[#Confinement] Ville humaine et bas carbone : la méthode Monique

Rédigé par

Clément Gaillard

Responsable Web Editorial

1979 Dernière modification le 29/04/2020 - 10:41
[#Confinement] Ville humaine et bas carbone : la méthode Monique

Avant que ne viennent les saints de glace, la période est propice au repiquage des plans de fraises.

C'est ce que dit l’Almanach Vermot et ce que je constate à l'heure d'aller chez Monique. Monique c'est notre épicière, celle qui connaît sur le bout des doigts les histoires familiales de notre gros bourg de 900 habitants.

Depuis deux semaines tout un chacun peut repartir de chez elle, qui avec de la Gariguette, qui avec de la Charlotte en fleur. Point de précipitation néanmoins, tout cela se fait sur commande auprès des pépinières Neils sises dans la ville proche. Coup de fil le mardi, livraison dans la semaine selon la tournée du patron. De confession d'épicière, elle n'avait plus vu un tel engouement pour sa boutique depuis les années 80. La faute en ces temps de confinement (ou plutôt grâce) à ces messieurs les policiers qui contrôlent avec zèle les deux seules routes d'accès à la grande ville.

Le bourg est ainsi devenu Le lieu de ralliement de tout un village. Même Janine, notre doyenne (Ninja pour les intimes depuis ses cabrioles sur un escabeau), n'a jamais vu autant de queue près de l'église. Les uns attendant patiemment leur tour à la boucherie, les autres, profitant des richesses des étals de l'épicerie. Ils y trouvent des yaourts de la région, des œufs de la ferme du coin et récupèrent leurs commandes de plantes ou de tout ce que Monique ne peut stocker en quantité (rappelons qu'elle n'a jamais été en rupture de papier toilette, ce qui est un bon indicateur de la sagesse locale).

Il en résulte des enfants déambulant dans les rues désertées par l'automobile, des voisins de tous âges en grande conversation, des jeunes (oui des jeunes gens et parents !) que l'on croyait absents à jamais du centre bourg et qui, en ces moments particuliers, se baladent et discutent avec tout le monde. Notre village revit et se redécouvre mutuellement. A bonne distance bien évidemment, le confinement n'y est pas un vain mot malgré les apparences.

En langage d'étudiant en urbanisme, le propre de la méthode Monique c'est de créer un tiers lieu avec l'aide de notre boucher et d'une rue rendue à tous. La méthode Monique c'est celle de la ville bas carbone et des infrastructures raisonnées, celle où on laisse sa voiture au garage pour un simple plant de fraise. La méthode Monique c'est celle d'une vie de village retrouvée grâce à nos amis policiers et un virus aux conséquences dramatiques. La méthode Monique c'est la certitude d'avoir cinq minutes de conversation réconfortante à tout heure de la semaine (sauf dimanche après-midi et lundi) que l'on soit un octogénaire luttant pour rester autonome ou un télétravailleur compulsif.


La méthode Monique, me rappelle furieusement la méthode Napoléon (pas le va-t’en guerre, l'épicier du village de mon enfance). Bref un héros de son temps qui inventaient la France d'avant. Pas celle de ma nostalgie, mais celle où les moyens étaient limités dans nos contrées et où le travail de la ferme s'accommodait difficilement du lèche-vitrine, fût-ce pour des fraises.

Reste à savoir si Monique et notre boucher vendront leurs fonds de commerce avant qu'ils ne partent en retraite à l'automne. Ainsi, peut-être, quelques bourgeons de la méthode Monique continueront à germer dans notre bourg.

S'il fallait trouver des limites, et non des moindre, à la méthode Monique, elles seraient sociétales : donner les moyens à ceux qui le peuvent de ne plus considérer leur espace immédiat de vie comme un simple dortoir et perpétuer le lien social. Télétravail, poids carbone des infrastructures, mobilités douces, circuits courts, revitalisation d'un centre bourg, lutte contre l'isolement des personnes sensibles, notre épicière est à la pointe des enjeux de la ville durable.

 

A l'heure de penser à demain, n'oubliez pas Monique. De la simplicité nait souvent la richesse.

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