[Dossier Formation] #8 - Pas de déterminisme pour le futur de nos métiers

Rédigé par

Philippe Dresto

2528 Dernière modification le 28/01/2021 - 12:50
[Dossier Formation] #8 - Pas de déterminisme pour le futur de nos métiers

Le passé peut être multiple selon les points de vue que l’on retient, le présent est bien réel et factuel, le futur quant à lui n’existe pas… A nous de le construire et de se mettre en action dès à présent pour ne pas le subir. La démarche prospective que les Compagnons du Devoir animent par métier et de manière transversale porte cette ambition de préparer la jeunesse et les professions aux futurs possibles.

 

De histoires multiples écrites sur un socle largement partagé

Si d’un métier à l’autre, les scénarios possibles peuvent être perçus de manière différente, il n’en sont pas moins tous construits globalement sur les mêmes facteurs de changement. Parmi ceux-ci se retrouvent assez naturellement les modes constructifs, la réglementation, l’évolution sociologique de la société, la main d’œuvre, la formation, l’innovation, l’impact du numérique… A partir de ces données les histoires peuvent être nombreuses, mais une sorte de consensus n’en ressort pas moins. L’exemple du scénario retenu pour le couvreur 2035 est une bonne synthèse de ces histoires. La voici en quelques mots.

 

Le couvreur en 2035…

En 2035, du point de vue de la main d’œuvre, le scénario retenu privilégie une tendance de perte de maîtrise de la force de travail relativement à son avenir. Il ne semble en effet pas que le marché se structure sur des spécialisations marquées de la main d’œuvre, mais bien plus sur un positionnement ni tout industriel, ni toute élitiste experte de son métier. De ce fait, l’expression claire d’un positionnement du couvreur n’est toujours pas possible vis-à-vis de la filière. Sociologiquement, cela se traduit par une recherche marquée d’identité de la part du couvreur afin de faire reconnaître sa compétence et garantir une place au sein de la chaîne de valeur du bâtiment. Dans de telles conditions, protéger sa culture et son savoir-faire constituent une condition nécessaire au maintien de la profession.

Dans l’entreprise, les perspectives sont largement orientées vers une modernisation des managements et un mouvement à l’image des « entreprises libérées », poussées par une génération nouvelle de dirigeants apportant avec eux une nouvelle culture d’entreprise marquée par l’intelligence collective et la transversalité du pouvoir. L’entreprise libérée se généralise, le management est ouvert, les décisions sont prises de manière collaborative et les emplois du temps sont souples, marqués par une grande confiance et autonomie au sein des collaborateurs des entreprises.

En ce qui concerne le volet formation professionnelle, les différentes réformes ont créé un mouvement d’accélération des mutations d’apprentissage. Une plus grande flexibilité est apportée aux référentiels de compétences et la mutation des socles de compétences, largement tirée par les entreprises, permet de former des jeunes qui répondent aux nouvelles exigences du marché. Ainsi, les montées en compétences et les changements de métiers sont facilités. On peut devenir couvreur en seconde partie de carrière, et de la même manière de nombreux chefs d’entreprises de couverture ne sont pas issus du milieu professionnel.

Du point de vue technologique, c’est l’avènement du numérique, notamment au travers de l’intelligence artificielle qui prend une place prépondérante au sein de la filière. Sans supplanter l’intelligence humaine, l’intelligence artificielle propose des recommandations aux professionnels en matières techniques, esthétiques, économiques et devient ainsi un outil incontournable de tous les chantiers, y compris des plus petits.

