[Entretien] Comment réduire l’impact carbone du bâtiment : le Cerema publie un Petit Essentiel à destination des collectivités

5211 Dernière modification le 29/06/2021 - 09:45
[Entretien] Comment réduire l’impact carbone du bâtiment : le Cerema publie un Petit Essentiel à destination des collectivités

La stratégie nationale bas carbone et la future RE2020 font de l’impact carbone un indicateur indispensable de l’évaluation de la performance des bâtiments, en neuf comme en rénovation. Ce nouvel indicateur implique ainsi des mutations dans la conception, le suivi de chantier et l’entretien des bâtiments. Or, les maîtres d’ouvrages n’ont pas forcément encore connaissance des leviers pour réaliser des opérations bas carbone. C’est pourquoi le Cerema a publié le guide « réduire l’impact carbone du bâtiment » à destination des collectivités. Entretien avec Louis Bourru, chef de projet en Qualité Environnementale des Bâtiments au Cerema et co-rédacteur du Petit Essentiel.

 

Comment réduire l'impact carbone dans le bâtiment, en neuf ou en réhabilitation ?

Louis Bourru : La stratégie nationale bas carbone (SNBC) a fixé des objectifs ambitieux à atteindre dans les prochaines années. Parmi eux, réduire d’ici 2030 de 49% les émissions de gaz à effet de serre liées aux consommations d’énergie des bâtiments par rapport à 2015. La question maintenant, c’est comment atteindre cet objectif dans le secteur du bâtiment.

La réduction des émissions carbone du secteur commence dès la phase conception d’un projet. Dans un premier temps, il faut choisir le type d’opération : construction neuve ou rénovation ? Chaque type de projet a ses propres enjeux bas carbone. En construction neuve, le point d’attention majeur est le choix des produits de construction et des équipements. Ces deux éléments constituent environ 70% de l’impact carbone du neuf. En rénovation, il faut surtout travailler sur la maîtrise des consommations énergétiques, en améliorant l’isolation, les systèmes énergétiques, etc., mais aussi conserver et réemployer le maximum de l’existant. La RE2020 met certes le neuf sur le devant de la scène, mais il ne faut pas oublier que ce renouvellement ne représente que 1% du parc français par an. La rénovation reste un levier très important dans la lutte contre les émissions carbone du bâti.

Afin d’être pleinement efficaces, les ambitions développées en phase conception doivent ensuite être tenues tout au long du projet : du déroulement du chantier jusqu’à l’entretien et la maintenance du bâtiment.

 

Concrètement, qu’est-ce que cela implique pour les porteurs de projet, notamment les maîtres d’ouvrage ?

Louis Bourru : Avec la SNBC et la RE2020, un nouvel indicateur émerge dans le secteur du bâtiment : le carbone. C’est un grand changement dans la conception des projets, il ne s’agit plus de travailler uniquement sur des indicateurs de performance énergétique comme c’était le cas avec les réglementations précédentes. L’indicateur carbone s’accompagne de la généralisation de l’analyse du cycle de vie (ACV), que les donneurs d’ordre doivent intégrer dans leurs projets. L’ACV est assez pratique pour regarder tous les impacts environnementaux. Elle prend en compte les émissions carbone du bâtiment mais également la réduction des déchets, la pollution, etc. Cela amène une autre manière de concevoir les bâtiments.

Au niveau du maître d’ouvrage, l’arrivée de l’indicateur carbone demande de bien s’organiser. Il faut avoir des équipes formées sur le bioclimatisme, l’analyse du cycle de vie, les matériaux bas carbone, etc. C’est donc important de bien choisir son maître d’œuvre et se faire accompagner d’un AMO au besoin. L’indicateur carbone demande également de revoir l’établissement du budget. Il faut intégrer le temps et les moyens financiers nécessaires au déroulement de nouvelles études, qui se rajoutent aux études thermiques. Si le maître d’ouvrage est un acteur public, le carbone doit devenir un critère phare pour évaluer les propositions lors de l’appel d’offre sur le marché public. Pour ce faire, les maîtres d’ouvrage peuvent notamment s’aider de la base INIES. En effet, elle contient des fiches de déclaration environnementales et sanitaires (FDES) et des profils environnementaux produits (PEP) qui détaillent l’ACV des produits de construction et des équipements.

