[Dossier énergies renouvelables] #10 - Grâce au BIPV, les bâtiments et les équipements urbains deviennent des Hubs Énergétiques dans la ville !

Rédigé par

Pauline Grougnet

Directrice

5770 Dernière modification le 04/06/2021 - 12:54
[Dossier énergies renouvelables] #10 -  Grâce au BIPV, les bâtiments et les équipements urbains deviennent des Hubs Énergétiques dans la ville !

La ville durable cherche à limiter son étalement en se reconstruisant sur elle-même et en mobilisant in-situ les ressources disponibles. L’énergie solaire est une de ces ressources : inépuisable, gratuite, elle est aussi exploitable partout. Mais comment en profiter en ville sans mobiliser de grandes parcelles pour installer des fermes solaires ? Le “Building Integrated Photovoltaics” ou « Photovoltaïque Intégré au bâtiment », est une réponse adaptée à cet enjeu.

 

Contexte

Viser la neutralité carbone des systèmes énergétiques et l’indépendance énergétique des villes, notamment aux énergies fossiles, passe, entre autres, par une croissance significative d’installations photovoltaïques pour produire de l’électricité renouvelable. Le foncier étant limité en milieu urbain et pour favoriser une production au plus près des besoins, le photovoltaïque peut être intégré directement dans l’enveloppe des bâtiments mais aussi dans les infrastructures de la ville grâce aux solutions BIPV ”Building Integrated Photovoltaics”  (ou en Français, « Photovoltaïque Intégré au Bâtiment»). Ces solutions sont de véritables outils au service de l’architecture et de la désirabilité des villes.

 

BIPV : une définition qui conduit à changer de paradigme

Encore peu connu en France, le BIPV est toutefois largement connu et pratiqué chez nos voisins européens. Derrière cet acronyme se cache une véritable approche architecturale, fonctionnelle et esthétique d’intégration de solutions photovoltaïques. Le principe consiste à remplacer les matériaux utilisés traditionnellement dans la réalisation de l’enveloppe des bâtiments et des équipements urbains, par leur équivalent photovoltaïque tout en assurant la même fonction. Grâce au BIPV, ces surfaces qui jusqu’à présent avaient un rôle passif de protection et d’isolation, et plus largement les objets qui les accueillent, deviennent de véritables hubs énergétiques dans la ville.

Figure 1 Exemple d'applications sur le bâtiment et dans la ville

Un potentiel prometteur dans les villes

Actuellement, le BIPV est un secteur de niche dans le marché des installations photovoltaïques, mais de nombreux facteurs tendent à montrer que ces solutions vont connaître un essor rapide en milieu urbain.

La ville offre de nombreuses surfaces pour accueillir le photovoltaïque, et pas uniquement celles de toiture de bâtiment…

La toiture est souvent la première piste pour installer des panneaux photovoltaïques. Néanmoins elle est de plus en plus utilisée pour y accueillir les équipements techniques nécessaires au fonctionnement du bâtiment, limitant ainsi la surface disponible. Le reste de l’enveloppe, à savoir les façades, peut donc se révéler un complément intéressant et peut même dans certains cas représenter une surface proportionnellement plus importante dès lors que l’on construit des bâtiments plus grands. Pour se faire rapidement une idée du gisement, et sans rentrer dans des détails techniques et technologiques précis, nous avons simulé le Quartier d’Affaires de la Défense. Si on équipait l’ensemble des façades des immeubles du Quartier avec des solutions BIPV, l’électricité produite pourrait potentiellement couvrir jusqu’à 25% des besoins énergétiques du Quartier. Donc, sans compter les autres applications qu’offre la ville (cf. Fig 1) et bien que cette simulation soit utopique, on se rend bien compte que les toitures à elles seules ne pourront pas y parvenir, et que des surfaces disponibles et pertinentes, la ville, et au moins l’îlot, en disposent en grande quantité. 

Figure 2 Représentation 3D de l'irradiance reçue sur le Quartier de la Défense

Des solutions qui présentent une grande variété de rendus esthétiques pour s’adapter au milieu environnant

Contrairement aux installations photovoltaïques de fermes solaires, qui font désormais partie de notre paysage en ville, où le cadre urbain est imaginé par les urbanistes et les architectes, et particulièrement en France, où l’on peut rapidement se retrouver sur ou à proximité de sites protégés, l’intégration esthétique et paysagère est primordiale. Les industriels du secteur ont donc développé des matériaux BIPV esthétiques, qui peuvent être semi-transparents, opaques, colorés ou à motifs, enrichissant ainsi la palette des concepteurs pour laisser libre cours à leur créativité, sans être bridé par l’image du photovoltaïque traditionnel. De plus, des solutions photovoltaïques peuvent être imaginées et fabriquées sur mesure dans le cadre de réhabilitation de patrimoine historique par exemple, avec des rendus esthétiques imitant les matériaux originels employés comme la brique, le marbre, la pierre…

Figure 3 Exemples de différents rendus esthétiques de solutions BIPV (de g. à dr.et de h.en b.) : impression digitale imitant des lames de bois, solution opaque noire, cellules photovoltaïques de couleurs bleue et verte, intégration semi transparente en verrière. Fabricant : Ertex Solar. 

Des matériaux BIPV qui sont aussi et avant tout des solutions constructives

En général, les panneaux BIPV sont des verres feuilletés de sécurité dans lesquels des cellules photovoltaïques ont été encapsulées. Ils doivent alors respecter les normes électriques photovoltaïques mais aussi les codes de la construction pour pouvoir être mis en œuvre sur les bâtiments et mobiliers urbains. La longévité de ces solutions est donc équivalente aux verres feuilletés de sécurité utilisés traditionnellement pour d’autres applications dans la construction. De plus, leur puissance est garantie pour au moins 20 ans, et leur mise en œuvre n’est techniquement pas compliquée puisque les solutions BIPV nécessitent les mêmes systèmes d’intégration que les matériaux traditionnels qu’elles remplacent. Ce qui signifie que si un module BIPV devenait défectueux et selon son défaut, il pourrait être aisément remplacé, soit par un nouveau panneau, soit par un matériau traditionnel non actif ou encore laissé en place puisqu’il continuerait à assurer sa fonction principale (de protection, de couverture…).

