Déployer l’économie circulaire dans le bâtiment avec le Booster du réemploi

Rédigé par

Zélie Perrin

Chargée de projet / Responsable communication Booster du Réemploi

2650 Dernière modification le 06/09/2022 - 19:02
Déployer l’économie circulaire dans le bâtiment avec le Booster du réemploi

 

Rendre ses projets plus vertueux économiquement et écologiquement est aujourd’hui et plus que jamais un enjeu majeur pour le secteur du BTP. L’un des moyens pour y parvenir est d’y insuffler le concept d’économie circulaire, notamment par le biais de l’usage du réemploi. Nous avons échangé avec Camille Bertin, Responsable Booster du réemploi, à ce propos. 

Comment êtes-vous arrivée au sein du Booster du réemploi et quelle y est votre fonction ? D’où vient votre engagement pour l’économie circulaire dans le BTP ?


Camille Bertin : Durant ma première expérience professionnelle en tant que conductrice de travaux, il m’a été demandé de jeter à la poubelle des matériaux de chantiers qui étaient en excellent état. Cela a été l’épisode un peu traumatisant qui m’a donné envie de bousculer les choses, et d’apprendre à mieux gérer les matériaux, la logistique et les déchets de chantiers. Cela m’a amenée à faire du conseil en économie circulaire au sein du groupe Bouygues Construction, puis à rejoindre l’équipe du Booster du réemploi où je manage aujourd’hui une équipe de 7 collaboratrices. 

 

Pouvez-vous nous parler du Booster du réemploi et de ses actions en faveur de l’économie circulaire ? Comment accompagnez-vous concrètement les entreprises ? 


Le Booster du réemploi est l’un des programmes du cabinet de conseil A4MT. Il propose aux maîtres d’ouvrages du secteur de l’immobilier d’intégrer des matériaux de réemploi au sein de leurs projets. En effet, nous nous sommes rendu compte que beaucoup d’entre eux apprenaient à déconstruire des bâtiments pour récupérer les matériaux, alors que peu ont appris à intégrer ces matières de seconde main dans leurs futurs projets. Cela créé un déséquilibre de marché, et notre rôle est donc de motiver les acteurs à acquérir des matériaux issus du réemploi. 


Pour ce faire, nous avons misé sur une sorte de coaching avec deux grands types de modules


•    Des cours en continu avec des sessions de formation digitales mensuelles pour faire en sorte que les maîtres d’ouvrage se parlent entre eux, de leurs propres opérations de réemploi notamment
•    Un programme d’accompagnement plus individualisé, où nous demandons à l’entreprise d’inscrire chaque année pendant 3 ans 5 projets immobiliers où ils vont intégrer du réemploi. Cela permet d’être plus opérationnel. 

 

Qui sont les acteurs clés de la réussite de l’économie circulaire en France aujourd’hui ? Les professions à mobiliser en priorité dans le BTP ? 


De notre côté, nous considérons que chacun des acteurs de la chaîne de l’immobilier a son rôle à jouer, de l’aménageur qui va donner dès le début une direction au projet, jusqu’à l’entreprise qui va la concrétiser.

 

Pensez-vous que l’économie circulaire et le réemploi soient des notions assez connues et intégrées par le secteur à l’heure actuelle ? 


J’ai l’impression que la profession n’est pas égale vis-à-vis de cela. Dans l’ensemble, l’enjeu de la construction bas carbone est intégré. Sur le réemploi il reste du chemin à parcourir. Je pense que là aussi, l’enjeu est compris, mais que le passage à l’acte n’est pas forcément acquis. Plusieurs acteurs se demandent comment s’y prendre pour continuer à bien faire leur métier tout en intégrant ces nouvelles pratiques. 

 

Quels sont les freins que vous identifiez aujourd’hui pour massifier la pratique de l’économie circulaire dans le bâtiment, et les solutions que vous préconisez ?

 
Nous avons croisé environ 2000 professionnels du BTP depuis que nous avons commencé l’aventure Booster du réemploi. Sur l’ensemble, seule une dizaine était réticente, mais une part beaucoup plus importante était surtout inquiète de mal faire son travail. Nous devons donc user de pédagogie, mais aussi de déculpabilisation : nous sommes tous en train d’apprendre à intégrer ces nouvelles notions, il faut donc avancer collectivement. 


L’autre enjeu est de mobiliser et structurer les filières : que les industriels du secteur du BTP ou les acteurs du réemploi massifient la remise en état ou production de matériaux de seconde main. Cela pose une question sous-jacente, celle de la logistique : comment stocker les matériaux, par exemple. 

 

Quels sont les prochains grands projets du Booster du réemploi ? 


Notre premier défi est d’accroître le nombre de maîtres d’ouvrage engagés dans le réemploi. Pour régler les problèmes d’approvisionnement et de stockage, nous travaillons auprès des filières et cherchons à développer des plateformes mutualisées entre les maîtres d’ouvrage. Enfin, l’économie circulaire est une économie de territoire : nous voulons créer un réseau local de maîtres d’ouvrage engagés dans l’année à venir, avec les Hauts de France et Nantes. 


Plus largement, sur l’économie circulaire, la question qui se pose c’est « que faisons-nous de nos mètres carrés ? » Il y a de plus en plus de terrain occupé pour y installer de nouveaux bâtiments, la capacité de production agricole de notre territoire est donc diminuée. En parallèle, nous sommes de plus en plus nombreux sur terre. Il faut savoir que le premier champ d’action de l’économie circulaire au départ est de considérer le mètre carré comme étant rare : c’est un enjeu majeur d’aménagement urbain. Nous au beau construire tous nos nouveaux bâtiments avec des matériaux de seconde main, cela reste de la construction. Il serait donc intéressant de se questionner dans un premier temps sur la pertinence de la création des nouveaux projets.

 

Propos recueillis par Amandine Martinet - Construction21 

Cet article fait partie du focus Economie Circulaire, soutenu par Rockwool, qui comprend études de cas, interviews, vidéos... Découvrez tous les contenus sur la page dédiée

                                                

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