[Dossier énergies renouvelables] #14 - Gaz verts, la troisième révolution est en marche 

Rédigé par

Ludovic GUTIERREZ

Responsable Grands comptes

4259 Dernière modification le 08/06/2021 - 12:29
[Dossier énergies renouvelables] #14 - Gaz verts, la troisième révolution est en marche 

SNBC, PPE, RE2020, Loi climat et résilience : cela n’aura échappé à personne, l’arsenal législatif est en pleine effervescence pour préparer le monde de demain où la transition énergétique aura une place de choix et ce, jusque dans les réseaux français de gaz ! À terme, exit le gaz naturel, énergie fossile du passé et émettrice de gaz à effet de serre, welcome les gaz verts, énergie renouvelable, locale et d’avenir issue de l’économie circulaire au contenu CO2 maîtrisé ! Il en va de la pérennité de notre mix énergétique national où l’énergie gaz joue la carte de la complémentarité des réseaux ! Découverte.

Un monde résolument tourné vers le renouvelable et le bas carbone 

Il souffle comme un vent de dynamisme sur le développement du biométhane en France malgré quelques barrages. Il est donc temps de mettre un coup de solaire sur cette énergie renouvelable qui va nous montrer de quel bois elle se chauffe ! Dans un système gazier français largement importateur en gaz naturel (via Norvège, Russie et Pays-Bas) se développe désormais une production décentralisée, répartie sur l’ensemble du territoire : les unités de production de méthanisation. Comme l’avait précisé Xavier PASSEMARD, directeur Biométhane chez GRDF, dans un entretien publié sur construction21 (lien),

  1. Le biométhane est produit localement notamment à partir de résidus agricoles, d’effluents d’élevage et de déchets fermentescibles. À terme, l’obligation de tri à la source des biodéchets s’appliquera à tous les producteurs ou détenteurs de biodéchets (Loi du 10/02/2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire) au plus tard le 31/12/2023, de quoi « nourrir » encore plus les digesteurs ! Après épuration, il atteint le même niveau de qualité que le gaz naturel et peut donc être injecté dans les réseaux pour les usages chauffage, cuisson mais aussi mobilité.

  1. La dynamique est enclenchée et les chiffres à mars 2021 parlent d’eux-mêmes : 
    1. 226 sites tous opérateurs de réseaux confondus (+91 en 2020, +12 depuis le 1ier Janvier 2021) injectent dont 195 sur le réseau exploité par GRDF pour une capacité maximale supérieure à 4TWh, soit l’équivalent de la consommation de plus de 1 million de logements neufs ou de 16 384 bus roulant au BioGNV.
    2. Plus de 1100 projets en cours de développement pour une capacité maximale d’injection/an supérieure à 26TWh.
    3. Pour accueillir les prochains projets, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a validé 216 zonages représentant des investissements estimés à 900 millions d’euros et permettant de couvrir 44% du territoire sur lequel se concentre 50% du potentiel de l’étude Solagro 2050.
    4. Plus de 450 000 tonnes d’émissions de gaz à effet de serre évitées en 2020.
    5. Afin d’assurer l’exploitation et la maintenance d’une installation, 3 à 4 emplois locaux sont requis, soit la création de 7 300 emplois directs et indirects au total en 2020.

Néanmoins, cette euphorie doit être canalisée par la méfiance générée par toute nouveauté. En effet, un projet peut susciter des inquiétudes chez les riverains ou acteurs locaux en raison d’éventuels risques (explosion, nuisances olfactives, fuite, impact paysager, augmentation des flux routiers pour le transport des déchets notamment, etc) occasionnés par ces installations soumises à la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Si les interrogations sont toujours légitimes, les craintes, dans le cas présent, s’avèrent largement infondées. Néanmoins, elles ne doivent pas être sous-estimées et doivent s’accompagner, notamment en amont, d’une communication claire et de pédagogie pour favoriser l’acceptation. Durant la vie du projet, cette stratégie de dialogue et de transparence doit perdurer et les réponses apportées doivent s’appuyer sur des éléments techniques, juridiques et chiffrés afin de rassurer les interlocuteurs. Enfin, les visites de site sont également un plus pour casser les idées reçues et sont souvent très appréciées.

Quoi qu’il en soit, et comme précisé plus haut, un site de production est soumis à la réglementation stricte liée aux ICPE. Ainsi, une étude d’impact est réalisée et une autorisation préfectorale encadre les conditions de fonctionnement, la nature des matières autorisées, la capacité journalière en tonnes de matière organique traitée et en volume de biogaz produit. Trois régimes de classement (déclaration, enregistrement et autorisation) définissent les procédures à suivre pour obtenir un droit d’exploitation ainsi que les mesures à respecter durant l’exploitation : 

  • Le tonnage et la nature des déchets traités, ainsi que les aspects techniques liés au stockage, à l’élimination des excédents et à la valorisation du biogaz sont pris en compte pour déterminer le classement.
  • L’installation doit disposer d’un équipement permettant de détruire le biogaz qui ne pourrait être injecté dans le réseau. La mise en place d’une torchère peut être utilisée pour brûler le biogaz en excès afin qu’il ne soit pas rejeté dans l’atmosphère. En effet, le rejet direct de biogaz dans l’atmosphère est interdit en fonctionnement normal, par l’arrêté du 10 novembre 2009.
  • La valorisation agronomique des digestats est également encadrée par la réglementation.

