Construction : une évolution des pratiques fondée aussi sur l’innovation

Rédigé par

Anais Dupont-Petit

7087 Dernière modification le 18/03/2021 - 18:07

En intégrant de nouvelles technologies, le secteur du BTP se transforme en profondeur. La manière de travailler et de concevoir les chantiers évolue... Et l’usage de nouveaux outils débouche aujourd’hui sur des solutions séduisantes et crédibles, comme on peut le voir sur le chantier du Grand Paris Express.

Contrairement à certaines idées reçues, le secteur du bâtiment et des travaux publics est très perméable aux nouvelles technologies. Le BTP connaît même aujourd’hui des transformations majeures sous l’effet des innovations des startups et des industriels. Les constructions doivent désormais intégrer les enjeux de la ville durable et de la transition énergétique, ce qui impose une approche globale de l’écosystème urbain. Dans ce contexte, la technologie peut apporter des solutions, à condition qu’elle reste au service de la qualité de vie des usagers, qui demeure l’objectif premier. Par exemple, des outils de design urbain 3D, adaptés à l’échelle du bâtiment, du quartier ou de l’ensemble de la ville, peuvent être utilisés pour faciliter une approche écosystémique. Des techniques d’ingénierie à la construction proprement dite, tout est repensé ou presque.

 

BIM et Big Data

Le BTP n’échappe pas en effet à la digitalisation, ni à l’arrivée des matériaux intelligents et des objets connectés, qui modifient la manière de travailler ou de concevoir les chantiers. Innovation majeure, le BIM (Building Information Modeling), en particulier, révolutionne les méthodes de travail. Maquette numérique intelligente regroupant l’ensemble des informations liées à un projet, il permet de modéliser toutes les données relatives à la construction d’un ouvrage, à destination de tous les acteurs du projet. Un outil de management participatif qui permet une meilleure organisation du travail, une efficacité accrue et une meilleure maîtrise des coûts de production. Cette nouvelle manière de concevoir, de construire et de gérer les ouvrages, plus fiable et plus rapide, s’est ainsi imposée en quelques années, chez les majors du BTP, comme une solution incontournable de conception et de management de projet.

Mais l’innovation se retrouve aussi sur le terrain. À Saint-Denis, dans le cadre de l’exécution du lot 1 de la ligne 16, qui intègre 19 km de tunnel, 5 gares et 21 ouvrages annexes, un nouveau projecteur intelligent est par exemple expérimenté. Développé par la start-up Adok et mis à disposition des équipes par le Biep, le bureau d’études d’Eiffage Génie Civil, ce projecteur utilise une technologie innovante qui permet de transformer n’importe quelle surface en écran tactile. Avec, à la clé, un gain de temps dans le processus d’annotation des plans, une limitation de l’utilisation du papier et une conduite plus efficace des réunions, dont les comptes-rendus sont générés automatiquement.

Le Big Data ouvre également au secteur des perspectives pour optimiser les chantiers et mettre en place des « smart grids », c’est-à-dire des réseaux intelligents et communicants, qui permettent de contrôler les échanges d’information en temps réel, afin d’optimiser ses ressources.

 

Drones, objets connectés, robots et impression 3D

Les robots commencent doucement à se déployer sur les chantiers de construction. Des robots de démolition télécommandés sont déjà présents depuis quelques années. Et les « robots constructeurs » font leurs premiers galops d’essai. Certains fabricants ont déjà commercialisé des robots capables de poncer, de percer ou de tailler des pierres. Chargés d’assister les ouvriers du BTP dans les tâches quotidiennes les plus répétitives et les plus pénibles et de renforcer leur sécurité, ils peuvent également permettre d’aller plus vite avec moins de main-d’œuvre. Une innovation a ainsi beaucoup fait parler d’elle : le robot « Hadrian ». Doté d’un bras de haute précision de 28 mètres, il serait capable d’assembler 1 000 briques par heure et de construire une maison en deux jours ! Mais ce robot révolutionnaire reste pour l’heure hors de prix. Plus concrètement, un robot visant à réduire les ports de charges, afin de prévenir les troubles musculosquelettiques et les pathologies lombaires, s’apprête à faire son apparition sur les chantiers. La branche Infrastructures d’Eiffage vient de signer un accord de partenariat avec la start-up niçoise Borobo pour développer un « robot suiveur ». Celui-ci permettra de transporter des charges jusqu’à 60 kg et pourra être utilisé en pilotage manuel avec un joystick intuitif, en utilisation collaborative avec un système intelligent de reconnaissance de la morphologie humaine, ou en navigation autonome avec une précision de géolocalisation à 5 cm.

