[Dossier Formation] #11 - La transformation structurelle du secteur de la construction est en marche, la formation aux Méthodes Modernes de Construction s’avère indispensable… 

Rédigé par

Pascal Chazal

4969 Dernière modification le 01/02/2021 - 11:30
[Dossier Formation] #11 - La transformation structurelle du secteur de la construction est en marche, la formation aux Méthodes Modernes de Construction s’avère indispensable… 

Crédit photo : Usine Lindback’s Suède 

Le monde du bâtiment est en mutation, le phénomène est mondial et durable. Selon les experts internationaux, le marché de la construction, boosté par l’avancée des méthodes modernes de construction (MMC), sera totalement remodelé dès 2025. Les acteurs du bâtiment vont devoir faire face à des changements progressifs mais profonds remettant en question les approches traditionnelles de la construction (ces changements se traduiront tant sur les technologies que les modèles économiques et organisationnels des entreprises). L’agilité, déjà fortement valorisée dans certains domaines comme l’informatique, va devenir une compétence clé des acteurs du bâtiment. La France doit encourager et accompagner ces mutations pour devenir le terreau fertile d’une industrie nouvelle de la construction, dynamique et créatrice d’emplois, pour cela, des formations à ces nouvelles méthodes doivent être mises en place. 

BIM, GREEN, LEAN : sont les nouveaux enjeux de la transformation du secteur du bâtiment

L’industrie de la construction est le plus important écosystème au monde et contrairement à tous les autres secteurs, elle n’a pas encore réalisé sa transformation industrielle. Elle peine à concevoir et à proposer des produits qui répondent aux attentes actuelles des marchés selon la triple exigence de la qualité, de prix et de soutenabilité. 

Les besoins sont colossaux, tant en termes de construction que de rénovation 1300 bâtiments sont à produire chaque jour dans le monde, 60% d’entre eux ne sont pas encore construits, quant à l’existant, il faudrait un siècle pour remettre le parc actuel constitué pour l’essentiel de passoires thermiques au niveau des réglementations actuelles. La massification et l’industrialisation s’avèrent être une absolue nécessité.

Certes de nombreuses professions du bâtiment se sont déjà engagées à répondre à l’un ou l’autre de ces défis mais l’on constate que leur déploiement ne se traduit pas encore par une réelle amélioration de la qualité des opérations sur le terrain ni par une réduction significative des délais et des coûts de construction. Or chacun le sait, réduire les coûts, tout en améliorant les marges des entreprises est une nécessité absolue dans un secteur qui peine à financer ses investissements et sa R&D, d’autant que les bâtiments se dirigent vers une complexité croissante (les lots techniques et architecturaux représentent aujourd’hui plus de 65% du bâtiment contre 35% dans les années 80). 

Quelle voie alors faut-il emprunter pour changer de modèle et répondre à ces défis ?  Si l’on en croit les quelques 200 rapports internationaux rédigés depuis les 3 dernières années sur le sujet, le bâtiment a engagé sa révolution industrielle. Dès lors, il est nécessaire de passer d’une vision centrée sur le chantier à une vision centrée sur la préfabrication, c’est ce que propose la construction hors-site ! Cette nouvelle approche de la construction, encore balbutiante en France, consiste à produire des éléments à forte valeur ajoutée, dans des usines ou des ateliers elle doit nécessairement s’accompagner d’une montée en compétences des professionnels du secteur et de la création de nouveaux métiers. 

Mais ce développement des qualifications ne peut passer sous silence la question récurrente de l’attractivité des métiers du secteur, 80% des entreprises du bâtiment peinent à recruter. Sur de nombreux postes, les recrutements restent difficiles tant les candidatures sont rares, elles le sont d’autant plus que l’on se rapproche du chantier. Dès lors il y a lieu de s’interroger sur les motivations, notamment des générations Y et Z. Pour ces « digital native », les questions de la préservation de l’environnement, du sens donné aux missions et de l’équilibre vie pro / vie perso sont centrales. L’attractivité des entreprises de l’ensemble de la chaîne de valeur immobilière repose sur le sens qu’elles donneront à leurs projets et à leur impact social et environnemental, problématiques auxquelles répond la construction hors-site par une vision vertueuse et bas carbone du cycle de vie d’un bâtiment.

En résumé, se questionner sur les compétences futures dans le domaine du bâtiment doit nécessairement tenir compte d’une part de ces ruptures technologiques et d’autre part des attentes formulées par ces nouvelles générations.

 

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Crédit Photo Lindback’s Suède : un emploi sur deux est féminin dans les usines Lindback’s ! 

 

Bâtiment et Industrie : Des compétences hybrides à acquérir et à combiner

Dans le monde entier les Méthodes Modernes de Construction (MMC) et la construction hors-site sont reconnues comme étant la clé de la transformation, d’après McKinsey et bien d’autres, le chiffre d’affaire de la construction hors-site va exploser dans les prochaines années. 

Il n’existe cependant pas à ce jour dans notre pays, de formation spécifique à la construction hors-site, on est formé au bâtiment et on pense chantier ou on est formé à l’industrie et on pense production de voitures, d’avions ou d’objets divers, on ne forme pas à produire des éléments à forte valeur ajoutée mixant les métiers et les matériaux, pour des bâtiments en partie fabriqués hors-site.

