COP26 : L’agenda climat de la construction et du bâtiment

Rédigé par

Christian Brodhag

Vice-Président Construction21 France / Président Construction21 AISBL

3495 Dernière modification le 11/11/2021 - 17:40
COP26 : L’agenda climat de la construction et du bâtiment

La COP 26 de la convention climat est principalement focalisée sur le niveau d’engagement des Etats, la mobilisation des financements, et la constitution de grandes alliances technologiques. Toutes décisions dont se sont emparés les chefs d’Etat.

Un secteur échappe à cette focalisation celui du bâtiment et de l’environnement bâti, c’est à dire des infrastructures urbaines. Leur contribution est pourtant essentielle. L'environnement bâti urbain est à lui seul responsable de 75 % des émissions annuelles mondiales de GES liées au CO2, les bâtiments représentant à eux seuls 37 %.

En consacrant la journée du 11 novembre au bâtiment la COP vise à promouvoir l’environnement bâti dans l’agenda politique. Différentes manifestations et interventions ont été programmées, notamment celle de l’Alliance mondiale pour le bâtiment, la Global ABC, qui a tracé la feuille de route zéro carbone 2050 et mesure annuellement son avancement dans son Global Status Report.

Le retard qu’il mesure tient à des questions politiques et structurelles.

82 pour cent de la population de 2030 vivra dans des pays sans codes énergétiques réglementaires, ou seulement volontaires, pour le bâtiment. Mais la transition écologique de ce secteur ne relève pas que de réglementation et de décisions des gouvernements centraux, mais aussi de celles d’une multitude d’acteurs privés et publics dont les villes. Différents réseaux de maires et de collectivités sont d’ailleurs présents à Glasgow.

Selon la feuille de route les émissions des bâtiments devront être réduites tout au long de leur cycle de vie grâce à une triple stratégie : réduction de la demande d'énergie (changement de comportement et efficacité énergétique), décarbonisation de l'alimentation énergétique (énergies renouvelables et zéro carbone) et réduction du carbone incorporé dans les matériaux de construction.

Sur le terrain cette approche dépend en effet de la coopération de multiples intervenants le long de la chaîne de valeur qui lie l’ensemble des étapes du cycle de vie des bâtiments depuis les matières premières et la conception jusqu’à leur fin de vie. Ce secteur ne relève pas directement d’innovations de rupture, mais souvent de solutions frugales combinées avec de multiples innovations organisationnelles et économiques qui font système.

Le réemploi illustre bien ces formes d’innovation. La déconstruction des bâtiments permet d’en réutiliser les éléments : des planchers, des faux planchers, des cloisons, des fenêtres, des moquettes ou des sanitaires, peuvent être réutilisés dans des constructions nouvelles avec un bénéfice économique et environnemental considérable et la création d’emploi locaux. La réglementation RE2020 les considère même comme ayant un impact carbone nul. Il s’agit d’une innovation dans la pratique de la construction, qui mobilise le numérique tant dans les plateformes d’échanges entre offre et demande, que dans la conception. Les outils numériques de conception du bâtiment (BIM) peuvent, par exemple, être inversés pour concevoir des bâtiments à partir des éléments récupérés.

C’est pour faire d’une pratique aujourd’hui anecdotique une transformation significative du marché qu’une trentaine de maîtres d’ouvrage ont engagé en France 150 chantiers expérimentaux au sein de l’initiative collective du Booster du réemploi. Des premières réalisations ont déjà été primées par les Trophées Bâtiments Circulaires coorganisés avec Construction 21.

Cette initiative illustre la vision de la Global ABC qui considère que les cinq prochaines années devraient être consacrées à l'adoption généralisée d'approches transformationnelles.

Quelles approches transformationnelles ?

Une coopération accrue des différents acteurs pour le développement de solutions innovantes permettra de raccourcir les délais entre les phases d’innovation, d’évaluation et de formalisation des processus pour les transférer, et massifier leur diffusion.

Cette transformation doit s’appuyer sur le développement des capacités individuelles et collectives :

  • Capacité institutionnelle au niveau national et local pour définir des politiques d’innovation, de transformation et de mobilisation les acteurs.
  • Capacité opérationnelle de toutes les parties prenantes à développer des projets et adopter des solutions.
  • Capacité technique à fournir les connaissances, les compétences, l'expertise et les services nécessaires.
  • Capacité pratique des citoyens à contribuer au développement durable.

Ce renforcement de capacité pour le changement et l’innovation peut passer par des démarches individuelles de formation et d’accès aux connaissances et informations pertinentes pour chaque partie prenante, et des processus collectifs de coopération au sein de systèmes d'innovations, thématiques ou locaux, permettant le partage d'expériences et la mise en œuvre de solutions.

Ce renforcement de capacité devrait être considéré comme un objectif à part entière au même titre que les politiques et les financements. Consacrer ne serait-ce qu’un pour mille des investissements envisagés à ces renforcements de capacité changerait la donne.

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