[Dossier Afrique - Ville(s) Durable(s)] #8 - Gouvernance territoriale de la transition énergétique en Afrique : enjeux et défis

Rédigé par

Claude Céleste COUMAYE

Directeur

3714 Dernière modification le 24/07/2020 - 12:00
[Dossier Afrique - Ville(s) Durable(s)] #8 - Gouvernance territoriale de la transition énergétique en Afrique : enjeux et défis

Traiter de la gouvernance territoriale de la transition énergétique en Afrique, revient en réalité à questionner les processus d’accompagnement de la transition énergétique en cours dans les collectivités territoriales africaines à la lumière des exigences que requiert la gouvernance de ce secteur.

Article extrait de : Liaison Énergie-Francophonie, numéro 107, OIF/IFDD, 2018.

Bien que certaines pratiques territoriales accordent peu de place à une démarche stratégique en la matière, il y a lieu de relever que d’autres brillent par l’exemplarité.

Enjeux de la transition énergétique pour les territoires en Afrique

La transition énergétique vise à modifier sur le fond la production de l’énergie et à favoriser l’accès à l’énergie durable. L’appréhension des enjeux de sa gouvernance à l’échelle territoriale passe aussi par une bonne connaissance des fondements et de l’importance de l’engagement des collectivités territoriales en la matière. 

Les chocs pétroliers des années 1970, peuvent être considérés comme les facteurs explicatifs de l’engagement des territoires sur le chemin de la transition énergétique. En raison de ces chocs pétroliers qui ont mis à mal leurs économies, les collectivités territoriales des Etats-Unis d’Amérique ont été conduites à repenser leurs systèmes de production et de consommation énergétiques. Leurs objectifs étant ceux de la réduction des importations d’énergie devenues trop chères. Les pratiques qui en ont découlé par la suite, n’étaient pas orientées par des exigences écologiques ou de développement durable même si elles étaient parfois évoquées. Il faut attendre l’émergence du concept de développement durable en 1987 avec le Rapport Brundtland et la planification de l’action de la communauté internationale en 1992 avec l’Agenda 21 de Rio pour situer véritablement les fondements de l’action des collectivités territoriales en matière de transition énergétique (Chapitre 28 de l’Agenda 21 de Rio).

En tant que secteur d’activité au potentiel d’atténuation élevé en matière de lutte contre le changement climatique, l’énergie est appelée à occuper une place de choix dans les politiques publiques territoriales. En agissant sur le levier de la transition énergétique, les territoires contribuent à la baisse de la consommation énergétique de leurs bâtiments, à la réduction des gaz à effet de serre, à la maitrise de l’énergie et à la production d’énergies renouvelables. Pour les populations, l’accès à l’énergie durable contribue à l’amélioration des résultats scolaires, des activités commerciales et celles des petites et moyennes entreprises, des conditions sanitaires etc. Aussi, les retombées socio-économiques liées à la transition énergétique sont présentes tout au long de la chaine, comprenant notamment la planification des projets, la production, l’installation, les réseaux de distribution et les opérations de maintenance. Sur ce dernier point, la transition énergétique participe de la promotion de l’emploi. À ce sujet, l’Institut pour l’autosuffisance locale, fondé par David Morris, a développé une réflexion sur les impacts des choix énergétiques sur le développement local et l’emploi. Il a réussi à démontrer que dépenser pour le pétrole n’apporte pas beaucoup à l’économie locale, alors que les dépenses en faveur des énergies renouvelables irriguent l’ensemble de l’économie. Pour lui, la production énergétique locale, l’installation et la maintenance des équipements décentralisés créent de l’emploi.

Pour dire juste, l’accès à l’énergie durable pour les territoires contribue à la création des conditions de diversification des sources d’énergie aux fins de développement de leurs économies.

En Afrique, les territoires situés en zone rurale éprouvent de sérieuses difficultés d’accès à l’énergie, et ils restent paradoxalement moins engagés à l’actualisation de leurs systèmes énergétiques. Pourtant, les potentialités pour le développement des énergies renouvelables sont  certaines et l’existence de la technologie en la matière offre des possibilités réelles d’accès à l’énergie durable. Parmi les territoires engagés dans la promotion de la transition énergétique, il en existe qui se distinguent, et dont la démarche mérite d’être connue et promue. 