Les compétences identifiées devront mixer les savoirs et savoir-faire du monde de l’industrie et de celui du bâtiment et nous évoquerons successivement quelques-unes d’entre elles. 

Comme nous l’indiquions ci-dessus, les bâtiments vont présenter des dimensions de plus en plus complexes et tenir compte des attentes sociétales et des réglementations publiques (RE2020). Par exemple, la maîtrise énergétique, le faible impact carbone, vont imposer aux spécialistes du bâtiment. Co-concevoir en amont les équipements de façon à éviter les ponts thermiques et à fixer les conditions de recyclabilité de certains produits devient une tâche de plus en plus ardue et complexe difficile à réaliser avec les méthodes héritées du passé quand les bâtiments étaient simples... 

C’est pourquoi la pratique de conception en équipe interdisciplinaire intégrant les industriels et s’appuyant sur le DfMA (Design for Manufacture and Assembly), constituera un des facteurs clés de succès des futures opérations. En phase de fabrication, les opérateurs devront maîtriser davantage de polyvalence dans l’exécution de leurs tâches centrées sur des process. Lors de la phase de transport et d’assemblage des éléments préfabriqués, la gestion des approvisionnements et des flux devra faire appel à des compétences de logisticiens qui pourront se retrouver chez un professionnel spécialisé ou au sein des entreprises intervenantes. De nouveaux métiers vont apparaître afin de prendre en compte la durée de vie et le coût global des bâtiments, les questions d’évolutivité de démontabilité et de recyclabilité seront de plus en plus prégnantes pour mieux répondre aux usages. 

 

 

Enfin, tout au long du process hors-site, ce travail en équipe interprofessionnelle et interdisciplinaire devra s’appuyer sur des savoir-être tout aussi essentiels que les savoir-faire techniques : le management de projets complexes nécessite de faire collaborer tous les métiers et la qualité de l’entraînement et de la motivation des équipes devient ici stratégique. Un projet hors-site exigera des travaux encore plus efficaces sur le site, dont la nature et l'ampleur varieront en fonction de l'importance des produits préfabriqués. 

Le leadership permet de transformer une collection de compétences individuelles, travaillant en silos, en un collectif doté d’une compétence capable de surmonter les difficultés et de répondre à la complexité des enjeux et à la diversité des commandes. Les compétences liées au pilotage du changement deviennent indispensables pour faire converger les énergies et les moyens sur ce nouveau paradigme constructif.

Malgré ces tendances lourdes du marché mondial de la construction, la France apparaît encore en retard en ce qui concerne la diffusion et l’adoption des méthodes de construction Hors Site. Selon une étude récente de l’Observatoire des métiers du BTP ciblée sur la préfabrication et l’industrialisation, « l’offre de formation continue actuelle (dans le domaine de la préfabrication) est limitée et les contenus issus de l’offre de formation initiale présentent d’importantes disparités selon la spécialité́ et les certifications visées ». Il est donc devenu prioritaire de renforcer les compétences liées à la préfabrication pour en favoriser le développement.

Des initiatives sont en train de se mettre en place pour apporter une formation aux méthodes de la construction hors-site, on peut citer par exemple le Campus Hors Site, la formation du Moniteur et un prochain Mastère Horsite en préparation par le CESI.   

 

 

Le Campus Hors Site : le premier dispositif français de formation au hors-site 

Crédit : Campus Hors-site  

 

La réponse aux enjeux de cette transformation structurelle qui touche le secteur du bâtiment doit s’appuyer sur une vision éclairée des volontés et des ressources que possèdent notre pays mais aussi de la capacité des acteurs intéressés à créer un véritable écosystème productif. Le Campus Horsite associe, au niveau national, à la fois des maîtres d’ouvrages, des concepteurs, des entreprises de la filière, des industriels, des écoles supérieures et établissements de formation, des institutionnels et des branches professionnelles. Cet écosystème est en capacité d’identifier les référentiels de compétences et d’emplois et de proposer des programmes de formation multicanaux et d’excellence aptes à répondre aux enjeux ici exposés. 

Le Campus Hors Site, créée en 2019 sur un modèle existant en Angleterre depuis cinq ans (la Offsite management school) et financé par des partenaires privés et publics, est une école de formation innovante ciblée sur la formation dans le domaine de l’industrialisation du bâtiment. Elle offre un apprentissage adapté à ces nouveaux enjeux sous forme de « blended learning » à la fois en e-Learning et en présentiel (ateliers, journées professionnelles, séminaires d’apprentissage, plateforme pédagogique, voyages apprenants). Cette formation présente une dimension qualifiante adaptée à la formation initiale (en lien avec des grandes écoles) et à la formation professionnelle continue. En réponse aux besoins en compétences de la construction hors-site, les contenus de la formation s’articulent autour de 5 thèmes : Conception, Production en usine, Logistique, Management de chantier et Maintenance. 

Cette formation est destinée à l’ensemble des acteurs de la chaine de production immobilière.

 

Julie-Anne Millet, Directeur du développement, Hors Site Construction

 


 

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