Data & outils collaboratifs, les fondations pour bâtir le PLU "Urbascore"

Rédigé par

Marie-Lahya Simon

Architecte et Expert Spacemaker

2686 Dernière modification le 08/12/2022 - 11:00
Data & outils collaboratifs, les fondations pour bâtir le PLU

 

Avec l’ambition d’élaborer "l’Urbascore", le premier plan local d’urbanisme (PLU) bioclimatique en France, la Mairie de Paris se heurte à des contraintes territoriales et patrimoniales. Divers principes sont revendiqués : la préservation esthétique de la Ville Lumière, le souhait pour certains de ne plus voir de nouvelles constructions à Paris, et pour d’autres, l’espoir au contraire de libérer des capacités de densification par la surélévation. Malgré toutes ces divergences, la municipalité s’est lancée dans le renouvellement du PLU qu’elle souhaite adopter d'ici 2024.

Ce nouveau PLU doit à la fois offrir à la Ville de Paris, la capacité de supporter les effets exacerbés du dérèglement climatique tout en remportant l’adhésion des professionnels qui devront appliquer ces nouvelles règles. Pour atteindre ses objectifs, la Ville entend non seulement revoir les règles existantes mais aussi imaginer d’autres façons de bâtir. Pour cela, elle souhaite s’extraire d’un code de l’urbanisme qui jusqu’alors se concentrait sur la parcelle à construire pour adopter une approche élargie, passant de la parcelle à une échelle d’îlot voire de quartier, tout en intégrant des notions "d’externalités positives" et de surperformance.
 

Concrètement, comment cela marche ?

Ce système de notation de A à E a vocation à encourager les professionnels de l'immobilier à aller plus loin que les valeurs minimales exigées, en identifiant 9 critères de surperformances selon 3 grandes sections :

  • Nature en ville et biodiversité : taux de pleine terre à la parcelle, végétalisation du bâti, abattement des eaux pluviales.
  • Destinations vertueuses : mixité sociale, mixité fonctionnelle, animation locale.
  • Sobriété et efficacité : performance énergétique, énergies renouvelables, émissions carbonées.

Et pour obtenir un permis de construire, il faudra donc surperformer sur au moins 3 de ces 9 critères en fonction des caractéristiques du projet et de la parcelle.

Si revisiter la façon de fabriquer la Ville de Demain pour l’adapter au changement climatique passe par des adaptations du cadre légal, il n’en est pas moins nécessaire de donner aux professionnels les moyens de bâtir autrement. Vu la densité et l’histoire patrimoniale de la Ville, il paraît évident que la transformation du parc immobilier parisien requiert à la fois une logique d’ensemble, mais aussi l’intégration de l’impact de ces projets urbains. Cette volonté de rationalisation se doit d’être supportée par des analyses précises afin d’éviter toute erreur coûteuse et anticiper des phénomènes parfois difficiles à prédire.

Aujourd’hui, les enjeux de tissus urbains ultra-denses tels que la métropole parisienne sont multiples, allant du déficit de logement social au développement de l’offre en logement abordable. Tout ceci, dans une logique d’optimisation foncière vertueuse, c'est-à-dire sans nuire à l’environnement ou au confort de ses habitants. Pour prendre la mesure des facteurs à prendre en compte sur le plan écologique, économique et social, lire l’essai « Paris face au changement climatique » de Franck Lirzin, peut être éclairant. Cet ancien conseiller d’Emmanuel Macron à Bercy fait un état des lieux des potentielles conséquences du dérèglement climatique dans un Paris de 2050 et plaide pour des mesures rapides pour éviter aux habitants d’importants déboires face à la hausse des températures. Et bien sûr, tous les quartiers de Paris ne souffrent pas de la même manière du manque de planification.

 

Mais alors nos ingénieurs et architectes seraient-ils vraiment les seuls en mesure de répondre à ces enjeux colossaux ?

En rebattant les cartes du cadre juridique, il serait également temps d’abattre des silos en réinventant la façon dont les professionnels conçoivent la Ville de Demain. Pour amorcer cette révolution, deux boulevards peuvent être empruntés : l’intelligence collective, source prodigieuse d’émulation et de créativité, mais aussi la data, base purement factuelle d’enseignements techniques et pratiques.

Appliquée à d’innombrables domaines, l'intelligence collective consiste à mobiliser une variété pluridisciplinaire de profils pour résoudre plus efficacement un problème donné, évitant ainsi que chacun reste dans son coin. Face à l’urgence climatique, il serait temps d'aller plus loin en termes d'intelligence collective en élargissant la collaboration à d'autres domaines d’expertises en mélangeant des cultures professionnelles et mais aussi des approches propres au monde du numérique.

L’aménagement urbain ne relève plus des politiques de santé publique, et pourtant, il englobe bel et bien ces enjeux au vu des dégâts causés par les vagues de chaleur. Il est étonnant de constater qu'après le mouvement hygiéniste qui a transformé les villes comme on les connaît, la politique de santé publique ait disparu de la planification urbaine alors que les problématiques se cumulent.  L’enjeu est tel, qu’en Suède (Linköping), au Canada (Halifax, Montréal, Toronto et Vancouver), en Autriche (Vienne) ou aux EUA (Phoenix), des approches hybrides sont mises en œuvre par des autorités spécialement créées pour faire face à ces nouveaux paradigmes. Pour se doter de plans "climat" pertinents à long terme, les municipalités telles que Paris doivent réunir des compétences, qui jusqu’ici, ne se côtoient pas forcément. Dans une telle configuration, la communication doit être fluide pour garantir la collaboration or lors des réunions autour de chantiers de construction, chacun sait ô combien, il est parfois difficile de parler le même langage.

Devenue incontournable aujourd’hui, la donnée a la valeur de mettre tout le monde d’accord. Traitée à travers des analyses avancées et l'intelligence artificielle, elle ouvre le champ des possibles en termes de connaissances et d'exploitation des performances des bâtiments. Sur des tâches chronophages et à peu de valeur ajoutée, l’IA permet à l’humain de gagner en efficacité et en connaissance. Elle développe des facultés prédictives inimaginables auparavant. Avec l’IA, les architectes et urbanistes peuvent virtuellement visiter le futur ! Des simulations chiffrées voient le jour et délivrent des enseignements qui nourrissent davantage l’intelligence et la dynamique collective. Les Villes et les territoires peuvent s’allier pour apprendre les unes des autres en partageant leurs retours d’expériences à partir de mesures expérimentées. C’est le point de départ d’un processus de conception plus vertueux.

L’inadaptation climatique des grandes métropoles françaises est évidente. Il est désormais vital de réunir les experts et les décisionnaires autour de la table. Un des moyens seraient les outils numériques et la gestion des données qui constituent un vocabulaire commun pour identifier les causes, les conséquences et les leviers d’actions, afin de prendre les bonnes décisions pour l’avenir climatique.

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