 

Étanchéité de l’installation, capteurs pour assurer son pilotage et garantir la sécurité, rien n’est laissé au hasard et tout est très encadré. Enfin pour garantir la sécurité des personnes et des biens, des inspections des installations sont régulièrement organisées et des professionnels sont appelés à chaque étape de l’installation et de la maintenance. La filière s’est emparée de cette problématique notamment l’ATEE par la création du label Qualimétha®. Né de la volonté de fiabiliser les installations de méthanisation en capitalisant les bonnes pratiques de conception et de construction, il permet de promouvoir la filière tout en répondant à l’idée d’une agriculture durable. L’objectif est de fournir aux porteurs de projets des solutions fiables, et de donner de la visibilité aux acteurs du marché engagés dans une démarche qualité. Pour en savoir plus : lien.

 

Droit à l’injection : mieux piloter le potentiel français

Véritable outil de planification et d’estimation du potentiel de chaque territoire, le principe du droit à l’injection est de définir les zonages de raccordement (dernier bilan de la CRE – mars 2021 lien). Confiée à la CRE, la mise en œuvre de ces zonages permet d’établir, pour chacun des territoires concernés, le réseau le plus pertinent d’un point de vue technico-économique pour le raccordement des installations de production, ainsi que les conditions d’injection. Dans les faits, un zonage se matérialise par 

  • une carte regroupant les cantons,
  • le potentiel de biométhane de la zone,
  • la liste des projets,
  • les listes d’investissement de renforcement (maillages ou rebours) nécessaires à réaliser et un calcul de critère Investissements/Volumes.

 

Cette cartographie établie, le porteur du projet se trouvant à proximité du réseau peut se lancer dans l’aventure (compter entre 3 et 5 ans) dont voici les étapes à respecter.

Les actions en gras sont réalisées avec l’accompagnement de GRDF.

 

Le biométhane, une EnR stockable

La production de biométhane apporte des atouts tant sur le plan énergétique, qu'économique et environnemental.

Répondant à l’enjeux de décarbonation de notre économie, cette production, non intermittente, mise sur l’économie circulaire pour valoriser et revitaliser les territoires à l’aide d’un réseau gaz déjà existant et amorti qui permet de stocker une énergie renouvelable, voir de stocker des EnR électriques sous forme d’H2, jouant ainsi la complémentarité des réseaux !

Un contenu C02 dix fois inférieur à celui du gaz naturel

L’étude « Evaluation des impacts ges de la production et l’injection du biométhane dans le réseau de gaz naturel », réalisée par les cabinets Quantis et ENEA en 2017, pilotée par l’ADEME, GRDF et GRTgaz et encadrée par les normes ISO140402 à ISO140443, vise à quantifier via une approche d’ACV attributionnelle l’impact du développement de la filière d’injection du biométhane en France pour un horizon 2023. L’ACV attributionnelle tient compte de l’ensemble des quantités de matière et d’énergie intervenant dans le cycle de vie d’un produit ou d’un service.

L’étude se base sur un mix moyen représentatif de la production de biométhane à l’horizon 2023

  • Territoriale agricole (déchets d’exploitations agricoles ou du territoire (industrie, STEP, autre) : 81%
  • Déchets ménagers et biodéchets (OMr) : 6%
  • Boues de stations d’épuration (STEU) : 4%
  • Installation de stockage des déchets non dangereux (ISDND) : 9%

Pour chacune des filières étudiées, l’étude considère l’ensemble des étapes du cycle de vie du biométhane. Les étapes de valorisation des coproduits de la méthanisation, comme la valorisation agronomique du digestat, sont également considérées et les différents types de gaz à effet de serre émis (par exemple lors de l’épuration du biogaz ou la valorisation du digestat) et évités (par exemple réduction des engrais industriels, traitement/valorisation des effluents d’élevage) sont quantifiés. En complément, pour comprendre les bénéfices additionnels apportés par le biométhane, il est nécessaire de présenter les notions de « cycle court » et « cycle long » du carbone. Contrairement au gaz naturel, le biométhane est produit à partir de matières organiques. Celles-ci sont-elles-même issues de la biomasse de manière directe ou indirecte qui capte, au cours de sa croissance, une certaine quantité de CO2 dans l’atmosphère nécessaire à la photosynthèse. La combustion de biométhane n’augmente donc pas la quantité de CO2 présent dans l’atmosphère mais la fait circuler dans des cycles courts du carbone. On parle de CO2 biogénique, par opposition au CO2 d’origine fossile.

Afin de déterminer l’impact global de la filière de méthanisation, les impacts induits et évités de chaque filière ont été quantifiés et sommés pour obtenir le facteur d’émission de chaque filière. Un facteur d’émission négatif correspond à un bénéfice environnemental sur le changement climatique.

 

 

Le bilan global  pour toutes les filières des émissions induites et évitées permet de conclure à un facteur d’émission moyen de 23,4g CO2eq / kWh PCI de biométhane produit en France.

Les principales données et principaux choix méthodologiques ont fait l’objet d’une validation au sein du Groupe de travail Injection qui rassemble les principaux membres de la filière de production de biométhane ainsi que des représentants des pouvoirs publics. La conformité de l’étude a été validée par une revue critique réalisée par les experts indépendants (EMPA, ISTEA, SOLAGRO).

Pour aller plus loin, quelques liens utiles :

  • Webinaire générique sur la Méthanisation organisé par Les Echos/Le Parisien : lien
  • CR Webinaire avec des témoignages concrets d’acteurs dans les territoires : lien
  • Exemple d’un site de méthanisation publié sur Construction21 : lien
  • Synthèse sur l’ACV du biométhane : lien 

 

Article signé Ludovic Gutierrez, Responsable Grands comptes chez GRDF

 

Crédit photo principale : ADMC on Pixabay


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