[Dossier énergies renouvelables] #34 - Énergies renouvelables et autoconsommation : les nouveaux leviers de la valorisation durable du patrimoine immobilier

3767 Dernière modification le 23/06/2021 - 12:43
[Dossier énergies renouvelables] #34 - Énergies renouvelables et autoconsommation : les nouveaux leviers de la valorisation durable du patrimoine immobilier

 

À l’heure du smart building et de la mise en avant de la production locale d’énergie renouvelable, une question se pose : qui doit investir dans les équipements d’énergie renouvelable des bâtiments ? La foncière Poste Immo a fait le choix de supporter le coût de l’investissement.

Elle mise notamment sur la valorisation du patrimoine immobilier qui découle de l’installation des équipements, ainsi que sur la diffusion d’une démarche d’autoconsommation qui sécurise le coût de l’énergie. Retour d’expérience avec Nora Oulakrouz, Responsable immobilier durable, Mathieu Bahuaud, Chef de projet énergies renouvelable et innovation, et Valérie Bogard, Responsable marché énergie.

 

En quoi investir dans les énergies renouvelables valorise votre patrimoine immobilier ?

M. Bahuaud : Investir dans des équipements d’énergie renouvelable accroîit la valeur patrimoniale d’un bâtiment. Chez Poste Immo, nos investissements sont accompagnés d’une forte réflexion sur l’autoconsommation. Il s’agit de couvrir tout ou partie des besoins électriques d’un site en consommant directement une électricité verte produite sur place. Investir dans un moyen de production d’électricité renouvelable en autoconsommation valorise un bâtiment à plusieurs niveaux. Ce dernier va délivrer un service complémentaire aux occupants. Ensuite, l’autoconsommation améliore l’étiquette énergétique de l’immeuble en diminuant la consommation d’énergie en provenance du réseau. Enfin, l’installation d’équipements de production d’énergie renouvelable sur nos actifs lors de rénovations ou de créations d’immeubles augmente leur niveau de performance, pouvant ainsi leur permettre de bénéficier de certifications environnementales (EFFINERGIE, BREEAM, etc.). Tous ces éléments jouent sur la valeur du bâtiment.

N. Oulakrouz : De plus, nos actifs énergétiques peuvent devenir une source de revenu supplémentaire pour le groupe. L’énergie que nous produisons localement peut être valorisée sous plusieurs formes : un contrat de revente à un fournisseur d’énergie, un contrat de mise à bail à un exploitant ou encore une mise à disposition de la centrale aux occupants dans le cadre d’un projet d’autoconsommation. C’est pour toutes ces raisons que dès 2008, la foncière s’est engagée dans une politique de développement de la production des énergies renouvelables sur son patrimoine.

 

Pouvez-vous nous donner des exemples d’investissements marquants dans les énergies renouvelables réalisés par Poste Immo ?

N. Oulakrouz : À ce jour, nous avons surtout investi dans le photovoltaïque. Cette technologie est la plus adaptée à la typologie et à la taille de nos sites que ce soit en toiture et/ou en ombrière de parking. Elle est également la technologie la plus simple à mettre en œuvre. Elle est généralement bien acceptée par les riverains (versus éolien ou méthanisation) et est économiquement la plus compétitive. Ainsi, notre filiale Poste Immo Energie Renouvelable (PIER), issue d’un partenariat avec Urbasolar, a réalisé 48 centrales photovoltaïques en revente pour près de 6 GWh/an de production, soit l’équivalent à la consommation électrique annuelle de 1 000 foyers.

Cependant, nous avons de nombreuses réflexions en cours sur d’autres solutions renouvelables, qui devraient aboutir prochainement. Par exemple, Poste Immo se tourne vers les chaudières à granulés / bois pour sa politique de renouvellement de chaudières conventionnelles au fioul et au gaz. Les chaudières à granulés bois permettent de faire des économies carbone substantielles. En effet leurs émissions ne sont que de 30gCO2e/kWh quand celles de chaudières au gaz sont de 205gCO2e/kWh et 324gCO2e/kWh pour le fioul !  Nous travaillons également sur le développement de la géothermie.