Pratiques et défis de la gouvernance territoriale de la transition énergétique en Afrique

Comme un effet de mode, plusieurs collectivités territoriales africaines souscrivent à la dynamique de la transition énergétique. L’effervescence est si impressionnante que l’on a du mal à comprendre les échecs retentissants des actions sur le terrain. Après examen d’un certain nombre de pratiques, l’on peut affirmer sans risque de se tromper que leurs actions résultent d’une démarche spontanée ou improvisée. Les acteurs territoriaux ont la volonté et parfois les moyens financiers pour actionner le levier de la transition énergétique, mais leur bonne volonté se heurte malheureusement à des exigences méthodologique et stratégique inamovibles qui finissent par plomber in fine leurs bonnes intentions. 

L’actualisation des systèmes énergétiques dans une perspective de durabilité ne va pas de soi, elle commande en réalité une nouvelle approche de gouvernance qui n’est pas fortuite. Pour réussir la transition énergétique, les collectivités territoriales peuvent miser sur la gouvernance durable. Cette dernière consiste à intégrer les principes de développement durable dans la gouvernance d’un secteur donné. Partant du postulat selon lequel la gouvernance durable constitue une démarche d’accompagnement efficace de la transition énergétique, il faut dire que les cas de figure exposés ci-après sont présentés à la lumière des exigences que recouvre ce concept. L’application de la gouvernance durable dans le secteur de la transition énergétique revêt un certain nombre de spécificités qu’il conviendrait de mettre en lumière dans le présent exposé. Ces spécificités se situent en droite ligne des facteurs de la gouvernance durable (le cadre de coordination, le cadre institutionnel, la transversalité des pratiques, l’approche participative, la transparence et la reddition des comptes), ce qui permet d’obtenir des composantes précises : un Plan climat territorial issu d’un Agenda 21 territorial, une instance territoriale dédiée à la cause, l’implication des acteurs territoriaux dans la définition, la mise en œuvre et le suivi-évaluation des projets y relatifs et la formation des acteurs territoriaux en la matière. Tout ceci permet d’éviter la reproductivité des projets, d’adapter le projet au contexte local, de générer l’innovation sociale et financière ainsi que l’interaction avec l’ensemble des parties prenantes, d’assurer la viabilité économique de l’exploitation et de garantir les compétences territoriales. 

  • Communauté urbaine de Douala : un exemple de gouvernance durable porteuse d’efficacité

La Communauté urbaine de Douala s’est dotée de son Agenda 21 dans lequel la transition énergétique est inscrite en bonne place. Des activités opérationnelles sont menées à l’effet de rendre effective la transition énergétique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • Commune de Koza : une démarche de gouvernance durable de la transition énergétique à soutenir

Commune située dans la Région de l’Extrême-Nord du Cameroun, Koza s’est dotée en 2015 de son Agenda 21 local dans lequel sont inscrites les actions promotrices de la transition énergétique. Les élus locaux ne lésinent pas sur les efforts pour traduire concrètement les actions de durabilité.

  • Projet : Fourniture d’un service électrique dans les villages ruraux via l’installation de systèmes photovoltaïques individuels, et maintenance du matériel grâce à la formation de techniciens.

S’il est vrai que les activités de promotion de la transition énergétique à l’échelle territoriale relèvent assez souvent de la responsabilité des pouvoirs publics territoriaux, il y a lieu de reconnaitre l’importance de l’action des organisations de la société civile dans la gouvernance durable des territoires. Dans le cas présent, c’est l’Association béninoise pour l’Eveil et le Développement (ABED) qui a été à l’œuvre.

 

La gouvernance durable est donc cette approche de la gouvernance porteuse de projets d’avenir, mais encore très peu connue, qui permettra aussi d’accompagner valablement la transition énergétique à l’échelle à des collectivités territoriales. Les cas de figure présentés ci-haut sont certes appréciables, mais ils restent perfectibles au regard des exigences de la gouvernance durable

Un article signé Claude Célèste Coumaye, 3D Conseil. 

Première publication : Liaison Énergie-Francophonie, numéro 107, OIF/IFDD, 2018.

Références bibliographiques

  • Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement, Action 21, Rio de Janeiro, Brésil ; http://www.un.org/french/ga/special/sids/agenda21/,1992.
  • Claire Guibert & Jeremy Debreu, Livre blanc des énergies durables en Afrique, MKF, 2013.
  • Commission de l’Union Africaine, Agenda 2063, l’Afrique que nous voulons.

 

Consulter l'article précédent :  #7 - La Convention des Maires en Afrique Subsaharienne (CoM SSA)


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