[Dossier Formation] #13 - La modalité de formation immersive comme vecteur de modernisation de l’apprentissage dans le BTP

3250 Dernière modification le 02/02/2021 - 12:11
[Dossier Formation] #13 - La modalité de formation immersive comme vecteur de modernisation de l’apprentissage dans le BTP

A l’heure où l’intégration du numérique dans les pratiques pédagogiques a apporté un souffle nouveau aux formateurs des organismes de formation du BTP, la réalité virtuelle, la réalité augmentée, les environnements 3D portent quant à eux de nombreux espoirs. Apprentissage plus rapide, plus profond, plus ludique, ces modes de formation semblent également plus en phase avec les aspirations d’une jeune génération. Mais aussi séduisante qu’elle soit, la formation immersive connaît aussi ses limites. 

Quand la modalité de formation immersive joue gagnant

Avant tout, et malgré la fascination véhiculée, elle ne peut être exclusive d’autres formes d’interactions pédagogiques. Il est illusoire ainsi d’imaginer des programmes 100% en réalité virtuelle. L’expérience montre qu’elle doit avant tout être dédiée à des acquisitions particulières dans un environnement qui fait sens pour l’utilisateur, le joueur. Comme tout acte formatif, la modalité de formation immersive est en effet mise en place dans le cadre de domaines disciplinaires ou de thématiques transverses. Elle est ainsi l’objet d’appropriations, à titre d’exemple, pour des sujets propres au génie climatique, au travail du plâtre, à la conduite d’engins ou à la Santé et la Sécurité au Travail (S&ST). Comme tout acte formatif, elle est soumise à une approche de la montée en compétences des apprenants par activités, par tâches successives. 

Il en est de même lorsque l’on évoque la mise en place du numérique éducatif dans les activités d’apprentissage. Les modules de réalité virtuelle ou augmentée portent ainsi sur des éléments précis : gestes particuliers, appréhension d’une situation de dangerosité, planification d’une tâche, diagnostic préparatoire à une intervention par exemple. Par principe, cette modalité se présente donc par modules, dont l’association avec d’autres éléments forme un parcours de formation. 

Outre que tout pédagogue doit veiller à apporter de la diversité dans les modalités de formation mises à disposition de ses apprentis, on constate également qu’une méthode est rarement universelle. Une méthode satisfait tel apprenti mais non tel autre, un exercice donnera ici de bons effets mais là de piètres résultats. Pour revenir à notre sujet, c’est l’alternance de mises en situations physiques, virtuelles ou sociales qui font le terreau d’une montée en compétences de l’ensemble d’un groupe d’apprenti. La plus-value de la formation en réalité immersive n’est établie que sur certains objets. 

« J'entends et j'oublie ; je vois et je me souviens ; je fais et je comprends », la citation du philosophe Confucius prend tout son  lors que l’on parle de la plus-value de la formation immersive dans le monde de l’apprentissage. En effet l’apprenant est immergé dans une situation réelle dont il voit toutes les facettes et dans laquelle il va devoir agir. Il apprend en faisant. L’action d’utiliser un module en réalité virtuelle est dénommée « jouer » : on dit que l’on joue un module. La notion de joueur est également employée lorsque l’on parle de “serious Game” ou “jeu sérieux numérique”, tant apprécié par les jeunes. C’est une caractéristique qui rend les modalités de formation immersives très actuelles, très modernes. 

 Cependant, il convient d’être vigilant, car même si son utilisation produit des résultats fabuleux sur certains champs (appréhension de l’espace, anticipation des risques…), elle peut également se révéler fabuleusement onéreuse pour des résultats identiques à la formation classique dans d’autres cas. La réalité montre de plus qu’elle est clairement sans effet dans certains domaines. Inutile ainsi d’imaginer pouvoir y avoir recours pour tous les aspects de l’acquisition d’un métier. 

