Créer en s’inspirant de la nature

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5594 Dernière modification le 11/03/2020 - 10:44
Créer en s’inspirant de la nature

Pour les designers, architectes et ingénieurs, les sources de créativité sont très variées, mais s’il y a bien une source d’inspiration qui semble inépuisable, c’est la nature : végétaux, animaux, écosystèmes ou minéraux constituent de formidables ressources pour innover.

Encore faut-il réussir à trouver des méthodologies adaptées pour transposer les principes dits naturels à l’innovation et c’est là bien l’enjeu du biomimétisme qui pourrait être un allié d’importance pour empêcher le climat de s’emballer au-delà de 2°C.

Le biomimétisme, une définition

L’humanité s’est de tous temps inspirée des formes et processus naturels pour créer et pour résoudre des problèmes techniques.
Le terme biomimétisme vient du grec, βίος bíos (vie) et μίμησις mímêsis (imitation).

En cette année où l’on commémore les 500 ans de la mort de Léonard de Vinci et après , on pense évidemment à ses machines volantes inspirée de l’ossature des oiseaux. Le concept même de biomimétisme a été pensé par Otto Schmitt puis Janine Benyus l’a largement diffusé avec son livre Biomimicry : Innovation Inspired by Nature en 1997 qui l’a popularisé en particulièrement chez nous Interface.
La conférence TED prononcée en 2005 par Janine Benyus a aussi été un événement important pour la diffusion du concept.

Il s’agit ainsi, de s’inspirer des formes, matières, propriétés, processus et fonctions du vivant depuis des échelles nanométriques et biomoléculaires et jusqu’à des échelles macroscopiques et écosystémiques. Dans un rapport conçu par le CEEBIOS et le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, biomimétisme et bio-inspiration sont définis de la sorte:

  • le biomimétisme est défini comme «  philosophie et approches conceptuelles interdisciplinaires prenant pour modèle la nature afin de relever les défis du développement durable (social, environnemental et économique) »
  • la bio-inspiration comme « approche créative basée sur l’observation des systèmes biologiques »

Observer pour innover

Tout commence par l’observation et la connaissance du vivant. La démarche biomimétique est par nature interdisciplinaire. En France, on comptait 45 équipes de recherches autour du biomimétisme en 2012, 90 en 2015, 175 en 2017, selon les chiffres du Centre européen d’excellence en biomimétisme de Senlis (Ceebios). En France, BiomimExpo, événement annuel qui rassemble des experts et des acteurs de toutes les disciplines scientifiques et dans tous les secteurs d’activités se tient depuis plusieurs années à Paris et attire de nombreux participants.
Pour Perig Pitrou , directeur de recherche au Laboratoire d’anthropologie sociale (Unité CNRS/Collège de France/EHESS), dans une passionante interview au Journal du CNRS:

« L’imitation n’est pas un calque immédiat de la nature, il suppose un certain nombre d’étapes et d’opérations : observations, mesures, dessins, identification de projets, puis, éventuellement, construction d’objets. »

Un ensemble de recherches ont permis de dégager 9 principes tirés de l’observation de la nature qui nous permettraient de créer en harmonie avec la nature un monde de demain conforme aux enjeux du développement durable :

  • La nature utilise principalement l’énergie solaire
  • La nature n’utilise que la quantité d’énergie dont elle a besoin
  • La nature adapte la forme à la fonction
  • La nature recycle tout
  • La nature récompense les coopérations
  • La nature parie sur la diversité
  • La nature travaille avec des ressources locales
  • La nature limite les excès de l’intérieur
  • La nature utilise les contraintes comme des opportunités

Design et biomimétisme

Dans son ouvrage « Good design », le designer Bruno Munari analysait une orange et terminait par ces mots :

« L’orange est donc un objet presque parfait où l’on retrouve l’absolue cohérence entre la forme, la fonction et la consommation. »

Le biomimétisme est au carrefour des disciplines, c’est aussi le cas du design qui est à l’intersection de la recherche, de l’industrie et de l’art.
Il semble d’autant plus intéressant pour les designers de se pencher sur les principes du biomimétisme pour résoudre des problématiques complexes.

Le biomimétisme et la bio-inspiration permettent aux concepteurs d’innover à 3 niveaux :

  • en s’inspirant des formes du vivant
  • en s’inspirant des processus de fabrication des matériaux opérant chez les êtres vivants
  • en s’inspirant des interactions que les espèces développent entre elles et le fonctionnement global des écosystèmes naturels

En 1999, le studio de design d’Interface et d’autres services ont participé à un premier atelier sur le biomimétisme, destiné à les inviter à voir les choses autrement. Nous voulions chercher l’inspiration dans un nouveau champs de possibilités, une nouvelle manière de penser la conception. La problématique était la suivante : comment la nature concevrait-elle une dalle de moquette ? Comment la nature couvre-elle les sols ?
L’atelier a consisté en partie à se rendre dans la nature pour observer et comprendre.

