Démonstrateurs et pédagogie pour développer l’économie circulaire : Interface renouvelle son soutien au projet « Bureaux de demain »

1440 Dernière modification le 17/03/2021 - 10:37
Démonstrateurs et pédagogie pour développer l’économie circulaire : Interface renouvelle son soutien au projet « Bureaux de demain »

Interface est un industriel engagé depuis de nombreuses années dans une démarche d’économie circulaire. Cependant, encore aujourd’hui, cet engagement se heurte à de nombreux freins : méconnaissance de la démarche, manque de gisements disponibles, coûts de l’économie circulaire et notamment du traitement des produits en fin de vie pour les rendre réemployables. En 2018, Interface a rejoint le projet « Bureaux de demain », qui vise à aider la filière à se structurer pour le tertiaire. Entretien avec Laetitia Boucher, Regional Sustainability Manager (Southern Europe) à Interface.

 

Pourquoi Interface a choisi de se lancer dans une démarche d’économie circulaire ?

Laetitia Boucher : Notre engagement pour le développement durable, et plus précisément l’économie circulaire, a été initié par notre fondateur, Ray Anderson. En 1994, un de nos clients nous a demandé ce que nous faisions pour l’environnement. A l’époque, nous n’avions aucune réponse concrète à lui apporter.

Ray Anderson souhaitait être en mesure d’apporter une réponse. Suite à la lecture du livre de l’environnementaliste Paul Hawken, « The Ecology of Commerce », il a eu une vision : diriger son entreprise comme le fait la nature où « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Il s’est donc entouré de différents spécialistes de l’environnement dont Paul Hawken, avec lesquels il a fixé des objectifs ambitieux à Interface, le but ultime étant d’avoir aucun impact négatif sur l’environnement d’ici 2020 (par exemple : zéro émission de GES, zéro déchet, zéro énergie fossile dans nos process, zéro empreinte carbone etc.). Il s’agissait pour nous d’éliminer toutes les déperditions, déchets, pertes, que nous pouvions avoir sur notre chaîne de valeur. Et nous avons atteint cet objectif !

 

Concrètement, quelles actions circulaires mettez-vous en place ?

Laetitia Boucher : En règle générale, quand on parle d’économie circulaire, on a tendance à se focaliser sur la gestion et donc la circularité des produits en fin de vie. Or, il ne faut surtout pas oublier que l’économie circulaire commence dès l’extraction des matières premières. C’est pourquoi, Interface mène une politique circulaire sur l’ensemble de la chaîne de valeur, de l’approvisionnement à la fin de vie des produits. Nous travaillons étroitement avec nos fournisseurs en privilégiant, par exemple, des matières premières recyclées à celles extraites de la terre, ou en utilisant des déchets d’autres industries pour fabriquer nos produits. Ou encore, en réintroduisant nos propres déchets dans nos opérations. Nous adoptons une démarche circulaire dès la conception de nos produits. Nos innovations pour atteindre la circularité sont constantes, par exemple, notre système de pose sans colle TacTiles®, nous permet une meilleures ré-employabilité des nos dalles de moquette. Et dernièrement, avec le lancement de notre dalle de moquette éco-conçue, qui, grâce à notre nouvelle sous-couche CQuest Bio™, nous permet de recycler intégralement notre produit dans la fabrication de nouvelles sous-couches.

 

Où en est le modèle économique du circulaire ?

Laetitia Boucher : C’est encore assez complexe de construire un modèle économique viable autour de l’économie circulaire à partir du moment où le réemploi a un coût non négligeable que l’utilisateur final n’est pas encore prêt à financer. Il y a un coût de dépose sélective, un coût de tri, un coût de logistique, un coût de stockage, de main d’œuvre etc. Il faut également bien identifier et définir le rôle des acteurs. Par exemple, dans notre cas, se pose la question de qui doit nettoyer les dalles qui seront réemployées, et donc de qui paye pour ce nettoyage. De plus les délais associés sont assez longs, il faut fonctionner selon une temporalité plus longue que d’ordinaire, sachant que la plupart du temps les chantiers s’effectuent sur des délais très court pour des raisons économiques.

Pour l’instant, le marché demande à un prix trop bas par rapport aux coûts engendrés. Même s’il y a une véritable prise de conscience du secteur et une volonté de faire fonctionner l’économie circulaire, l’aspect logistique et financiers restent encore trop souvent un frein. Pourtant l’économie circulaire, favorise une économie et la création d’emplois qualifiés locaux, ce qui devrait constituer un accélérateur de la démarche.

Nous sentons cependant, que les choses évoluent depuis ces 3 dernières années, avec l’apparition de nombreuses initiatives circulaires dont le projet « Bureaux de demain ». L’objectif maintenant, c’est de créer un appel d’air pour faire monter la demande, en augmentant le volume de gisements de seconde main disponibles tout en cassant l’image « cheap » du réemploi.

