[Dossier énergies renouvelables] #41 - Les zones industrielles et les zones d’activités comme levier de la transition énergétique des villes

Rédigé par

Jean-François Le Romancer // Gauthier Preux

Président/Ingénieur R&D

3875 Dernière modification le 28/06/2021 - 12:23
[Dossier énergies renouvelables] #41 - Les zones industrielles et les zones d’activités comme levier de la transition énergétique des villes

Les villes, par leur concentration de population, de consommations énergétiques et par leur impact structurant sur les flux de personnes et de transport sont un enjeu majeur de la transition énergétique. En interaction avec ces villes, certaines zones se démarquent par leurs consommations et leurs émissions élevées : zones d’activités, zones industrielles, zones portuaires, zones commerciales... Une zone industrialo-portuaire par exemple peut ainsi représenter jusqu’à 60 % de la consommation d’énergie de la ville dans laquelle elle est située tout en offrant des potentiels de production EnR considérables.

Notre vision

Nous sommes convaincus que ces zones sont une composante clé de la transition énergétique des villes. En effet, celles-ci concentrent à la fois de fortes consommations énergétiques et de fortes émissions, engendrées par la part majoritaire des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz...) dans leur mix énergétique. L’industrie, à elle seule, est responsable de 21% des émissions de CO2 en France (69 Mt, chiffres clés Climat, air et énergie de l’ADEME 2018), sans compter les émissions engendrées par le transport de matières premières et de marchandises, réalisé à 80% par camion. Ce constat est également valable pour les zones tertiaires, les centres commerciaux...

Toutefois, ces espaces disposent également d’atouts considérables à exploiter pour mettre en œuvre leur transition énergétique et pour déployer des systèmes plus respectueux de l’environnement, grâce aux potentiels de production renouvelable, de substitution, de complémentarité entre acteurs et entre vecteurs énergétiques.

Des potentiels EnR élevés couplés à des consommations importantes

Ces zones offrent des potentiels de production EnR élevés et facilement exploitables : grandes surfaces de toiture, friches industrielles... La taille importante des installations permet de limiter le nombre de dossiers et de bénéficier d’effets d’échelle. En outre, les règles locales d’urbanisme sont souvent moins contraignantes dans ces zones.

De plus, les consommations élevées de ces sites assurent une autoconsommation quasi-totale de la production, même pour des installations de grande taille, ce qui améliore leur rentabilité. C’est ce qui a été identifié par Keynergie lors de son étude de la zone industrialo-portuaire de Nantes Saint-Nazaire, une puissance PV cumulée de près de 100 MW pouvait être installée, en cohérence avec le cadastre solaire, sans générer d’excédents au-delà de la zone portuaire, et la plupart des industriels pouvaient consommer leur propre production, sans justifier le recours à un stockage d’électricité individuel (lithium ou H2 dans l’étude). Cette étude a ainsi permis d’une part d’identifier les industriels ayant les profils les plus propices à l’intégration de PV en analysant leurs consommations et en modélisant leur production potentielle mais aussi d’autre part d’explorer des solutions innovantes (stockage, flexibilité, récupération de production fatale, autoconsommation collective...) sur la zone.

Un mix énergétique qui doit être décarboné

Certains consommateurs utilisent massivement des énergies fossiles, pour du chauffage, pour des fours industriels, pour des installations de séchage ou de distillation ou en tant que matière première par exemple. En ciblant prioritairement ces usages, les EnR et les technologies vertes se substituent à des vecteurs énergétiques fossiles polluants et ont ainsi un impact environnemental fort.

Par exemple, le vecteur hydrogène, consommé en grandes quantités par certains industriels dans l’industrie chimique, la raffinerie ou la sidérurgie, est aujourd’hui exclusivement produit à partir de ressources fossiles, typiquement par vaporeformage de gaz naturel fossile. Ce procédé est particulièrement polluant car chaque kilo d’hydrogène peut représenter 10 kg de CO2 émis. La production d’hydrogène « vert » par électrolyse permet de décarboner ce vecteur énergétique et engendre donc un bénéfice environnemental extrêmement important. Autre avantage, un industriel peut s’engager sans difficulté sur des volumes conséquents, constants dans l’année et sur plusieurs années. Cela est utile pour sécuriser un modèle d’affaire et donc des investissements dans des moyens de production et de distribution, plus facilement que pour des stations H2 publiques, qui peut dépendre du déploiement et de l’utilisation de véhicules hydrogène à proximité. 

Dans tous les cas, pour produire un hydrogène compétitif il est nécessaire d’étudier en détail les besoins pour optimiser le dimensionnement de l’installation et la stratégie de pilotage de l’électrolyseur. Ces problématiques ont été traitées par Keynergie dans le projet GreenPig[1], porté par Sanof’Agri, qui vise la production locale d’hydrogène pour la mobilité à partir d’effluents agricoles et d’électricité renouvelable locale. Un travail d’analyse a été mené pour proposer des améliorations du système et ainsi baisser le coût de l’hydrogène produit. Notamment, l’adaptation du fonctionnement de l’électrolyseur en fonction de la production solaire locale et de la production du parc éolien voisin du site permet de limiter les stocks tampons d’H2, de réduire les coûts de fourniture d’électricité et de produire un hydrogène le plus décarboné possible.

