[Dossier Quartiers Bas Carbone] #10 - Le projet MOLOC – Partage d’expériences sur les Morphologies Urbaines Durable entre cinq villes européennes

Rédigé par

sophie SERAFIN

Directrice adjointe de l'urbanisme et de l'aménagement

4353 Dernière modification le 23/01/2020 - 15:53
[Dossier Quartiers Bas Carbone] #10 - Le projet MOLOC – Partage d’expériences sur les Morphologies Urbaines Durable entre cinq villes européennes

MOLOC est le diminutif de « MOrphologies LOw Carbon ». MOLOC est un projet européen co-financé par le programme Interreg Europe.[1] Il est piloté par la Ville de Lille et associe les villes de Turin, Hambourg, Suceava, le Centre de Recherche Minier de Katowice et le réseau Energy Cities. Le but du projet est de définir ensemble et tester des solutions innovantes pour construire une ville bas-carbone.

Qu’est-ce qu’un une ville bas-carbone ? Voici la première question que les six partenaires du projet européen MOLOC se sont posés au démarrage du projet en 2017. Après trois ans de travail de commun grâce au soutien du programme Interreg Europe, des réponses ont été apportées et des solutions urbaines vont être testées.

Une ville bas-carbone peut être associée à un métabolisme : souvent en croissance démographique et économique, les villes doivent accueillir des flux entrants toujours plus importants (personnes, véhicules, investissements, énergies…). Or, le changement climatique a des impacts qui forcent les villes européennes à diminuer leur empreinte carbone et à adapter ses projets urbains. Une ville bas-carbone a donc vocation à accompagner la croissance urbaine tout en garantissant qualité de vie aux habitants et lutte contre le changement climatique.

Le travail des partenaires du projet MOLOC s’est appuyé sur une méthodologie en trois étapes : a) Etude comparative entre les villes sur les obstacles rencontrés pour diffuser une culture bas carbone ; b) Participation à des visites d’études dans chaque ville pour repérer des bonnes pratiques ; c) Construction d’un plan d’actions opérationnel 2020-2022.

Des obstacles communs

En premier lieu, les villes partenaires du projet MOLOC ont effectué un  premier travail d’analyse des obstacles auxquels elles faisaient face dans la perspective de construire une stratégie bas carbone. Les résultats de cette analyse ont été surprenants. Nous nous attendions à ce que les obstacles d’ordre technique et financier soient en pole position, le développement de technologies bas carbone coutant souvent cher et nécessitant une expertise très poussée. Or, les obstacles se sont révélés être plutôt d’ordre organisationnel, liés à la communication, à la gouvernance, à l’association de partenaires diversifiés sur le territoire. Par exemple, l’un des obstacles rencontré par toutes les villes du partenariat est l’implication des citoyens et des usagers de la ville dans la construction d’une stratégie bas-carbone. Les structures décisionnelles municipales sont parfois mal adaptées aux nouvelles exigences d’implication des communautés au cœur du design de politiques publiques.

Un autre obstacle commun est la récupération de données fiables pour disposer d’indicateurs d’impacts des actions bas-carbone. Souvent, les données sont dispersées entre acteurs municipaux, métropolitains et étatiques. Le Centre de Coordination Climatique d’Hambourg a pour vocation de rassembler et de compiler ces données, une initiative inspirante pour les autres villes.

Repérer et partager des pratiques innovantes pour lever ces obstacles

Une fois les obstacles identifiés, les partenaires du projet se sont attelés à repérer, analyser puis partager des solutions développées dans les villes du projet. Ce travail a mobilisé les équipes des villes partenaires mais également un réseau d’une cinquantaine de partenaires locaux avec qui chaque ville a travaillé : les métropoles, les services de l’Etat, les Régions, associations etc. Des visites d’études organisées dans chaque ville ont mobilisé l’ensemble de ces partenaires.

Ces visites d’études ont permis de recenser plus de dix bonnes pratiques, évaluées par des experts puis référencées sur la plateforme Interreg Europe.[2] Deux bonnes pratiques identifiées lors du projet ont permis à des partenaires du projet MOLOC de développer de nouveaux projets.