 

Quel est l’impact de la construction et la rénovation bas carbone sur les différentes filières de matériaux ?

Louis Bourru : Le bas carbone va rebattre les cartes entre les différents matériaux utilisés. Dans le neuf, la RE2020 introduit l’ACV dynamique. Cette méthode de calcul donne plus d’importance aux émissions et stockage réalisés au début de la vie d’un bâtiment. Elle favorise ainsi les matériaux qui stockent du carbone, comme les biosourcés, les modes constructifs mixtes (dont bois/métal ou bois/béton) ou encore le réemploi. En rénovation, ce seront plutôt les matériaux et isolants qui réduisent le plus les consommations énergétiques qui seront privilégiés, ainsi que le réemploi des matériaux déjà présents sur place.

Au-delà du gros œuvre, le bas carbone aura également un impact fort sur les matériaux choisis pour le second œuvre. Revêtements de sols, murs, plafonds, etc., il y a beaucoup à faire sur cette partie afin de réduire les émissions de nos bâtiments. L’expérimentation E+C- a bien montré le rôle du second œuvre dans le bas carbone.

C’est pourquoi il est important de bien référencer tous les matériaux, notamment ceux qui ont de bonnes caractéristiques bas carbone. Par exemple, en incitant les fabricants à renseigner des FDES sur la base INIES, dont nous avons déjà parlé.

 

Le Cerema publie un Petit Essentiel « Réduire l’impact carbone du bâtiment ». Quel est l’objectif de ce document ?

Louis Bourru : Ce Petit Essentiel est à destination des maîtres d’ouvrages, des élus des collectivités, qu’elles soient petites ou grandes. Il s’inscrit dans la mission du Cerema d’accompagner ces acteurs dans leurs projets de construction ou de rénovation, dans l’aménagement de leur territoire.

Nous souhaitons, à travers ce document, faire prendre conscience des leviers et des bons réflexes pour réduire l’impact carbone des bâtiments. Il s’agit notamment d’expliciter de manière simple et pédagogique ce qu’est l’ACV. De plus, nous y présentons des leviers pour la réhabilitation, et pas uniquement la construction neuve. En effet, les collectivités ont bien souvent des besoins forts en réhabilitation mais ne savent pas toujours quelle démarche suivre afin de garantir la qualité et le bon déroulement des projets. Or, la réhabilitation permet d’améliorer considérablement l’impact carbone de l’existant. Il faut inciter les collectivités à travailler dessus et leur donner les clefs pour y arriver.

Bien entendu, n’importe quelle personne intéressée par le sujet peut consulter le document. Il n’est pas à l’usage exclusif des collectivités.

 

Qu’est-ce que les lecteurs pourront trouver à l’intérieur ?

Louis Bourru : Le Petit Essentiel « Réduire l’impact carbone du bâtiment », d’une dizaine de pages, se décline en 5 parties. Les lecteurs pourront ainsi y trouver :

  • Un rappel du contexte. Il s’agit d’expliquer pourquoi il faut réduire l’impact carbone du secteur du bâtiment et comment les normes intègrent de plus en plus ce critère.
  • Une mise au point sur les enjeux du bas carbone. Cette partie décrit la méthode ACV et son mode de calcul.
  • Les points de vigilance à chaque étape d’un projet. Le document présente pas à pas les points d’attention à observer, du choix du site où s’implanter à l’entretien et la maintenance des bâtiments, en passant par le choix des entreprises à solliciter.
  • Une boîte à outils de la performance environnementale qui résume les bons réflexes à avoir et invite à s’intéresser à des enjeux plus larges comme la mobilité bas carbone ou encore l’économie circulaire.
  • Des liens vers des ressources sur des sujets connexes pour aller plus loin.

 

Accéder au Petit Essentiel « Réduire l’impact carbone des bâtiments ».

 

Propos recueillis par Manon Salé, Construction21 - La rédaction

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