« Conserver, adapter, transmettre » : la réhabilitation mise à l’honneur au Pavillon de l’Arsenal

Rédigé par

Amandine Martinet - Construction21

Journaliste

4648 Dernière modification le 22/02/2023 - 11:43
« Conserver, adapter, transmettre » : la réhabilitation mise à l’honneur au Pavillon de l’Arsenal

 

Jusqu’au dimanche 5 mars 2023, l’exposition « Conserver, adapter, transmettre » met en avant 40 projets de transformations de l’existant livrés depuis 2020 dans la capitale. L’occasion d’engager une réflexion sur cette idée de privilégier la rénovation au neuf, toujours plus prégnante dans le secteur du BTP à l’aune des enjeux climatiques actuels. Eléments d’éclairage avec Alexandre Labasse, directeur général du Pavillon de l’Arsenal. 

Exposition « Conserver, adapter, transmettre »
Jusqu’au 5 mars 2023
Pavillon de l’Arsenal, 21 Bd Morland, 75004 Paris
Entrée libre du mardi au dimanche de 11h à 19h

Construire ou ne pas construire, telle est la question qui prend de l’ampleur dans le monde du bâtiment. À Paris, la réponse semble déjà avoir été trouvée au regard de la part grandissante de réhabilitations de l’existant dans le nombre total de projets menés chaque année. Cette tendance à transformer ce qui est, plutôt que faire du nouveau, fait même l’objet d’une exposition encore visible pendant une dizaine de jours au Pavillon de l’Arsenal, le « Centre d’information, de documentation et d’exposition d’urbanisme et d’architecture de Paris et de la métropole parisienne ». Nous avons rencontré le directeur général de l’établissement, Alexandre Labasse, pour obtenir plus d’informations sur cette présentation et les enjeux qu’elle soulève. 

 


 

C21 : Quelle est la genèse et l’objet de l’exposition « Conserver, adapter, transmettre » ?

Alexandre Labasse : L’idée de l’exposition est de rendre compte de ce qui est construit à Paris en ce moment, et essayer d’en comprendre le sens et la forme. Pour ce faire, nous avons proposé à la ville d’étudier tous les permis de construire déposés à la direction de l’urbanisme depuis 2020 (environ 1 200 chaque année). Assez rapidement, nous nous sommes rendu compte que 70% d’entre eux correspondaient à des transformations de bâtiments et non des constructions neuves. La réhabilitation – faire la ville sur la ville – représente donc aujourd’hui à la majeure partie du travail de l’architecte. 

Nous avons ensuite sélectionné 40 projets à exposer, selon plusieurs critères : 

  • Ceux revendiquant un intérêt particulier d’un point de vue climatique
  • Ceux offrant une accessibilité totale pour les usagers
  • Ceux étant le fruit d’une procédure particulière de dialogue avec les parties prenantes (habitants, élus, associations)
     

Qu’en est-il de l’aspect climatique sur les projets que vous avez retenus ?

AL : La transformation de l’existant n’est pas quelque chose de nouveau. Cela existe depuis le 15ème siècle ! Mais aujourd’hui, nous sentons que cet acte a pris une aspiration nouvelle, pour des questions écologiques.  

Un mètre carré neuf représente une émission d’environ 1,5 tonnes de CO2 en comptant la construction du bâti puis son utilisation pendant une cinquantaine d’années environ. Une réhabilitation est un acte climatique fort qui permet d’éviter cet impact environnemental : cela explique pourquoi on ne trouve presque plus de démolition-reconstruction aujourd’hui ! Maintenant, on rénove, et cela est valable pour tous types de bâtiments et tous types de programmes. D’ailleurs, les habitants eux-mêmes poussent à la transformation de l’existant. Les Parisiens ne veulent plus de tels chantiers près de chez eux. 
 

L’acte de rénover en lui-même a-t-il évolué ? 

AL : Nous avons changé notre façon de voir les choses. Avant, pour une réhabilitation, on utilisait généralement la technique du « façadisme » : tout casser de l’intérieur pour le rénover – en béton généralement –, en conservant uniquement l’enveloppe. Ce genre de projet n’existe plus, on privilégie des modes de déconstruction où l’on va réutiliser les matériaux, par exemple. 
 

Sentez-vous une prise de conscience généralisée du secteur sur les enjeux de décarbonation ?

AL : Les maîtres d’ouvrage notamment sont extrêmement sensibles à ces sujets. Les élus parisiens également : je pense au Pacte pour la construction parisienne qui interdit les démolitions sauf s’il est prouvé qu’elles ne peuvent être évitées. Cette sensibilisation est aussi le reflet d’une nouvelle génération d’architectes, porteurs des bonnes pratiques, que je vois venir ici régulièrement pour nous présenter leurs projets. C’est une révolution qui est en train de se produire, mais elle se fait progressivement, car de façon générale, le bâtiment n’est pas un secteur qui bouge très vite. 
 

Comment porter ces différents sujets à travers un musée ? 

AL : Au Pavillon de l’Arsenal, nous avons choisi dès 2014 de nous attaquer au sujet de la décarbonation avec l’exposition « Matière grise », portant sur le réemploi. C’était la première fois qu’une exposition était consacrée à ce sujet en France. En 2016, avec « Terres de Paris », nous nous sommes intéressés à l’utilisation de la terre crue francilienne pour faire la ville de demain. L’un des architectes travaillant sur le projet est aujourd’hui directeur d’une usine de matériaux en terre crue à Sevran, en Ile-de-France. 
 

Quelles sont les prochaines expositions prévues au Pavillon de l’Arsenal ?

AL : Deux grandes expositions sont programmées en 2023 : la première, « Paris animal », portant sur l’évolution du lien entre la faune et la construction de la ville. Nous évoquerons notamment les notions de porosité entre ces deux mondes et de protection de la biodiversité. A l’automne, nous nous intéresserons à la forme de l’énergie : tout le monde parle d’économies d’énergie, mais à quoi ressemble cette énergie ? Quelle emprise territoriale faut-il pour en produire, comment la transporter, la préserver ? C’est ce à quoi nous tenterons de répondre. 

 

 

> Un exemple de réhabilitation à Paris : le 2 – 20 boulevard de Rochechouart à Paris 18

Ce qui était une enseigne TATI bien connue dès les années 1960 va devenir en 2025 un ensemble comprenant 30 logements sociaux et familiaux, des bureaux, une résidence hôtelière, un lieu culturel et des commerces. Une transformation qui n’implique pas de détruire fatalement l’existant, puisque de nombreux éléments sont conservés, à l’image des façades côté boulevard Marguerite de Rochechouart ou encore l’immeuble d’angle au 1, rue Belhomme. Plutôt que de démolir, on remodèle : les combles de l’édifice seront par exemple rendus habitables. Comme on peut le lire dans l’exposition, « l’équipe de maîtrise d’œuvre a décidé de « faire la ville sur la ville » en s’inspirant du « déjà-là » pour le sublimer par une écriture sobre et respectueuse de l’environnement bâti ». 

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