A l’ère des robots constructeurs, l’impression 3D est également un sujet de R&D prometteur. Déjà, plusieurs centaines de mètres carrés de bureaux ont été construits à Dubaï avec des imprimantes 3D et des robots. L’entreprise chinoise Winsun a même réussi à imprimer un immeuble de six étages grâce à une imprimante de 40 mètres de long ! Une expérience est actuellement en cours en Italie visant la construction de tout un village avec une imprimante 3D. Selon plusieurs experts, les imprimantes 3D devraient se répandre de plus en plus en France dans les années à venir. Les chantiers seront plus silencieux, mieux aménagés et plus rapides, avec à la clé, des gains de productivité et des économies sur les coûts de la construction.

Les drones sont également expérimentés sur les chantiers. Dotés d’équipements de télémétrie et de caméra, ils permettent de réaliser des suivis de chantier, des bilans thermiques, de la cartographie 3D et des relevés topographiques… Ils permettent également d’avoir accès aux zones difficiles et encombrées d’un chantier... Ou encore d’assurer une surveillance des chantiers et des éventuelles intrusions. Avec leur coût réduit, leur facilité d’utilisation (ils peuvent être autonomes), et le panel de possibilités qu’ils offrent, les drones pourraient bien de se déployer rapidement dans le secteur du BTP, qui peut trouver dans ce nouvel outil des gisements de productivité, d’économies d’échelle et d’amélioration de la sécurité sur les chantiers.

Des objets connectés peuvent également être intégrés dans les matériaux de construction. En France, les fabricants de béton Lafarge et Edycem ont déjà innové en incluant des puces RFID encapsulées et des capteurs dans leurs matériaux. Objectifs : assurer un traçage pertinent des matériaux, connaître leurs caractéristiques techniques à tout moment (pour l’entretien, l’expertise ou la déconstruction) et suivre l’évolution des matériaux et de leur structure au fil du temps. Eiffage Construction expérimente aussi le béton connecté dans le cadre d’un partenariat scientifique et d’une plateforme expérimentale inédite. Un « totem intelligent » qui intègre des capteurs sans fil pour mesurer en temps réel les paramètres du béton durant toute sa durée de vie (déformations, température, humidité, etc.).

 

Le rôle moteur du chantier du Grand Paris Express

L’innovation prend un tour très concret quand elle s’applique sur le terrain et dans des grands projets, comme sur le plus grand chantier de BTP d’Europe, celui du Grand Paris Express. Eiffage s’est ainsi particulièrement saisi de la question des innovations technologiques, pour les chantiers sous sa responsabilité. À Saint-Denis, dans le cadre de l’exécution du lot 1 de la ligne 16, qui intègre 19 km de tunnel, 5 gares et 21 ouvrages annexes, les équipes de déconstruction d’Eiffage Génie Civil ont assuré la démolition d’anciens locaux industriels. Ce chantier, qui aura mobilisé quelque 30 personnes, a bénéficié de matériels innovants. Les pelles utilisées étaient ainsi équipées du système Oil Quick : dédié aux opérations nécessitant des changements d’outils fréquents, ce système permet au conducteur de brancher, depuis sa cabine et en moins d’une minute, broyeur, pince de tri, cisaille ou brise roche hydraulique en fonction de la tâche à réaliser. Cet outil permet donc aux opérateurs de travailler encore plus en sécurité. Il contribue aussi, comme ceux que nous avons cités précédemment, à un gain de temps appréciable, alors que la tenue des délais est un des enjeux majeurs pour la Société du Grand Paris, responsable de ce chantier hors norme.

Un exemple parmi d’autres des innovations technologiques intégrées par le secteur du BTP pour transformer durablement les chantiers.

 

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