Visite d'études EU Greenweek, Turin, Mai 2018

Reconversion de friches industrielles en espaces récréatifs

A Turin, le long de la rivière Dora, le Parc Dora couvre une superficie de 100 hectares. Des industries telles que Fiat et Michelin étaient présentes sur la zone, du fait de la proximité avec la rivière et la gare. Dans les années 1980, l’industrie a connu une profonde crise et le site fut abandonné. La ville lança un Programme de Requalification Urbaine en 1998, avec des fonds privés et publics. En 2004, un concours international est ouvert pour la réalisation du parc. Peter Latz, architecte allemand, remporte le concours. Le parc, est ainsi divisé en cinq zones, avec des fonctions différentes. Certaines infrastructures industrielles ont été conservées dans le parc, comme l’immense hall de l’usine FIAT. Le hall est devenu le lieu de rencontres des habitants, où tous types d’activités sportives et culturelles cohabitent. La Ville de Suceava s’est ainsi inspirée de ce programme pour obtenir des fonds européen de la part de l’Agence de Développement Nord-Est roumaine pour reconvertir une partie des berges de la rivière Suceava en espaces récréatifs attractifs.

Parco Dora, Turin

Le « Municipal Energy Centre » à Katowice

La Ville de Katowice réfléchissait depuis plusieurs années à la création d’un point d’information citoyen sur les énergies. L’idée originale était de créer cet équipement au sein  même des bâtiments de la mairie de Katowice. Or, suite aux visites d’études effectuées à Lille grâce au projet MOLOC, les collègues de Katowice ont changé leur idée initiale. La Ville de Lille dispose d’un équipement géré en collaboration avec la Métropole Européenne de Lille : la Maison de l’Habitat Durable.[3] La « MHD » est le guichet unique pour la rénovation énergétique de la métropole lilloise. Ses services concernent les conseils aux habitants, l’aide juridique, la mise en réseau avec les professionnels, l’aide au montage de dossier. Le lieu abrite également une exposition permanente et organise de multiples ateliers « do it yourself ». La Ville de Katowice s’est ainsi inspirée de l’équipement lillois pour ouvrir leur guichet unique : le « Municipal Energy Centre ». Comme la MHD, cet équipement est détaché des bâtiments municipaux, physiquement visible donc de la rue, animé par deux employés dédiés et une exposition permanente occupe le lieu.

Municipal Energy Centre, Katowice

Les actions bas-carbone

Après trois ans de travail en commun, chaque ville partenaire dispose maintenant d’un plan d’actions, inspiré des pratiques des autres villes et engageant l’ensemble des partenaires locaux. Ces plans d’actions sont actuellement en cours de validation et les actions démarreront dans les prochains mois.

Les villes partenaires du projet MOLOC travaillent sur des thématiques différentes. Pour Katowice, la lutte contre la pollution de l’air est l’enjeu numéro 1. L’industrie du charbon emploie encore 100 000 personnes en Silésie. Le recours systématique au chauffage charbon individuel créé des pollutions fortes aux particules fines dans les villes de la région. La Ville de Suceava fait, elle, face à des problèmes importants de congestion automobile. La Ville n’est pas assez étendue pour développer des transports en communs lourds, mais les axes centraux, notamment celui franchisant la rivière Suceava, sont surchargés. Suceava fait donc le choix de développer une flotte de bus, véhicules municipaux et vélos électriques. A Hambourg, le choix s’est porté sur la zone industrielle et commerciale de « Schnackenburgsallee » dans le quartier d’Altona. Cette zone a été délaissée par les plans récents d’urbanisme durable. L’idée est donc d’engager les chefs d’entreprise de cette zone dans des contrats d’efficacité énergétique. Pour Lille et Turin, les objectifs sont assez similaires. Les deux villes ont pour ambition de contribuer à la formation d’une stratégie de développement urbain durable, fondée sur quatre piliers : la construction d’un outil commun de partage des données bas-carbone du territoire, la sélection d’indicateurs, le développement d’outils de suivi d’opérations livrées et le recours aux éco-matériaux.

Un article signé Aurélien Parsy, Chargé de projet européen à la Direction urbanisme de la Ville de Lille 


[1] Le programme Interreg Europe a pour vocation de financer des projets de coopération entre les régions européennes afin de diminuer les inégalités et favoriser le partage de la culture européenne.

 

Consulter l'article précédent :  #9 - Comment connecter les territoires pour leur permettre une optimisation par le numérique sans exploser leur empreinte carbone ni leurs factures d’électricité ?


           

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