Le métier doit s’adapter, et pourtant certains acteurs restent ancrés à leur modèle traditionnel, dans une logique de recherche identitaire. Au même moment, d’autres profitent du levier de la démocratisation industrielle du métier pour gagner des parts de marché, muter, et prendre le dessus sur une filière dont le périmètre évolue tant du point de vue des acteurs que des réalisations. Dans ce contexte, l’innovation industrielle est hyper dynamique et propose aux acteurs du marché des solutions sans cesse nouvelles pour faciliter le travail sur le chantier : l’industriel impose, le couvreur pose. Les modes constructifs évoluent donc rapidement et l’impression 3D est devenue une solution courante de la construction et a pris une place au même titre que d’autres solutions déjà existantes. De nouvelles modalités constructives sont sans cesse en cours d’intégration à la filière. Ces modes constructifs évoluent également fortement sous la contrainte climatique qui modifie en profondeur la donne de la conception privilégiant les réalisations neuves et les rénovations éco-conçues.

 

Une prospective pour passer à l’action

Les principaux déclencheurs de cette histoire sont largement liés à des facteurs exogènes à la filière comme par exemple le dérèglement climatique, les tensions normatives, le coût et la disponibilité du foncier, la pénurie de main d’œuvre, des prises de conscience identitaire, l’émergence du numérique, les mutations sociologiques, la dichotomie persistante entre neuf et rénovation, la formation ou encore les interactions entre acteurs de la chaîne de valeur.

Les implications sont par ailleurs très nombreuses notamment du point de vue de la confiance du marché en matière de sinistralité et l’identification des savoir-faire permettant de gérer des offres promouvant le confort et le respect de contraintes telles que le prix ou l’environnement. Les leviers sont nombreux et l’émergence de solutions innovantes impliquant de l’intelligence artificielle est particulièrement structurante.

Dans ce contexte, pour la profession, la nécessité de se remettre en cause profondément grâce à de la veille, de la formation mais aussi la capacité à rendre lisible des offres qui peuvent parfois donner un sentiment de complexité et de renouvellement permanent. La nécessité de structurer les professions n’a jamais été aussi prégnante pour les professionnels des filières.

Dans ce contexte, les axes de travail peuvent se résumer selon les orientations suivantes :

  • Travailler l’image des métiers du bâtiment : attirer la jeunesse n’a jamais été aussi nécessaire que maintenant au vu du futur attendu.
  • Construire une politique d’offre et transformer le marché non plus dans une logique de demande, mais bien d’offre. Il s’agit d’inverser plus de 50 ans de fonctionnement.
  • Faire évoluer la formation et adapter les modules aux besoins des différents acteurs de la filière à commencer par les entreprises. L’analyse et la prise en compte des évolutions nécessaires des Référentiel Emploi Activité Compétences constituent une condition de la réussite de la mutation des filières
  • Intégrer les mutations sociologiques et faire évoluer les comportements pour assurer la réussite de l’intergénérationnel apparaît également comme un point clef de la transformation du marché
  • Tout ceci est possible si la filière est structurée et unie autour d’une ambition commune et partagée… et de ce point de vue tout reste à écrire !

 

En tant qu’organisme de formation, l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir et du Tour de France utilise l’ensemble de ce type de travaux pour construire de nouvelles offres de formation. Bien au-delà des programmes de formation initiale traditionnellement orientés vers la justesse du geste technique, le devenir du métier ouvre la voie à des formations innovantes souvent transversales et intermétier. Ces formations mobilisent entre autres les « soft skills » et c’est tout le champ du savoir être qui peut être décliné de manière pédagogique. Il s’agit alors de poser des concepts sur des actes et d’intellectualiser des démarches ancestrales qui ont fait leur preuve, et qui doivent aujourd’hui prendre la forme de « produits de formation » qui répondent aux canons du marché. Le devenir du métier est souvent utilisé comme un tremplin vers la création de parcours de formation supérieure afin de proposer des suites logiques d’acquisition de compétences attendues par les acteurs du marché d’aujourd’hui et de demain.

Donc point de déterminisme mais une volonté farouche de préparer un avenir empreint de stabilité et de sérénité dans un contexte mouvant et parfois déstabilisant…

 

Un article signé  Philippe Dresto, Directeur prospective - marketing, Les Compagnons du Devoir 

 


 

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