Densifier les réseaux de chaleur : un contexte favorable et un potentiel considérable, mais des défis à relever

Rédigé par

Florence LEVY

2032 Dernière modification le 24/01/2023 - 20:00
Densifier les réseaux de chaleur : un contexte favorable et un potentiel considérable, mais des défis à relever


La création de nouveaux réseaux de chaleur est souvent mise en avant comme le principal défi à relever par le secteur pour lui permettre d’apporter une contribution efficace à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Cette création est indispensable, mais ne pourra se faire que sur plusieurs années et avec des investissements financiers majeurs. Un autre défi, réalisable à moindre coût et sur des délais plus courts, demeure le raccordement des bâtiments aux réseaux de chaleur existants.

La Cour de Comptes le souligne dans son rapport de septembre 2021 : “Si le lancement de nouveaux projets dans les territoires est primordial, l’extension et la densification des réseaux existants dans de grandes agglomérations, couplées à leur verdissement, restent un levier majeur pour tripler les livraisons de chaleur verte d’ici 2030”. La Cour des Comptes rappelle également que la densification des réseaux existants doit “être ciblée avec des outils spécifiques et adaptés.”

Des dispositifs mis en place par l’État pour encourager les raccordements aux réseaux existants

Pour accélérer la densification des réseaux de chaleur, l’État a donc récemment activé des outils de différentes natures, et notamment :

  • le classement des réseaux : depuis janvier 2022, l’ensemble des réseaux de chaleur et de froid alimentés majoritairement par des énergies renouvelables et de récupération sont automatiquement classés. Pour ces réseaux, sauf dérogation, le raccordement des bâtiments neufs ou de ceux qui renouvellent leur installation de chauffage au-dessus d’une certaine puissance devient obligatoire dans une certaine zone autour du réseau, appelée « périmètre de développement prioritaire », définie par la collectivité ;
     
  • le dispositif éco-énergie tertiaire : ce dispositif vise avant tout une réduction des consommations énergétiques. Toutefois, les coefficients de conversion en énergie finale définis dans le cadre de l’arrêté “Valeurs absolues II” permettent à un établissement tertiaire de se voir comptabiliser jusqu’à 23 % de réduction de consommation par le simple raccordement à un réseau de chaleur ;
     
  • le coup de pouce chauffage des bâtiments résidentiels collectifs et tertiaires : instaurée dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie, cette nouvelle aide permet de réduire fortement les coûts de raccordement depuis le 1er septembre 2022. Les modalités de calcul de l’aide prennent désormais en compte le fait que le raccordement des bâtiments de petite taille est confronté à des coûts fixes importants liés à des travaux de voirie (indépendants du nombre de mètres carrés ou du nombre de logements). Le montant de l’aide s’élève à plusieurs dizaines de milliers d’euros par bâtiment.

De nouveaux défis générés par une multiplication des demandes de raccordement

Aujourd’hui, le nombre de demandes de raccordement est en forte croissance. La Fedene constate une augmentation de 30 % des demandes en 2021. Le service France Chaleur Urbaine mis en place par l’État, qui permet à toute personne qui le souhaite de manifester son intérêt pour se raccorder, a également enregistré une multiplication par un facteur 3 du nombre de demandes reçues chaque mois à partir du début de la guerre en Ukraine fin février 2022. Le lien de cause à effet a été confirmé par les témoignages de copropriétaires.

Face à cet afflux de demandes, les délais de réponse des opérateurs et les délais de raccordement peuvent être allongés. Comme l’ensemble des acteurs du monde de l’énergie, la filière doit réussir à s’adapter pour faire face à un contexte inédit. La multiplication des raccordements peut également nécessiter de doter les réseaux existants de nouveaux moyens de production d’énergies renouvelables et de récupération, en particulier pour ceux déjà proches de leur capacité maximale de production. Enfin, l’accroissement du nombre de demandes met en exergue des problématiques peu traitées jusqu’à présent, par exemple celle du raccordement des bâtiments collectifs à chauffage individuel, pour lesquels la mise en place d’un réseau secondaire peut constituer un réel frein au vu de l’investissement financier qu’elle nécessite. Rappelons toutefois que le gisement de bâtiments à chauffage collectif au fioul ou gaz situés à proximité immédiate d’un réseau de chaleur reste considérable, et que le raccordement de ces bâtiments, dans une situation plus favorable, constitue déjà un enjeu en soi.

Enfin, la forte augmentation des demandes ne doit pas faire oublier qu’elle fait suite à une période au contraire peu favorable aux réseaux de chaleur, dans un contexte de prix bas du gaz jusqu’à mi-2021, avec un nombre de demandes de raccordement alors très limité. Elle ne doit pas non plus masquer le fait que les réseaux de chaleur demeurent extrêmement peu connus en France, en particulier du grand public. 

Une mobilisation nécessaire de l’ensemble des acteurs pour faire connaître les réseaux de chaleur

Pour massifier les raccordements aux réseaux de chaleur, il demeure donc indispensable de communiquer largement sur ces réseaux. La couverture encore partielle du territoire national par les réseaux de chaleur et la multiplicité des acteurs impliqués ne facilitent pas cette communication.

Depuis une vingtaine d’années, l’association ViaSèva a pour mission de promouvoir les réseaux de chaleur. Plus récemment créé, France Chaleur Urbaine est un service complémentaire qui permet de vérifier si un réseau de chaleur passe près d’une adresse mais également de déposer ses coordonnées sur le site pour être mis en relation avec le gestionnaire du réseau le plus proche. 

France Chaleur Urbaine s’attache aussi à informer sur les nouveaux dispositifs. Une page complète est ainsi consacrée au Coup de pouce chauffage des bâtiments résidentiels collectifs et tertiaires, avec un simulateur permettant d’estimer le montant d’aide en fonction de la surface du bâtiment ou du nombre de logements. Une cartographie interactive est mise à disposition des collectivités pour faire connaître le périmètre de développement prioritaire de leur réseau : elles peuvent s’appuyer sur cet outil pour communiquer sur leur territoire, et permettre à tout acteur engageant la construction d’un bâtiment ou renouvelant une installation de chauffage de savoir si le bâtiment se situe dans ce périmètre.

Dans ce cadre, le rôle des collectivités est primordial. Elles disposent de moyens de communication privilégiés, souvent très suivis au niveau local, pour faire connaître leurs réseaux de chaleur (journal de la collectivité, newsletter, réseaux sociaux…). Promouvoir les réseaux de chaleur auprès de l’ensemble des acteurs de la construction l’est également, et le présent numéro de Construction 21 y contribuera sans aucun doute.

Un article signé Florence Lévy (France Chaleur Urbaine, DRIEAT), Adrien Zemour (France Chaleur Urbaine)


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