La prise en compte des contraintes urbaines dans l’intégration du BIPV

Quelle que soit son application finale (fermes solaires, toitures, BIPV), la performance de la technologie photovoltaïque est affectée par différents paramètres environnementaux. Par sa composition et sa morphologie, la ville peut présenter certaines contraintes qu’il est important d’identifier et de quantifier le plus en amont sur les projets pour influer sur le design des solutions et les transformer, dans certains cas, en opportunité

Par sa densité, la ville est génératrice de masques proches et d’ombrage

L’impact de l’ombrage sur un panneau photovoltaïque peut pénaliser l’ensemble de la production de l’installation car il déséquilibre tous les panneaux de la même série, même s’ils ne sont pas eux-mêmes ombragés. A plus long terme, cela peut endommager le système et réduire la durée de vie des équipements de l’installation. Pour pallier cette problématique, on peut travailler sur deux niveaux : l’implantation des solutions et l’architecture électrique de l’installation. La conception générative est un formidable outil pour explorer les meilleures options en termes de morphologie d’îlot et donc les meilleures options d’implantation de solutions BIPV en tenant compte des masques proches. Ces études peuvent être menées très tôt sur les projets, avant même d’envisager une quelconque technologie ou application.

Figure 4 Simulation du potentiel solaire sur une morphologie d'ilot en tenant compte des masques proches (météo Paris)

Il est également possible d’isoler électriquement les panneaux les uns des autres, pour éviter qu’ils ne soient pénalisés lorsque l’un est d’eux est à l’ombre, en sous découpant l’installation en de plus petites installations photovoltaïques, voire même à l’échelle du module, grâce notamment à des optimiseurs de puissance ou encore des micro-onduleurs. Ces systèmes ont l’avantage de sécuriser l’installation et d’optimiser la production.

En ville, les surfaces ne sont pas favorablement orientées par rapport au soleil

D’un point de vue performantiel, sous nos latitudes la meilleure configuration est une inclinaison des panneaux à 35° et orientés au sud (voir fig. 5). 

Figure 5 Impact de l'orientation et l'inclinaison sur la performance de l'installation photovoltaïque

Or, en ville, cette situation risque de se présenter rarement pour des intégrations autres que sur des toitures de bâtiment et à partir du moment où on recherche une intégration architecturale et paysagère des solutions. Néanmoins, par exemple, une intégration verticale sur les orientations EST, SUD et OUEST d’un îlot, présente l’intérêt d’une production stable et continue dans la journée mais aussi durant l’année, évitant ainsi les pics estivaux et l’intermittence de la production. Donc certes la production sera en moyenne 20% inférieure à une production d’une installation bien orientée et inclinée, mais combinée à des besoins énergétiques réduits, et associée à des systèmes énergétiques performants comme des pompes à chaleur et en phase avec les usages divers et mutualisés au sein de l'îlot, cette production en sera d’autant mieux calibrée, sans perte de surproduction. 

Figure 6 Estimation de la production mensuelle à Marseille de deux configurations : en toiture et en façade sud

 

La température au sein des villes dégrade la performance des panneaux photovoltaïques

Il est désormais parfaitement connu et quantifié qu’au sein des grandes villes la température moyenne y est plus élevée qu’en leur périphérie. Or les panneaux photovoltaïques sont sensibles à la température ambiante dans laquelle ils fonctionnent, à savoir que plus cette température augmente, plus la performance diminue. Néanmoins les stratégies entreprises récemment pour réduire ces phénomènes d'îlot de chaleur, en végétalisant les espaces(notamment les abords des bâtiments), et en privilégiant des matériaux alentours aux albédos élevés (i.e. avec des capacités de réflexion élevées) vont dans le sens de l’amélioration de la performance des solutions BIPV installées dans la ville.

 

Produire de l’électricité en ville et grâce au soleil, ce n’est donc pas mission impossible !

Les technologies BIPV ne sont bien sûr pas des solutions universelles, puisque leur intérêt dépendra en particulier de l’orientation, des ombrages et des usages souhaités de cette énergie. Néanmoins la considération de leur potentiel, tant sur le plan esthétique que sur le plan énergétique, devrait largement se diffuser au regard des bénéfices qu’elles peuvent apporter à la ville et à ses habitants : 

  • Production d’une électricité renouvelable et locale favorisant l’émergence d’ilots à énergie positive et l’autoconsommation collective ;
  • Réduction de l’empreinte carbone sur l’ensemble du cycle de vie des bâtiments et équipements puisque les solutions BIPV viennent en remplacement des matériaux et non en ajout contrairement aux installations traditionnelles ;
  • Intégration esthétique et fonctionnelle poussée pour une meilleure acceptation sociale et pour la désirabilité de la ville ;
  • Aucune emprise au sol, laissant ainsi de nombreux espaces pour accueillir et développer la biodiversité ;

 

Article signé Pauline GROUGNET (ActivSkeen – Directrice) et Yanmei PENG (ActivSkeen – Responsable Technique)

 

Crédits photos : ©Beat Bühler Fotograf ;  ©ertex solar ; ©clevergie ; ©Martin Pröll ; ©Efficacity ; ©ActivSkeen 

Liens vers deux études de cas renseignées par ActivSkeen :

 


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