M. Bahuaud : Poste Immo a lancé en 2018 une série d’expérimentations sur l’autoconsommation photovoltaïque dont plusieurs centrales seront livrées en 2021. Parmi elles, la centrale en toiture de l’Hôtel des Postes de Nantes qui vient d’être mise en service. L’électricité d’origine photovoltaïque produite sur place est directement consommée par les usages électriques du site et permet de couvrir 13% des besoins électriques sur l’année. Cette centrale fait désormais office de modèle sur le parc postal et sur l’agglomération Nantaise. En effet, ses 1400 m² de modules photovoltaïques en font une des plus importantes installations pour autoconsommation sur un immeuble tertiaire de la Métropole Nantaise.

V. Bogard : En plus d’investir dans des équipements que nous installons sur nos bâtiments, nous soutenons la production d’énergie renouvelable dans les territoires à travers des Green Corporate Power Purchase Agreement (GCPPA). Ce sont des contrats directs que nous passons avec les producteurs d’électricité renouvelable. L’idée est de remonter la chaîine globale de l’énergie au niveau de sa production. Notre engagement d’achat sur le long terme auprès d’un producteur va lui permettre de développer avec plus de facilité son parc (éolien ou photovoltaïque, en général). De notre côté, cela nous garantit d’avoir des prix fixes. Il existe la même chose pour le gaz : les Green Corporate Gas Purchase Agreement (GCGPA).

 

Comment garantissez-vous la rentabilité des équipements ?

M. Bahuaud : Au-delà des centrales qui sont sous contrat d’obligation de rachat par EDF, l’autoconsommation permet de rentabiliser les investissements. En effet, un kilowattheure produit et consommé localement est un kilowattheure qui n’est pas acheté à notre fournisseur d’électricité. Cette pratique nous permet de gagner en autonomie vis-à-vis du marché de l’électricité et de générer des économies dès les premières années d’exploitation. À cela s’ajoute la revente des éventuels excédents de productions (qui peuvent avoir lieu les dimanches par exemple quand l’immeuble consomme moins). Ces derniers peuvent être valorisés par injection sur le réseau mais également par partage avec des immeubles voisins, dans une démarche d’autoconsommation collective.

N. Oulakrouz : À l’échelle des occupants, l’autoconsommation prémunit le locataire contre le surplus de charges. Elle permet en effet de s’affranchir du tarif d’utilisation du réseau public d’électricité et d’une partie des taxes. C’est assez avantageux économiquement.

 

Quels enseignements tirez-vous des projets d’autoconsommation que vous avez menés ?

M. Bahuaud : Le premier constat que nous faisons est que malgré des réticences initiales, ces projets une fois lancés opérationnellement fédèrent un certain nombre d’occupants. Or, une de nos missions est de systématiquement embarquer et sensibiliser les utilisateurs des sites aux énergies renouvelables par des communications dédiées. C’est donc une réussite de ce point de vue.

Le deuxième enseignement concerne l’approche opérationnelle. Nos projets de centrales photovoltaïques sont relativement peu complexes dans leur mise en œuvre, s’ils ont été suffisamment anticipés en amont. Nous avons pu constater que l’installation d’une centrale est facilitée si elle intervient concomitamment à une rénovation de la toiture ou si elle est incluse directement dans la construction d’un bâtiment neuf. Il est également nécessaire de réfléchir en amont à l’impact de l’équipement sur les systèmes électriques (cheminement de câbles, place suffisante dans les tableaux généraux basse tension, etc.) et de bien préciser les limites des prestations afin de limiter les risques liés aux garanties décennales. Si ces éléments sont bien pris en compte, l’installation se fera sans encombre. Bien entendu, la qualité de la maîitrise d’œuvre est également une garantie d’un projet réussi.

