#14 - Les solutions de rafraîchissement urbain : de la conception à la mise en œuvre opérationnelle

6697 Dernière modification le 07/12/2021 - 11:57
#14 - Les solutions de rafraîchissement urbain : de la conception à la mise en œuvre opérationnelle

Afin d’adapter au mieux les territoires au changement climatique et à une surchauffe urbaine de plus en plus forte notamment en été, les solutions de rafraîchissement urbain doivent être intégrées dans les stratégies de planification des territoires à la fois à l’échelle de l’aménagement opérationnel et des documents de planification urbaine. Combiner ces familles de solutions sera sûrement la clé d’un rafraîchissement urbain optimal afin de mettre en œuvre des aménagements durables tenant compte du climat futur à l’horizon 2050.

Ces solutions de rafraîchissement urbain peuvent être classées en quatre types : les solutions vertes, bleues, grises et douces. Elles contribuent à l’adaptation au changement climatique, parfois aussi à l’atténuation de ces changements, et peuvent également apporter des co-bénéfices environnementaux, sanitaires et économiques. Après une définition succincte des solutions de rafraîchissement urbain cet article cible des expérimentations urbaines : des travaux de recherche financés par l’Ademe à la mise en application d’un outil « terrain » inspirant en passant par des retours d’expériences permettant d’avancer concrètement sur ce sujet.

 

1 – Définitions des solutions

Les solutions de rafraîchissement urbain peuvent être regroupées en quatre familles.

Les solutions vertes reposent sur la végétalisation. Ce sont des solutions de rafraîchissement régulièrement utilisées dans les projets d’aménagement urbain. Elles fonctionnent grâce à l’action conjointe de deux phénomènes : l’évapotranspiration et l’ombrage. Ces solutions vertes sont souvent conjointes aux solutions bleues basées essentiellement sur la gestion de l’eau en ville. Les solutions bleues constituent un ensemble de solutions au fort potentiel rafraîchissant.

Les solutions grises sont variées : les formes urbaines liées par exemple à la hauteur des bâtiments, à la largeur des rues influençant le climat urbain et local et aussi les types de revêtements tels que les cool pavements, cool roofs, etc.

Enfin les solutions douces font référence à des changements de comportements, de nouvelles pratiques de la ville par les usagers : mobilités « actives », comme la marche ou le vélo, adaptation des plages horaires de travail en période de canicules, etc.

L’ouvrage de l’ADEME « Rafraîchir les villes : des solutions variées » publié à l’été 2021 permet d’approfondir ce sujet. Il propose notamment des données chiffrées et argumentées sur l’efficacité de ces différentes solutions de rafraîchissement urbain.

 

2- De la recherche-action…

 

Plusieurs projets de recherche, issus notamment de l’appel à projets de recherche de l’ADEME MODEVAL-Urba 2019, s’interrogent sur les solutions de rafraîchissement urbain.

Le projet MESH-2C (Morphology, Environment, Sustainability and Human comfort – City Climate) cible essentiellement les solutions grises en s’intéressant à la typo-morphologie urbaine. MESH-2C explore de nouvelles méthodes de conception paramétrique pour évaluer, comparer, faire évoluer les formes urbaines et les optimiser au regard d’indicateurs de performance : accès aux ressources naturelles, besoin énergétique, confort… Le projet se positionne à l’interface entre chercheurs, designers et décideurs, enrichissant les méthodes d’analyse des projets urbains par le développement d’algorithmes de génération, d’évaluation et d’optimisation des morphologies. Ces méthodes se positionnent selon une approche multi échelle − quartier, espace public, îlot, bâtiment.

 

Le projet RECRE, Renaturation des Espaces des Cours vers la Résilience Ecologique, vise les solutions vertes et bleues. Il analyse et évalue les effets concrets des projets de renaturation des cours d’écoles. L’approche sociologique permet de mettre en exergue la place des principaux usagers, les enfants, au cœur de cette recherche menée dans les écoles d’Ile de France. Les cours oasis donnent en effet une entrée particulièrement intéressante pour évaluer la place du végétal dans cette stratégie de résilience : valorisation des services écosystémiques rendus, amélioration du cadre de vie et d’apprentissage des élèves et apport paysager et écologique dans les trames vertes et bleues urbaine. L’étude permettra ainsi de répondre pleinement à la demande des nombreuses municipalités à l’échelle internationale en termes de planification environnementale et d’analyser l’interdépendance entre deux enjeux métropolitains majeurs : la résilience face au changement climatique et la biodiversité en ville

 

3- …à l’expérimentation sur les territoires

 

L’ADEME met à disposition des acteurs du territoire différentes ressources méthodologiques et techniques concernant le rafraîchissement urbain, tels que « Végétaliser : Agir pour le rafraîchissement urbain », ou encore « Des solutions pour rafraîchir les villes : s’inspirer d’expériences dans le monde selon la variabilité des climats d’aujourd’hui et de demain ».

