[Dossier énergies renouvelables] #11 - Collectivités : Tirer le meilleur parti du potentiel solaire de ses parkings

Rédigé par

Steven TANGUY

4167 Dernière modification le 07/06/2021 - 12:36
[Dossier énergies renouvelables] #11 - Collectivités : Tirer le meilleur parti du potentiel solaire de ses parkings

En 2030, 40 % de l’électricité consommée par les collectivités devront être d’origine renouvelable. Pour atteindre ce chiffre, seul le photovoltaïque, grand consommateur de foncier, se révèle viable en milieu urbain. Pour pallier la rareté des surfaces exploitables en ville, les collectivités peuvent créer de la superficie en installant des ombrières photovoltaïques sur leurs parkings. Plusieurs montages financiers permettent de déployer ces infrastructures au coût conséquent et de valoriser l’énergie produite.

La valeur de l’air

Une surface propice à une pose de panneaux photovoltaïques, convenablement orientés par rapport à la course du soleil, a une certaine valeur liée à son potentiel solaire. Bien que, généralement, ce potentiel n’ait aucune valeur comptable du point de vue des propriétaires bailleurs, il devient tangible lors de la sollicitation d’un tiers investisseur, qui souhaite réaliser une installation photovoltaïque sur cette surface. 

Voici une analogie avec l’immobilier. Dans les villes où le foncier est cher, un bâtiment dont l’agrandissement est autorisé par le Plan local d’urbanisme a un prix plus élevé. Les surfaces potentiellement extensibles prennent de la valeur dans le temps sans qu’il soit nécessaire d’investir pour les valoriser.

Quelle valeur économique donner à ces surfaces ?

La valeur économique du potentiel solaire d’un site foncier est variable dans le temps. Elle pourrait être estimée sur la base de trois paramètres : la capacité de production potentielle d’électricité photovoltaïque, le coût de construction et le prix de valorisation de l’électricité.

La capacité de production potentielle d’électricité photovoltaïque et le coût de construction sont directement liés à l’évolution technologique.

Avec un rendement actuel de 20,8%, la filière photovoltaïque prévoit une amélioration continue des performances des panneaux pour atteindre 29% d’ici 2030. Le prix au Wc devrait de son côté baisser de 35%  (source : ITRPV octobre 2020). À surface égale, une centrale construite dans dix ans produira 40% d’énergie de plus qu’actuellement, et coûtera sensiblement le même prix qu’aujourd’hui. Nous pouvons considérer qu’un site foncier lambda verra son potentiel de production d’électricité photovoltaïque croître de 3,5% par an sur les dix prochaines années, et ce sans que le coût de construction de la potentielle centrale augmente.

Il existe deux dispositifs accessibles pour valoriser l’électricité produite : la vente totale de l’énergie (de l’ordre de 9,8 c€ / kWh pour une installation de 36kWc à 500 kWc) et l’autoconsommation individuelle ou collective (le coût de l’électricité du réseau 16 c€ / kWh et prix de revente du surplus 6 c€ / kWh). 

Dans le cas de la vente totale de l’électricité avec obligation d’achat, la valeur économique d’un potentiel solaire reste constante dans le temps. En effet, par définition, les tarifs de vente totale sont déterminés en fonction du coût de construction. À surface égale, l’installation construite dans dix ans produira 40% d’électricité en plus. Électricité qui sera revendue 40 % moins chère au kWh. Elle coûtera et rapportera autant d’argent en vente totale que celle construite aujourd’hui à surface égale. Par conséquent, le report de la construction d’une centrale n’apporte pas de gain économique. Selon ces hypothèses, la valeur locative de l’emprise de l’installation (càd le loyer raisonnable à verser pour occuper et exploiter le site solarisable) sera constante dans le temps car les revenus et la rentabilité d’une installation construite maintenant ou dans dix ans seront globalement identiques malgré les gains technologiques et économiques.

Dans le cas de l'autoconsommation, la valeur économique du potentiel solaire d’un site augmente, car, cette fois ci, elle n’est pas basée sur un tarif de rachat qui baisse, mais sur l’évolution du prix du kWh, acheté sur le réseau de distribution publique, qui lui est appelé à augmenter en continu. Exemple : une augmentation annuelle du prix de l’électricité de 3,5% représente une augmentation de 40% sur dix ans.  Et si nous attendons dix ans pour construire une centrale 40 % plus performante, nous approchons d’une future centrale deux fois plus rentable que celle construite aujourd’hui.

Bien qu’il soit aujourd’hui plus rentable et sécurisant d’opter pour la revente totale pour certains sites du fait d’un taux d’autoconsommation insuffisant, dans quelques années, l’autoconsommation sera plus intéressante. Pour d’autres sites, nonobstant un trop faible potentiel de consommation in situ, augmenter l’autoconsommation d’électricité, et donc la valeur locative du site, par l’ajout de bornes de recharges électriques et le passage à l’autoconsommation collective permettrait de dépasser la valorisation d’un site équivalent en vente totale.

