[Dossier Afrique - Ville(s) Durable(s)] #16 - Le contrat SEN’EAU, une étape vers la transition territoriale durable du Sénégal

Rédigé par

Mathilde PECNARD

Directrice d'exploitation BatiRIM

8541 Dernière modification le 05/08/2020 - 12:00
[Dossier Afrique - Ville(s) Durable(s)] #16 - Le contrat SEN’EAU, une étape vers la transition territoriale durable du Sénégal

La population du continent africain devrait doubler en trente ans, pour atteindre 2,5 milliards d’habitants en 2050. Les villes concentreront les deux tiers de cette croissance démographique.

L’ampleur et le rythme de cette urbanisation posent d’importants défis économiques, politiques, sociaux et environnementaux. Le contrat de production et de distribution de l’eau potable au Sénégal signé par l’Etat Sénégalais et SUEZ en décembre 2019 œuvre en ce sens.

Le Sénégal, un pays confronté à des enjeux majeurs liés à une urbanisation rapide et une raréfaction des ressources en eau

Le Sénégal connaît une croissance démographique forte qui devrait porter le nombre d’habitants de 16,3 millions aujourd’hui à 39 millions en 2050. En 2020, près de la moitié de la population est urbaine. Le pays a innové dans le secteur de l’eau potable et de l’assainissement en milieu urbain dès 1995 avec la Réforme de Première Génération. 25 ans après cette dernière, les résultats sont probants avec, par exemple, un taux d’accès à l’eau potable de 98% à Dakar. En outre, le Sénégal est l’un des trois pays d’Afrique où le taux de raccordement à l’eau potable s’est accru de plus de 25% entre 1990 et 2015. Néanmoins, l’accélération de la croissance démographique et économique du pays implique d’augmenter la production et distribution d’eau de 190 M m3 à 350 M de m3 entre 2019 et 2035, alors même que les ressources en eau se raréfient avec une aggravation due à l’impact du changement climatique. Atteindre cet objectif nécessite donc de mettre en place des infrastructures et des services en la matière qui soient particulièrement performants et résilients. La Réforme de Deuxième Génération, à l’origine du contrat d’affermage SEN’EAU, vise à préparer l’avenir avec la modernisation du service de distribution de l’eau, permise par de nouvelles techniques et méthodes de gestion. Ces actions contribueront à atteindre les objectifs du Plan Sénégal Emergent mis en place par le Président de la République du Sénégal.

Le contrat SEN’EAU, une réponse holistique conciliant accès à l’eau potable, innovation technique et inclusion sociale

Le contrat d’affermage de production et de distribution d’eau potable signé par le Ministère de l’Eau et de l’Assainissement et le groupe SUEZ s’inscrit dans cette dynamique. Ce contrat, d’une durée de 15 ans, prévoit l’approvisionnement en eau de 7 millions de Sénégalais en zone urbaine et péri-urbaine au début du contrat. Porté par la société SEN’EAU, dont l’actionnariat est principalement sénégalais (55%), ce contrat se décline en un plan d’actions qui s’articule autour de six axes stratégiques. Ce plan prévoit tout d’abord l’accès à l’eau potable pour tous, aussi bien quantitativement que qualitativement. La continuité du service 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, va impliquer (i) la mise en œuvre de mesures immédiates, via la modernisation et l’optimisation des installations hydrauliques du pays et la mise en place de plateformes de supervision à 360°, depuis les points de production jusqu’aux compteurs de clients, (ii) le déploiement d’un plan de lutte contre les fuites et un renouvellement annuel du réseau, des branchements et des compteurs. Les réseaux d’eau deviendront intelligents grâce à des capteurs sur les conduites d’eau et des outils de gestion et de modélisation des données. En déployant des solutions digitales déjà mises en œuvre sur d’autres territoires par le groupe, SUEZ compte ainsi combiner le savoir-faire sénégalais avec son expertise technique et son expérience mondiale pour faire de ce contrat une référence dans la sous-région.

L’excellence du service passera aussi par la digitalisation du parcours clients. Une place centrale sera également accordée à l’innovation via la création d’un centre de recherche et d’innovation en partenariat avec les universités sénégalaises pour renforcer les filières des métiers de l’eau au Sénégal et préparer leur transition vers un modèle plus digital. Une attention particulière sera portée à l’éducation et à l’inclusion sociale, notamment celle des jeunes et des femmes. Ainsi, un dispositif de formation et de transfert de savoir-faire sera mis en place afin d’optimiser les compétences et les connaissances des collaborateurs actuels et futurs. Le fort ancrage local du contrat est mis en exergue par le modèle de gouvernance majoritairement sénégalais de SEN’EAU et l’intégration de 1200 professionnels sénégalais actuellement en exercice. Enfin, la mise en place des Observatoires du Goût de l’Eau pour veiller à la qualité de l’eau distribuée dans le cadre du contrat SEN’EAU permettra d’inclure les usagers dans le développement de la communauté. 

Le contrat SEN’EAU, un premier pas vers des territoires durables en Afrique ?

Il n’existe pas de définition standardisée d’un territoire urbain durable en Afrique. Néanmoins, l’évolution vers un modèle urbain plus vertueux socialement et environnementalement, et plus pérenne, implique la mise en place d’infrastructures essentielles, socles du développement. Le contrat SEN’EAU en s’inscrivant dans la durée sur le territoire sénégalais, pose les bases d’une transition vers ce modèle, tout en accompagnant le pays dans la mise en œuvre de son Plan Sénégal Emergent. 

La modernisation de la distribution de l’eau en apportant les dernières technologies et méthodes de gestion sera une première étape vers la mise en place d’un service de l’eau digital et connecté. Le renforcement et la structuration de filières autour des métiers de l’eau, actuels et futurs, permettra de former et renforcer les compétences du personnel sénégalais, notamment celles des jeunes et des femmes. Les partenariats avec des universités sénégalaises seront donc un pilier non seulement pour ces formations mais aussi pour favoriser l’émergence de nouvelles filières de métiers de l’eau répondant aux enjeux locaux.

Par ailleurs, la préservation de l’environnement et la lutte contre le changement climatique (via notamment des mesures d’efficacité énergétique) sont également au cœur du plan d’actions. Innovation, performance, préservation des ressources et inclusion sont donc des piliers de ce contrat qui œuvre à la mise en place d’un territoire plus durable. Si cette transition s’opérera sur le long terme, il faut indéniablement dès aujourd’hui poser les briques de base et les prérequis nécessaires, tant techniquement qu’humainement, pour cette évolution structurelle.

Un article signé Sabrina Archambault, Cheffe de projet ville intelligente et Mathilde Pecnard, Responsable pôle projets urbains durables chez Suez

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