 

Vous avez participé au projet Workspace future, la première phase de « Bureaux de demain ». En quoi cette initiative participe à la mise en place d’un modèle économique du circulaire ?

Laetitia Boucher : Workspace Future a été créé à un moment où il était devenu nécessaire de faire bouger le marché. Ce projet a réussi à réunir toutes les parties prenantes du secteur de la construction et de l’économie circulaire, afin de mener un travail collaboratif commun. Il a permis de soutenir et valoriser des vitrines et des démonstrateurs de l’économie circulaire, afin de mettre en avant des innovations techniques et de services qui ne sont pas forcément très connus encore. Par exemple, la plateforme du Booster du Réemploi a été créée par des maître d’ouvrage investis et convaincus de l’intérêt du projet Workspace Future. Cette plateforme a été créée pour répondre à une attente de la part du marché et « booster » le réemploi. Dernièrement l’entreprise Orak et ses partenaires, qui proposent une offre de service clé en main (fourniture - vente ou location/pose, entretien, maintenance, dépose sélective, rachat des produits réemployables et/ou traitement des produits en fin de vie)

« Bureaux de demain » démontre qu’il existe des acteurs mobilisés et motivés pour faire fonctionner l’économie circulaire et créer des solutions innovantes.

 

Quel a été votre rôle dans ce projet ?

Laetitia Boucher : L’IFPEB nous a sollicité pour participer à « Bureaux de demain ». Le projet était en parfaite adéquation avec nos convictions et nous avons tout de suite accepté. En tant qu’industriel, nous avons une responsabilité vis-à-vis de nos émissions carbone, des produits que nous mettons sur le marché et des impacts que nous avons sur l’environnement. Toujours à la recherche de solutions environnementale innovantes, il est important pour nous de participer à des projets expérimentaux comme celui-ci.

Cela nous a donné l’opportunité de travailler sur un projet qui nous tenait à cœur : explorer l’économie de la fonctionnalité des matériaux à travers un modèle d’aménagement de bureau réplicable, dont il est possible de louer tous les constituants types séparément. Nous avons également pu échanger nos bonnes pratiques et travailler ensemble sur des solutions innovantes avec les différents partenaires et démonstrateurs de Workspace Future. Par exemple, nous avons fourni de la moquette de déstockage à la Fédération Envie, pour son chantier Envie le Lab. Nous avons aussi été en relation avec Eiffage Construction, dans le cadre de leur projet de réaménagement de bureaux le Crystalis, qui ont pu bénéficier de notre nouvelle moquette bas carbone grâce à notre sous-couche à base d'éléments biosourcés, CQuest Bio™ (réduit l’empreinte CO2 du produit de 1/3 par rapport à une sous-couche classique cradle to gate).

 

Quels leviers pour développer l’économie circulaire ?

Laetitia Boucher : Outre l’éco-conception des produits qui permettront de prolonger leur usage et de les valoriser en fin de vie, il est nécessaire de lever les freins économiques liés à l’économie circulaire, en trouvant un ou des modèles économiquement viables et en sensibilisant le public aux coût induits par la démarche. Il faut donc mener un travail de pédagogie et de sensibilisation auprès des différents acteurs de notre secteur pour rendre  l’économie circulaire attractive.

Il faut également réussir à dépasser l’image d’une rénovation des bureaux à bas coût: la rénovation est souvent une manière pour l’entreprise de moderniser les espaces de travail et d’apporter bien-être et convivialité aux occupants. Utiliser des matériaux de réemploi dans un but vertueux pourrait être perçu comme une économie, si le projet est mal présenté aux salariés. L’idéal serait de construire une histoire autour du projet pour amener l’économie circulaire sous l’angle de l’achat solidaire et responsable, afin de mieux le valoriser auprès des salariés.

Un autre levier important est de développer l’offre et la demande pour amorcer la pompe du marché du réemploi. Nous sommes régulièrement confrontés à une demande de matériaux de réemploi à laquelle nous ne pouvons répondre faute de gisement; ou inversement, nous avons un gisement mais nous n’avons pas de preneur. Peu d’acteurs savent aujourd’hui qu’il est possible de réemployer certains matériaux dont ils souhaitent se débarrasser lors de la rénovation, Il y a donc un gros travail de sensibilisation et de communication à mener à ce sujet.

Enfin, il faut encourager la création de réseaux et de plateformes autour de l’économie circulaire et du réemploi, comme le fait « Bureaux de demain ». Il faut rassembler les acteurs motivés et emmener les autres avec nous, en montrant que c’est possible.

 

Propos recueillis par Manon Salé - Construction21, la rédaction

 

 

Découvrir le projet Bureaux de Demain

Contact : [email protected]

 

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