 

Une place évidente dans la formation aux métiers du BTP

Quoi qu’il en soit, dans le secteur des formations par apprentissage aux métiers du BTP, les réalités virtuelles et augmentées, les environnements numériques 3D et les plateformes de formations sont aujourd’hui le quotidien de 40 000 apprentis formés aux premiers niveaux de qualifications. La pertinence de l’utilisation des simulateurs a été démontrée il y a plusieurs années pour la conduite d’engins de travaux publics ou dans l’apprentissage du BIM. Elle connaît un développement fantastique dans des métiers très variés du BTP, comme le génie climatique ou le second œuvre. Cette réalité est due à des impulsions fortes, liées à des choix stratégiques portés par des acteurs essentiels de la formation professionnelle. Elle est également le fruit d’une entrée progressive de la pédagogie dans le monde de la haute technologie et de la R&D. Initialement tâtonnant sur ce champ, l’acte pédagogique croise en effet les sujets des neurosciences et des processus cognitifs pour apporter une validation scientifique aux méthodes d’apprentissage. Des programmes ont ainsi montré à quel point l’émotion peut être un levier intéressant pour la compréhension d’un concept ou d’une situation professionnelle. Les modules de formation en réalité virtuelle ou augmentée créés par le CCCA-BTP sont eux aussi sous-tendus par cette dimension expérimentale. Leur déploiement intègre certains principes : réponse à un besoin, écoute des parties prenantes, innovation et expérimentations raisonnées, tests en grandeur nature avant déploiement. 

 

 

 

La valeur ajoutée de ces modules repose sur le fait que les scénarios pédagogiques ont été établis par des formateurs de CFA BTP en repérant des situations de travail pouvant faire l’objet d’un apprentissage immersif. Il s’agit là de donner du sens aux enseignements proposés aux apprenants en formation. Le joueur est invité à réaliser des tâches professionnelles, à faire des choix et à prendre des décisions et tout cela sans risque d’accident, de dégradation ou d’usure de matériel. Pour sa part, le formateur bénéficie des résultats de chaque apprenti. Il peut ainsi observer sa montée en compétences et lui apporter des éléments de remédiation à l’issue d’une phase de débriefing. 

Actuellement, un travail de fond est aussi en cours sur une dimension nouvelle, qui annonce une petite révolution pédagogique. En revenant sur la distinction des disciplines, le CCCA-BTP tente un usage des modules et des espaces virtuels identiques dans plusieurs champs différents. Imaginer plusieurs corps d'État intervenir ensemble dans un seul espace numérique, c’est peut-être bien l’avenir de l’AVR dans le BTP. La conduite de ces travaux et les résultats de ces expériences seront partagés dans le courant de l’année 2021. 

Un « réel » avenir 

Il est enfin des apports essentiels de l’AVR trop peu mis en avant. Si ce sont les gestes professionnels qui portent principalement l’intérêt collectif, les travaux menés montrent également que les évolutions sont manifestes d’une appréhension particulière de leurs métiers par les apprentis : acceptation rapide du changement, intégration des nouveautés, esprit de créativité, ouverture aux mutations professionnelles. Il a été montré combien la jeune génération semble familière de ces innovations et qu’elle se les approprie avec une rapidité étonnante. Les sociologues ont fait le lien entre ce constat et les habitus générationnels. Aussi intellectuellement satisfaisant que cela paraisse, il est pourtant possible de pousser plus loin le raisonnement. Dit autrement, l’explication permet peut-être de comprendre qu’au-delà de sa place d’apprenant, l’apprenti endosse facilement une autre mission, celle d’acteur réel de sa formation. À partir de cette posture d’acteur, l’apprenti accepte et intègre ces innovations, en véhiculant spontanément et presque inconsciemment des références nouvelles. Les jeunes professionnels véhiculent des comportements différents, les portent et les réclament au sein de leurs entreprises. D’apprenants ils deviennent prescripteurs pour un avenir meilleur de leurs entreprises et c’est une évolution qu’il ne faut pas ignorer.
 

Un article signé : 
Jacques-Olivier Hénon, Directeur des politiques de formation et de l’innovation pédagogique au CCCA-BTP,
Pascal Miché, Responsable du pôle ingénierie et innovation pédagogique au CCCA-BTP

 


 

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