Le troisième enseignement majeur est que les centrales photovoltaïques en autoconsommation sont rentables économiquement, comme nous en avons déjà parlé. Ces investissements permettent de transformer des surfaces traditionnellement passives (toitures/parkings) en des surfaces actives et génératrices de valeur. Mises en œuvre dans les conditions décrites ci-dessus et adaptées aux profils de consommation des immeubles, les centrales deviennent rentables.

 

Est-ce que vous avez pu identifier des points de vigilance lors de vos projets ?

M. Bahuaud : En effet, notre expérience nous a permis d’identifier plusieurs points de vigilance :

  • Les délais de livraison et la disponibilité des modules photovoltaïques dont le marché et les volumes disponibles sont très volatiles. Il n’est pas rare, pour des raisons de respect des délais de chantier, de devoir installer des modules différents de ceux achetés initialement, faute de disponibilité. 
  • L’acceptation du photovoltaïque      vis-à-vis des services urbanistiques des collectivités et des avis des Architectes des Bâtiments de France, spécialement lorsqu’il s’agit de bâtiments en centre urbain. Le cas de l’Hôtel des Postes de Nantes en est un exemple. Nous avons effet été contraints sur ce site à nous adapter pour obtenir les autorisations d’urbanisme en réduisant l’emprise de la centrale photovoltaïque et en réduisant son impact visuel par l’utilisation de la technologie dite « Full Black » (cellules photovoltaïques noircies et cadres peints en noir).
  • Le montage juridique. Il n’est pas toujours évident de trouver le montage adéquat, notamment pour l’autoconsommation. Bien que les textes législatifs s’assouplissent, les entités productrices, consommatrices, et leur connexion aux responsables de la distributions électriques (ENEDIS par exemple) doivent être suffisamment claires pour ne pas risquer de basculer dans des modèles juridiques plus contraignants.

 

Finalement, le travail de Poste Immo s’inscrit pleinement dans la réflexion globale menée par le Groupe La Poste sur l’énergie ?

V. Bogard : Le Groupe La Poste est très engagé sur le chemin de la neutralité carbone. Il a commencé par verdir à la source sa consommation d’énergie grâce aux garanties d’origine. Ces garanties ont permis de faire monter le sujet au niveau du comité exécutif et de montrer à quel point la traçabilité est importante. À la suite de cette première étape, nous avons élargi notre réflexion : autoconsommation et GCPPA (contrats directs avec les producteurs d’électricité renouvelable) montrent de nouvelles pistes ! D’ici quelques années, les bâtiments seront producteurs d’énergie. C’est une évidence. Cela va aussi devenir une nécessité. Notre réflexion consiste à anticiper cet avenir et à proposer des modèles pour les autres bâtiments.

N. Oulakrouz : Tous ces axes s’inscrivent pleinement dans la politique Immobilier Durable de Poste Immo qui s’articule autour de 4 piliers : énergie, climat, économie circulaire, biodiversité. Cette politique est une contribution forte à celle du Groupe La Poste et constitue un vrai levier de transformation.

Finalement, au-delà de l’intérêt économique des énergies renouvelables pour Poste Immo, il y a un intérêt d’image et de valorisation de la foncière et plus généralement du Groupe La Poste. La France s’est engagée à augmenter la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique. En tant que grand groupe, nous nous devons de montrer l’exemple pour mieux acheter, mieux consommer et mieux produire. Cela passe également par un travail de fond sur la réduction des consommations.

 

Un article signé : Nora Oulakrouz, Responsable immobilier durable, Mathieu Bahuaud, Chef de projet énergies renouvelable et innovation et Valérie Bogard, Responsable marché énergie


Article suivant : #35 - Les réseaux multi-acteurs, un modèle pour accélérer la transition énergétique

 

Un DOSSIER réalisé avec le soutien de la :

 

 

Partager :