Des formes inspirées du vivant

Des sols de forêt aux dalles posées aléatoirement

S’inspirer des formes du vivant est le processus qui semble le plus instinctif.
Chez Interface, nos designers ont ainsi observé les sols des forêts pour innover et proposer de nouvelles manières de penser les sols modulaires.

L’équipe de conception produit a observé un sol de forêt où chaque élément est unique par sa forme, sa taille et sa couleur. Elle a ensuite eu envie de créer un nouveau produit qui imite le caractère aléatoire de la nature – une idée complètement contre-intuitive dans le monde de la moquette traditionnelle.

Moins d’un an après, nous avons lancé Entropy, la première dalle de moquette biomimétique. Le motif non-directionnel permet une utilisation et un remplacement en fonction des besoins, les dalles peuvent être remplacées individuellement et posées dans n’importe quel sens. Cela prolonge la durée de vie de la moquette en échangeant les dalles abîmées ou usées sans refaire l’installation. Les motifs non-directionnels réduisent aussi les déchets et permettent une installation plus rapide. Une installation de moquette traditionnelle génère ainsi en moyenne 14% de déchets, une installation non-directionnelle 1,5%. Les dalles Entropy sont vite devenues l’une de nos meilleures ventes et ont multiplié par deux l’activité aux États-Unis entre 2002 et 2007.
En 2003, nous avons lancé toute une gamme de produits basée sur ce principe ; plus de 25% de notre portefeuille mondial de produits est aujourd’hui aléatoire.

Biophilie, biomimétisme et qualité de vie au travail

Interface est engagé depuis de nombreuses années pour une meilleure qualité de vie au travail et en particulier pour l’aménagement de bureaux qui contribuent au bien-être de leurs occupants. Nous pensons que le design biophilique et l’introduction d’éléments naturels et inspirés de la nature dans les espaces intérieurs sont facteurs de bien-être.

Nous avons d’ailleurs publié un guide pour mieux comprendre les principes du design biophilique ainsi qu’un récent article autour de la biophilie comme tendance de fond.

Les variations de la collection Net-Effect inspirée par les rivages et l’océan.

C’est dans cet esprit que nous avons créé de nombreuses collections inspirées de la nature avec des couleurs et motifs directement inspirés du végétal, du minéral et de l’univers marin dont voici quelques exemples :

Des processus de fabrication des matériaux hérités du vivant

Dans notre quête d’innovations plus écoresponsables et pour répondre aux besoins de la construction écologique, nous avons souhaité remplacer le mode de collage des dalles de moquette Interface.

Il était important pour nous que notre nouveau système ne contiennent pratiquement pas de COV (Composés organiques volatils), n’altère pas le support, soit résistant à l’humidité et aux variations de température. Il était aussi capital que ce système puisse faciliter le remplacement de dalles et le recyclage des sols.

Pour résoudre un cahier des charges aussi complet, nos ingénieurs et designers se sont tournés vers le système d’adhérence des pattes du gecko : un système complexe qui met en œuvre les forces de Van der Waals.

Le système TacTiles, fabriqué en PET (comme les bouteilles contenant des boissons gazeuses par exemple) se présente sous la forme de carrés transparents autocollants de 75×75 mmm. Ces carrés collent immédiatement et suppriment ainsi le temps de séchage nécessaire aux colles ; par ailleurs, il est sans COV et ne laisse pas de résidus sur les modules de moquette ou le sol, facilitant le recyclage et la réutilisation.

Des processus de production pensés d’après le fonctionnement des écosystèmes naturels

Nos sites de production peuvent-ils devenir un acteur positif des écosystèmes dans lesquels ils sont implantés ? Nous avons pensé que les écosystèmes naturels peuvent aussi inspirer nos modes d’organisation.

En collaboration avec Biomimicry 3.8, nous avons développé une méthodologie qui nous permet, ainsi qu’à d’autres sociétés, de transformer des usines « à zéro impact » pour qu’elles offrent les mêmes avantages que des écosystèmes très performants. Nous appelons cette méthodologie « Factory As A Forest » (FaaF).

Erin Meezan, directrice du développement durable chez Interface précise :

« Le concept Factory As A Forest consiste à appliquer le biomimétisme à une échelle systémique plus large plutôt que de simplement l’appliquer à la conception de produits. Nous avons également utilisé la méthodologie développée pour LaGrange pour influencer la conception du nouveau bâtiment du siège d’Interface au centre-ville d’Atlanta, dans la mesure où ils appartiennent tous les deux au même écosystème. Généralement, les indicateurs développés pour un projet ne peuvent pas être répliqués dans d’autres installations, car chaque écosystème très performant est incroyablement complexe. »

De l’importance de prendre soin de la biodiversité

Prendre soin de la biodiversité, c’est aussi nous permettre de conserver un environnement sain pour la vie et pour la formidable source d’inspiration que peut constituer la nature.

C’est donc aussi sauvegarder des possibilités d’innover de façon plus durable en observant l’incroyable bibliothèque de solutions qu’offre la nature. Un défi capital pour lutter contre le réchauffement climatique.

 Crédit photo :  Kevin Masson via Unslpash

Article publié sur Interface

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