Des synergies entre consommateurs à exploiter

Plusieurs consommateurs proches peuvent avoir des consommations et des besoins différents, il est donc souvent intéressant d’étudier les complémentarités entre sites proches : récupération de chaleur fatale, autoconsommation collective pour valoriser des excédents de production EnR, écosystèmes hydrogène locaux pouvant être mis en place... Il est ainsi possible de monter des boucles énergétiques locales pertinentes et robustes en équilibrant localement l’offre et la demande, tout en mobilisant peu d’acteurs, en minimisant les distances et les investissements, et en simplifiant également les montages contractuels et réglementaires. Ces synergies sont indispensables pour construire des mix énergétiques locaux cohérents, ce que Keynergie a pu observer à la fois sur des zones portuaires comme Saint-Nazaire, mais aussi sur des zones isolées, comme l’île d’Ouessant. Sur cette île déconnectée du réseau électrique national et dépendant donc uniquement d’une production fossile (groupe électrogène), Keynergie a modélisé l’ensemble du futur mix énergétique de l’île selon plusieurs scénarios afin de sélectionner le scénario le plus pertinent et le plus adapté aux consommations des habitants, en intégrant toutes les solutions envisagées et leurs complémentarités respectives : production solaire, éolienne et hydrolienne, stockage par batterie, réduction des consommations grâce à la rénovation des logements les plus énergivores, pilotage intelligent des consommations des bâtiments publics... 

La flexibilité des usages électriques pour faciliter l’intégration des EnR sur le réseau

Les usages électriques de certains consommateurs peuvent être flexibles : effacements d’usages thermiques (chauffage, réfrigération...) ou usages de process, grâce à des stocks tampons sur des chaînes de production par exemple. Cette flexibilité est particulièrement intéressante car elle est facile à activer, surtout par rapport à l’effacement diffus. L’installation de solutions de pilotage automatique sur quelques équipements et des modifications mineures du processus de production sont suffisantes pour activer cette flexibilité. Celle-ci peut être valorisée soit au niveau national sur le marché de l’électricité, soit au niveau local, pour répondre à des problématiques spécifiques : congestions du réseau lors de pics de consommation ou d’injection d’EnR... La flexibilité et le stockage sont une des expertises majeures de Keynergie, qui a pu évaluer l’intérêt de ces solutions à différentes échelles, d’un bâtiment public jusqu’à une zone d’activité.

Le rôle crucial de la transition énergétique des transports

Ces zones sont également des hubs à la croisée de plusieurs modes de transport et au centre de flux importants de marchandises et de matières premières. Malheureusement, le secteur du transport reste lui aussi dominé par les énergies fossiles. Il est donc nécessaire d’envisager des substitutions ou des complémentarités entre modes de transport (report modal) ou entre vecteurs énergétiques pour réduire l’impact environnemental des transports (GNL/bio-GNL sur des zones portuaires par exemple, électrification, hydrogène, GNV/bio-GNV pour le transport routier). Cependant, pour proposer un scénario convaincant pour des acteurs locaux, publics ou privés, il est nécessaire de prendre en compte tous les aspects, économiques, environnementaux, logistiques, techniques, opérationnels... Sur le port de Toulon, Keynergie a étudié l’impact des solutions GNL et H2 (notamment produit par des EnR locales) pour les navires de transport de passagers (ferries et croisières) sur l’avitaillement et la logistique du port, ainsi que les potentiels de réduction des émissions en fonction des technologies et des hypothèses de chaque scénario de déploiement. Cette étude permet ainsi à la CCI du Var de comparer des scénarios complets de déploiement afin de sélectionner le système le plus adapté à ses propres problématiques et répondant à ses objectifs.

La recherche de compétitivité comme moteur de la transition énergétique

Cette transition énergétique constitue aussi une opportunité intéressante pour ces consommateurs de se prémunir contre les hausses des prix de l’énergie ou des taxations environnementales, ce qui est crucial pour conserver ou améliorer leur compétitivité, au niveau national ou international, en particulier pour les consommateurs électro-intensifs ou plus généralement « énergo-intensifs ».

Une approche systémique pour optimiser ses décisions dans des environnements complexes

Keynergie a construit une méthodologie qui s’appuie sur ses outils de modélisation et d’analyse performants et innovants et sur son expertise acquise à travers ses expériences précédentes autour de zones industrielles, notamment de zones portuaires.

À chaque échelle étudiée, que cela soit au niveau global de la zone, ou de chaque industriel, pour un vecteur énergétique ou plusieurs, Keynergie se base sur l’analyse et la valorisation de toutes les données énergétiques disponibles grâce à ses outils logiciels développés en interne. À partir de ces études, il est possible de comprendre le contexte énergétique spécifique d’une zone ou d’un consommateur, d’identifier les bonnes problématiques individuelles et collectives, de construire un plan d’actions concrètes, détaillées, quantifiées et priorisées, et de construire des projets adaptés, correctement dimensionnés vis-à-vis d’un besoin clairement défini. En résumé, les outils de modélisation développés permettent d’identifier les solutions les plus adaptées aux systèmes énergétiques complexes.

Keynergie accompagne également des collectivités et des industriels pour structurer des projets, pour rechercher un financement auprès de guichets publics (ADEME, Bpifrance, Banque des Territoires, FEDER...) et pour accompagner leur réalisation, afin de construire et de mettre en œuvre les trajectoires de transition énergétique.

 

Un article signé Gauthier Preux, Ingénieur R&D chez Keynergie et Jean-François Le Romancer, fondateur et dirigeant de Keynergie.

 

Keynergie

  

 

[1] https://smile-smartgrids.fr/fr/les-projets/nos-projets/green-pig.html

 


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