Si le premier ouvrage se concentre sur 20 initiatives nationales autour des solutions vertes, le second explore tout type de solution de rafraîchissement à travers le Monde. Il s’agit d’un recueil de 17 retours d’expérience à l’international de rafraîchissement urbain issus de projets d’aménagement avec des éléments remarquables quant à leur mise en œuvre, dans différentes zones géographiques et climatiques.

Par exemple, à Marseille, la renaturation du fleuve côtier des Aygalades, à la fois solution bleue et verte, est déjà en cours au cœur de la Cité des Arts de la rue depuis une dizaine d’années. Cette renaturation mise en œuvre progressivement par les habitants du quartier, mais aussi par le collectif des Gammares, place la cascade au centre de débats et de cycles de conférences intitulés « Voix d’eau » le premier dimanche de chaque mois afin d’insister sur les co-bénéfices apportés par le ruisseau tels que la biodiversité en ville, etc. En effet, cette renaturation vise en priorité à l’inclusion sociale, à la réappropriation par les habitants du ruisseau des Aygalades en faisant ressurgir la cascade.

Photo 1 : La Cascade des Aygalades, cliché : Elodie Briche, 2021

 

Par ailleurs, des outils d’aide à la décision tels qu’ARBOClimat sont à la disposition des collectivités, aménageurs ou agences d’urbanisme pour mettre en œuvre les solutions vertes en plaçant l’arbre en ville au cœur des réflexions.

ARBOClimat est un outil de prospective et d’aide à la décision pour la plantation d’arbres en ville développé par l’ADEME et la région Hauts-de-France. Il permet de calculer les services écosystémiques rendus par chaque essence, ainsi que l’impact carbone des projets de plantation. Le choix final des essences est classé selon 6 indicateurs, comme le potentiel rafraichissant et de lutte contre les îlots de chaleur urbains (ICU), la capacité à stocker du Carbone, la résilience de l’essence face à un climat plus chaud de 2 degrés, l’intérêt pour la biodiversité, etc.

Cet outil va prochainement basculer au format open source et une communauté d’acteurs sera créée afin d’élargir le choix des essences en fonction de différents contextes territoriaux et climatiques et les fonctionnalités de l’outil.

ARBOClimat est complémentaire de l’outil Sésame du Cerema. Si le premier permet d’avoir une vision globale du projet de plantation, le second permet d’approfondir davantage le choix des essences.

Figure 3 : Chiffres clés de l’arbre en ville (sources variées recensées dans la brochure ADEME-Cerema disponible plus bas)

Conclusion

Agence de référence, d’expertise et facilitatrice de la transition écologique aux niveaux national et international, l’ADEME porte une expertise reconnue et multisectorielle sur l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques. En particulier, sur l’urbanisme durable, l’ADEME agit à la fois sur l’échelle de la planification urbaine et sur celle de l’aménagement opérationnel. Elle contribue à la montée en compétences des acteurs et à l’émergence d’opérations expérimentales.  En matière de rafraîchissement urbain, l’ADEME travaille pour faciliter le passage à l’action. Cela passe notamment par l’amélioration des connaissances sur l’efficacité des solutions disponibles, la mise à disposition de guides et outils d’aide à la décision et le partage de retours d’expériences.

En amont, l’Ademe poursuit son travail sur le rafraîchissement urbain notamment avec l’appel à projets de recherche PACT²e, lancé en avril 2021. L’un des axes proposés cible notamment des recherches-action sur les solutions de rafraîchissement urbain dans le but d’approfondir les évaluations qualitatives et/ou quantitatives de ces solutions. Plus en aval, des guides opérationnels vont prochainement approfondir les questions de conditions technico-économiques de mises en œuvre des solutions de rafraîchissement urbain.

De plus, l’ADEME investit de plus en plus le champ de l’urbanisme favorable à la santé (UFS). Elle a notamment soutenu l’élaboration du guide de référence sur le sujet, le guide ISAdOrA (Intégration de la Santé dans les Opérations d'Aménagement), réalisé par l’EHESP et l’Agence d’Urbanisme Bordeaux Aquitaine. Les co-bénéfices entre ‘santé’ et ‘transition écologique’ sont nombreux et conduisent à une plus forte résilience des territoires et de leurs populations. Une autre publication sortira prochainement sur cette thématique. Elle aborde des idées préconçues entre santé et urbanisme et met en lumière le rôle de l’urbanisme durable pour conjuguer transition écologique et santé.

Article signé Elodie Briche, PhD, coordinatrice R&D en urbanisme durable & Ariane Rozo, coordinatrice en urbanisme en lien avec la santé et l’environnement, pôle Aménagement des Villes et Territoires (PAVT) au sein de la Direction Aménagement, Adaptation et Trajectoires bas carbone (DAAT).

 

Crédits photo image principale : Elodie Briche


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