Ainsi construire aujourd’hui une centrale en vente totale avec un engagement sur 20 ans est un investissement financier se traduisant par une valeur locative fixe pour laquelle il convient de mettre dans la balance la perte du potentiel du site en autoconsommation individuelle et collective dont la valeur locative sera indexée, vraisemblablement, sur la hausse du prix du kWh consommé.

Enfin, attendre avant de construire une centrale permet d’espérer une technologie plus productive et bonifier la valeur économique du potentiel solaire dans le cas de l’autoconsommation individuelle ou collective et attendre qu’elle soit meilleure que celle de la vente totale.

Choisir son financement

Bien sûr, tant que la centrale n’est pas construite, la valeur économique reste théorique. Si le bailleur n’a pas d’argent ou que personne ne souhaite investir pour construire une centrale moyennant un loyer, elle demeure nulle. Il est, par conséquent, important de faire correspondre la disponibilité des financements et des sites solarisables.

Plusieurs modèles financiers sont possibles pour assurer la construction d’une ombrière photovoltaïque. Le financement le plus simple est d’abord le financement direct par le propriétaire du foncier. Ce dernier peut, par exemple, opter pour l’utilisation de fonds propres accompagnée d’un emprunt pouvant représenter 80 % de l’investissement. Il rentabilise son investissement par la revente ou la consommation de l’électricité. Cette situation est possible seulement si le propriétaire du foncier a la volonté et la capacité de financer cette nouvelle infrastructure. Sans financement, pas de construction mais la valeur du potentiel solaire demeure dans les mains du propriétaire.

Ensuite, l’investissement par tiers investisseur. Ce principe permet à un investisseur de construire une centrale sur un foncier ne lui appartenant pas et de bénéficier de la revente de l’électricité. Un bail emphytéotique fixant un loyer annuel et une durée de jouissance, 20 à 30 ans, est conclu entre le bénéficiaire et le propriétaire du foncier. Du point de vue macroscopique, ce montage permet une meilleure correspondance entre financement et foncier disponible et permet de développer des sites qui n’auraient pas pu être financés par leur propriétaire faute de moyens propres. Néanmoins cela suppose la cession de la valeur économique du potentiel solaire de son foncier au profit du tiers investisseur et renoncer à son bénéfice pour une durée très longue.

Enfin, l’investissement par location avec option d’achat. Ce modèle consiste à construire une centrale, associer sa propriété à une banque qui demandera au bailleur un loyer chaque mois sur une durée limitée. Ce dernier bénéficie de la revente ou de la consommation de l’électricité produite et finance ainsi le paiement des loyers. Le modèle permet d’investir et de bénéficier de l’installation sans faire appel à ses fonds propres ou sa capacité à lever de l’emprunt.

Le montage permet de rapprocher un bailleur, qui a la volonté et le site à potentiel, mais sans capacité d’investissement, d’une source de financement afin de réaliser le projet sans épargner et sans concession auprès d’un tiers investissement. 

Les limites du tiers investissement

Dans le cas du tiers investissement avec un bail emphytéotique, le loyer et la durée d’occupation sont exclusivement calculés sur les revenus générés par l’installation en vente totale conformément au droit. « La durée des Autorisations d’occupation temporaire (AOT) doit être déterminée en fonction de l’amortissement des investissements réalisés par l’occupant, en vue d’assurer une rémunération équitable et suffisante des capitaux investis. » Ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques.

Bien qu’avant la sollicitation d’un tiers investisseur aucune valeur comptable ne soit déterminée pour valoriser la surface solarisable, le loyer proposé n’indemnise pas le bailleur pour le renoncement à son potentiel d’exploitation économique en autoconsommation individuelle ou collective sur la durée du bail. À long terme, l’investissement extérieur ne permet donc pas de maximiser la valeur du site solarisable.

Dans cette optique, les collectivités, propriétaires de nombreux parkings, ont tout intérêt à référencer leur parc potentiel et de lui attribuer une valeur. En 2019, une première étude de l’ADEME avançait un potentiel de 4 GWc de grands parkings publics ou privés solarisables (supérieur à 500 kWc / 3000m²). Il convient maintenant de recenser localement le potentiel des ombrières de parking de 100 à 500kWc à l’instar du cadastre solaire des toitures. La démarche consiste ensuite à estimer la faisabilité de solarisation et le potentiel économique du patrimoine solarisable à partir de modèles de projection par exemple à dix ans, en fonction des prévisions de l’évolution technologique, du coût de l’électricité et du potentiel d’autoconsommation in situ et aux environs en prenant en compte les besoins existants, mais aussi futurs. Cette approche permet de réaliser des choix éclairés pour établir une stratégie de valorisation de ce potentiel. Et en fonction des sources de financement disponibles, de maximiser la génération de valeur.
 

Article signé Steven Tanguy, Responsable développement photovoltaïque Spie CityNetworks.

 

Sources :

International Technology Roadmap for Photovoltaic

Potentiel des friches et parkings pour l'énergie photovoltaïque, Faits et chiffres tirés de ADEME & Vous Le Mag n° 127

Lien URL de la société : https://www.spie.com/

Crédits photos : SPIE

 


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