[Dossier Hors-site] # 16 - Construction hors site et protection de l'environnement font-elles bon ménage ?

Rédigé par

Sylvain Fourel

PDG

4428 Dernière modification le 23/10/2020 - 12:00
 [Dossier Hors-site] # 16 - Construction hors site et protection de l'environnement font-elles bon ménage ?

Isolation médiocre, systèmes de chauffage et de rafraîchissement énergivores, matériaux bas de gamme et très carbonés... la construction hors site, ou construction modulaire, souffre d'une image peu vertueuse en matière de respect de l'environnement, mais est-ce une fatalité ?

Longtemps destinée à des installations provisoires et aux cantonnements de chantier à bas coût, la construction modulaire s'est historiquement tournée vers des matériaux peu onéreux, largement disponibles et faciles à mettre en œuvre : structure acier, panneaux métalliques, isolation minimalistes en laines minérales ou mousse de polyuréthane, menuiseries coulissantes simple vitrage et sans rupteur de pont thermique... La construction modulaire a ainsi parfaitement répondu aux enjeux de coûts, de délais et de volumes attendus par le marché, au détriment de l’image qu’elle se forgeait dans l’inconscient collectif.
La faible isolation, couplée aux ponts thermiques créés par la structure métallique ne servaient ni le confort des usagers, ni les consommations d'énergies, mais l'aspect pratique de ces constructions bon marché, rapides à installer et à déplacer les ont vite rendues indispensables aux yeux de beaucoup, même si certains s'insurgeaient de leur aspect architectural monotone et répétitif…

  1. Une montée en gamme spectaculaire

crédit photo : A.N Delancourt

 

L'exigence croissante des clients a conduit à une montée en gamme très importante depuis les années 2010, avec l'ajout, souvent sur chantier, de façades isolées et architecturées, de doublages et cloisons en plaques de plâtre pour l'acoustique, de dalles béton collaborantes pour les bruits d'impact et les réglementations incendie. Le coût de ces gammes "premiums" s’approche de celui de la construction traditionnelle, mais ces solutions restent très attractives en conservant la plupart de leurs atouts initiaux. Seule la démontabilité, pénalisée par les dalles béton, les doublages intérieurs et extérieurs, s’en trouve fortement réduite.

 

 L'alternative du biosourcé

Les solutions basées sur une structure métallique ne sont plus seules aujourd’hui. D’autres matériaux comme le bois se sont avérés parfaitement adaptés à la construction hors site, et à la construction modulaire en particulier. Disponible en abondance dans les forêts françaises dont nous récoltons seulement 30 à 40 % de l’accroissement annuel, le bois est un matériau léger, isolant et résistant. Ses propriétés de résistance mécanique ne sont pas altérées par les très fortes températures en cas d’incendie, ce qui le rend très intéressant face à l’acier ou au béton pour les structures.

Limitant les ponts thermiques et support de tout type de finitions extérieures, le matériau bois permet de réaliser des bâtiments performants et architecturés sans avoir recours à des interventions lourdes sur chantier comme la réalisation de vêtures isolantes ou de chapes béton. Le chantier nécessite donc moins d’interventions et les modules conservent ainsi leur disposition à être déplacés facilement.

D’un point de vu réglementaire, les DTU traitant des murs, dalles et charpentes en bois permettent de justifier toutes dispositions aux contrôleurs techniques, ce qui garantit des instructions rapides et sans surprise. Un atout souligné dans le REX de l’Agence Qualité Construction réalisé en 2018.

Mais c’est en confort d’usage que le modulaire bois se distingue particulièrement. En particulier lorsqu’il est couplé avec l’emploi de matériaux d’isolation haut de gamme comme les biosourcés, le bâtiment modulaire en bois procure un effet « cocon » immédiatement ressenti et permettant de créer des espaces de vie particulièrement calmes et agréables. Si l’isolation phonique vis à vis des bruits extérieurs est déjà particulièrement bonne avec des parois bois standards, elle peut être facilement améliorée pour atteindre des performances exceptionnelles, allant jusqu’à plus de 50 dB de Dn,T,Ra ! Pas surprenant que la SNCF ait retenu cette solution pour installer 22 crèches en Ile de France, dont certaines à quelques mètres de voies de chemin de fer, ou que l’Aviation Civile forme ses contrôleurs aériens et aiguilleurs du ciel en bordure de piste de l’aéroport St- Exupery dans ce type de solution !

 Faciliter des opérations exemplaires

 Aéroport de Toulouse Blaignac - crédit photo : Sébastien Pierrard

 

Atout intéressant également, le modulaire bois s’adapte parfaitement à l’usage de matériaux d’isolation biosourcés comme la ouate de cellulose (journaux déchiquetés) et les panneaux de fibres végétales (bois, lin, chanvre, coton...). La structure bois permet donc d’optimiser les quantités de matériaux biosourcés mis en œuvre et ainsi de réduire considérablement la charge carbone des bâtiments. Un atout certain à l’approche de la future réglementation environnementale RE 2020 qui nécessitera de prendre en compte la charge carbone des bâtiments sur l’ensemble de leur cycle de vie.

Avantage supplémentaire en période de dérèglement climatique, ces bâtiments mobilisant des matériaux biosourcés fonctionnent comme des puits à carbone, en stockant littéralement du carbone pris à l’atmosphère durant la totalité de leur durée de vie ! Comment ? En retenant dans leur matériaux biosourcés le carbone absorbé par les arbres et végétaux lors de la photosynthèse qui leur a permis de se développer. Ainsi, on considère que chaque mètre carré construit avec ce type de solution est capable de retirer de l’atmosphère un ordre de grandeur de 100 kg de CO2 sur une durée de 50 ans, soit l’émission carbone de 1000 km réalisés avec un citadine ! Un aspect très vertueux de l’utilisation des biosourcés, dont la prise en compte dans la RE2020 est en discussion au niveau national.

Un marché en plein essor

Développé depuis 15 ans par certains acteurs précurseurs comme SELVEA (ex GECCO) ou BH (Groupe Bénéteau) qui ont construit des références partout en France, le marché du modulaire bois est aujourd’hui un marché mature et en plein essor, poussé par quelques acteurs majeurs comme Ossabois (Groupe GA) ou Arbonis (groupe VINCI).

La Ville puis la Métropole de Lyon ont d’ailleurs bien compris l’intérêt de ce type de construction en lançant avec succès dès 2017 les premiers marchés à bon de commande pour réaliser la création ou l’extension de bâtiments scolaires.

Concilier la rapidité du modulaire et la qualité d’un bâtiment traditionnel haut de gamme à un coût maîtrisé, la perspective mérite d’être examinée…  Surtout à l’approche de la RE 2020.

 

Article signé Sylvain Fourel, PDG de Selvea

https://www.selvea.com/ 

 

Consulter l'article précédent :  # 15 - Le bois dans le hors-site : quand modularité rime avec durabilité

 


           

Dossier soutenu par

Rector, Construction, Hors-Site

 

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 Crédit photo principale :  Architecte Pascale Deffayet

 

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