modes de financement et les expertises, la décarbonation de nos villes et territoires devient pragmatique, massive et à la hauteur des enjeux.

 

Un article signé Marie-Sylvie BERTAIL, directrice générale de GreenFlex


Photo d'en tête par Sophie Louisnard sur Unsplash


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