[#Confinement] Dentiste virus et changement climatique

Rédigé par

Rodolphe Deborre

Directeur Innovation et Renaissance Ecologique

2649 Dernière modification le 09/04/2020 - 10:45
[#Confinement] Dentiste virus et changement climatique

Je me suis surpris à comparer ce que les dentistes ont fait avec les soins dentaires et ce qu’on devrait faire avec le changement climatique.

Car enfin, selon mes filles (6 et 9 ans), c’est quand même bien ennuyeux de se brosser les dents si souvent, si longtemps, tout ça pour éviter un bobo nommé carie qu’on n’a jamais eue ou presque…

Et lorsque le bobo nommé carie arrive, tel le vil virus qui nous occupe séant, alors là, il faut assumer le courage d’aller voir le dentiste, reconnaître qu’on a mangé trop de cochonneries, qu’on s’est mal brossé les dents, tolérer la douleur d’intervention (souvenir d’époque avant anesthésie où enfant je me pinçais très fort pour avoir plus mal à la peau qu’aux dents pendant le douce séance de roulette), payer, récupérer après cette douleur intense avec un plomb irréversible et faire le deuil de ses dents immaculées, et promettre des lendemains plus conforme à l’hygiène dentaire. Parfois, figurez vous que ça fonctionne et que les soignés ont appris et modifient leur comportement pour des lendemains sans caries. Et finalement l’effort supplémentaire s’oublie voire procure des joies nouvelles (l’haleine ?). Parfois, le premier réflexe est de s’enfiler un paquet de bonbecs et zou, comme en quarante.

Cependant, en 2020, dans nos pays « développés » constatons que la carie est devenue beaucoup plus rare qu’il y a 40 ans. Tant mieux, ce précédent est heureux. Bravo au système bucco-dentaire.

Comment faire pareil avec le système climatique ?

D'abord, rappelons qu’on n’a pas 40 ans devant nous mais beaucoup moins et, comme le dit Julien Dossier, chaque jour compte.

Osons ensuite comparer l’impensable. Et si le COVID19 était une carie ?

Ça fait mal, voire très mal. Pour être soigné, cela exige la mobilisation de grande compétence médicale, et pendant la période carie (maladie + soin + récupération) cela modifie grandement nos comportements individuels et sociaux.

La carie vient de « pas de chance » mais aussi et surtout d’un comportement alimentaire et hygiénique inadéquat. Le COVID 19 vient de « pas de chance », mais aussi vraisemblablement d’une trop grande proximité humains-nature sauvage, liée à la destruction organisée de la biodiversité pour des raisons démographiques, économiques et climatiques. Toutes choses égales par ailleurs, plus le climat se dégradera et plus les risques viraux augmenteront.

Poursuivons : et si le système climat (science, politique, économie, population) s’inspirait du système dentaire ? Avec un succès plus grand et surtout plus rapide ?

La personne qui mange une sucrerie en pleine crise carie a eu tellement mal qu’elle s’en souvient encore des années plus tard. Plus rien d’autre n’a d’importance tant qu’on a mal. Sous la douleur et la peur d’avoir encore plus mal, les comportements changent très très vite pour implorer les soins qu’on (re)découvre. Certaines actions sont à réduire fortement et d’autres à accroître. Le sucre est un ennemi, et pourtant c’est si bon. Le système dentaire est un ami, oui oui, le dentiste en vert avec la roulette, c’est un ami.... Et on promet qu’on ne recommencera plus et on applaudit le dentiste à 20h. Et on y arrive.

Nous (re)découvrons les métiers et comportements lents et vitaux seuls capables d’accompagner nos vies en période COVID. Plus rien d’autre n’a d’importance tant qu’on a mal ou tant qu’on a peur d’avoir encore plus mal. Les comportements ont été finalement très facilement modifiés avec une certaine discipline, guidée par la compréhension scientifique ou le civisme ou la peur. Le virus, tout ce qui le propage (circulation frénétique des humains et des biens), et tout ce qui le génère (destruction de la biodiversité, démographie, émissions de gaz à effet de serre) doit être un ennemi. Tout ce qui soigne, tout ce qui permet de survivre pendant la crise, tout ce qui nous permettra de vivre (différemment) après la crise doit être un ami.

Qui est bonbon et autres sucreries ; qui est ennemi ? Tout ce qui émet des gaz à effet de serre, tout ce qui accroît la démographie. En vrac, la consommation effrénée de matières, réduire l’activité matérielle à ce qui est vraiment important même si c’était si bon. Black Friday est l’ennemi ! Consommation d’énergie fossile (pour la France surtout de chaleur), déplacements carbonés, viande, importations pour consommation pour commencer par le plus important… tant pis.

Qui est système dentaire, qui est ami ? Ou plutôt, qu’est ce qui pourrait ou devrait l’être ? La science est ok depuis longtemps. En revanche, économie, population et donc politiques doivent assumer que pour combattre et pour espérer éviter de nouvelles crises encore plus graves, il convient de reconnaître qui est ennemi et ne plus en faire la promotion (on n’imagine plus de pub pour des bonbons sponsorisés par l’Etat, à quand la mention sous les ventes de voitures ou de steaks que c’est dangereux pour le climat?). Et il y a beaucoup d’ennemis, pourtant si bons. Tant pis. A l’inverse, le système climat doit faire la promotion et soutenir tout ce qui lutte activement contre la dégradation environnementale et les styles de vie plus lents et plus locaux redeviennent « à la mode ». En vrac : la rénovation réelle des bâtiments ou les productions locales de richesse et la redistribution locale, ou bien le déploiement du système vélo ou mobilité individuelle électrique ou bien la recherche scientifique pour substituer des matériaux très carbonés par des matériaux issus du vivant.

 

Alors, en imaginant que l’on sorte un jour de la crise Covid, que faisons-nous ensuite : on se gave de bonbons ou on se brosse les dents ?

Rodolphe Deborre,

Rabot Dutilleul, directeur innovation et renaissance écologique

Ceebios, membre du CA

Construction 21, fan.

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