Cinq questions à Christophe Rodriguez : smart building et transition énergétique deux alliés naturels

Rédigé par

Christophe Rodriguez

Directeur Général Adjoint

4098 Dernière modification le 28/03/2019 - 11:00
Cinq questions à Christophe Rodriguez : smart building et transition énergétique deux alliés naturels

Dans le bâtiment, smart ne rime pas forcément avec durable. Pourtant transitions énergétique et numérique sont deux enjeux majeurs de notre époque. Est-il possible de les lier ? Christophe Rodriguez, Directeur Technique et Innovation chez Dalkia Smart Building, répond à cette question dans cet entretien.

 

1. Quelle est votre vision du smart building ?

Chez Dalkia Smart Building, nous considérons qu’un bâtiment moderne s'inscrit à la fois dans la transition énergétique et la transition numérique. L’intelligence d’un bâtiment est donc sa capacité à combiner ces deux enjeux majeurs.

Pour y arriver, un premier axe clé : un smart building doit avoir été conçu de sorte à être un producteur d’énergie tout autant qu’un consommateur. Il est en mesure de gérer et maximiser l'autoconsommation et l'autoproduction d’énergies renouvelables locales avec des outils de pilotage innovants. Le smart building est flexible, ce qui signifie qu’il est capable de maitriser les appels de puissance. Il s’efface quand cela est possible, afin d’optimiser les consommations thermiques et électriques en fonction de sa production et de ce qui est disponible à l’instant « t » sur les réseaux auxquels il est connecté. Dit autrement, il sait valoriser au mieux sa flexibilité et son stockage, tout en tirant le maximum de profit de sa capacité à combiner énergie électrique et thermique. Il est ce que l’on appelle « ready to grid », prêt à se connecter à des réseaux intelligents.

Le deuxième pilier d'un smart building est son inscription dans la transition numérique. Le bâtiment doit avoir été pensé afin qu’il soit extrêmement simple et facile pour les utilisateurs d'implémenter de nouveaux services numériques. Aussi, les infrastructures de communication sont ouvertes, interopérables et évolutives. Par exemple, si on souhaite implémenter un module de visualisation des taux d'occupation des salles de réunion. Lorsque le bâtiment a été pensé « ready to service », cela est très facile à faire à moindre coût. Sur le plan numérique, il y a ensuite la problématique de la cybersécurité et du respect de la RGPD. Nous nous inscrivons dans la transition numérique et nous facilitons l'accès à des services, et la sécurité et la protection des données doivent être adressés.

Enfin, c'est un bâtiment dans lequel il y a, dès la livraison, quelques services numériques de base. Cela permet aux utilisateurs de se faire une idée de ce qu'est le smart building numérique et les pousse éventuellement à évoluer vers des services plus avancés. Dans nos offres, nous proposons en base certains services comme le dashboard de visualisation des consommations d'énergies, la visualisation du confort et du bien-être avec une cartographie des étages en fonction de la température, de l'hygrométrie, du niveau d'éclairement, de la qualité d'air, etc., mais aussi une télécommande virtuelle sur smartphone qui permet de piloter localement le bâtiment : stores, matériel, chauffage ou ventilation.

 

2. Est-ce que le smart building est compatible avec la rénovation et à la portée de tous, notamment, des collectivités ?

Tout à fait, aujourd'hui nous travaillons sur un certain nombre de projets de rénovation. C'est une activité à part entière, rendue possible notamment grâce aux objets connectés. Sur une rénovation, la première étape consiste à créer une colonne vertébrale radio, dont la fonction est de permettre aux objets de communiquer. Celle-ci est multiprotocole et interopérable. Ainsi doté, le bâtiment est évolutif. Il devient alors extrêmement facile et peu coûteux pour l'utilisateur de déployer des objets connectés et des tableaux de bord de gestion.

Lors des rénovations, concilier transition numérique et énergétique est primordial. Que l’on soit dans le secteur privé ou celui des collectivités, l’un des enjeux forts est le coût. Aujourd'hui la transition énergétique nous donne un cap clair défini avec un certain nombre d'objectifs et de budgets alloués par l'Etat. Notre posture, chez Dalkia Smart Building, est la suivante : quand un donneur d’ordre fait une rénovation énergétique, le surcoût pour que le bâtiment soit smart est minime ramené au mètre carré, puisque les petites modifications liées au numérique s’intègrent facilement dans les gros travaux déjà planifiés. Pour une collectivité qui gère des écoles ou des lieux accueillant le public, les services supplémentaires, tels que le contrôle de la qualité de l’air ou du taux de CO2 sont alors les bienvenus.

 

3. Quand on parle de smart city, vient aussitôt la notion d'usage. Est-elle importante dans la conception d'un smart building ?

Au-delà des usages, je parlerais même des usagers. Un smart building va permettre énormément de choses. La première est l'accès à l'information. Dans ce type de bâtiment, il y a une vraie transparence sur les consommations, les utilisations, les occupations, sur le confort ou le bien-être. L'usager a donc accès à cette information, il a connaissance de ce qui se passe.

Cela soulève la problématique du coaching et de la responsabilisation. L'usager doit savoir qu'en fonction de son usage il va par exemple impacter les performances énergétiques du bâtiment. On peut le pousser, le coacher au travers des services numériques ou, tout simplement d’affichages traditionnels, pour qu’il adopte des écogestes ou qu’il se comporte de façon "vertueuse" afin que le bâtiment consomme moins. Le numérique nous donne un accès direct à l'utilisateur final, qui devient complètement acteur. L’usager n’est donc plus un facteur parmi tant d'autres, il devient un élément clé si l'on veut atteindre des objectifs ambitieux.

Par ailleurs, lorsque l'on développe un smart building, on comprend mieux comment sont occupés et utilisés les espaces et on est donc en mesure de mieux gérer, réguler ou piloter les installations. Je pense notamment à ce que l’on appelle les intermittences : quand une salle est vide, on peut couper la ventilation et le chauffage.

 

4. Pouvez-vous nous parler de quelques-unes de vos réalisations emblématiques ?

Le premier cas qui me vient à l'esprit est un projet sur lequel nous sommes en cours de réalisation. Il s’agit de la rénovation avec contrat de performance énergétique de 31 collèges dans les Hauts de Seine. Nous avons gagné l’appel d’offre en conjuguant transition énergétique et numérique. Nous étions à l’écoute d’une collectivité qui nous disait : « Mon enjeu, c'est la performance énergétique. Nous avons 31 collèges énergivores, donc proposez-moi des travaux qui vont permettre d'économiser de l'énergie. » Nous avons su les séduire en leur proposant notamment d'intégrer des infrastructures connectées et des tableaux de bord permettant d’avoir une visibilité sur les niveaux de confort et la qualité de l’air. Nous avons été force de proposition pour passer le cap de la transition numérique, tout en restant compétitif.

Le second exemple est un projet neuf à Nice, où l'on construit 20 000 m2 de bâtiment dont 10 000 de bureaux, le reste étant occupé par un hôtel quatre étoiles. Nous y avons proposé une approche globale énergétique et numérique avec garantie de charge dans la durée. C'est-à-dire que l'ensemble des coûts d'exploitation sont garantis. Ce projet sera connecté à un réseau thermique smart, constitué d’une boucle d'eau tempérée raccordée sur une station d'épuration. Le bâtiment va se connecter à ce réseau intelligent et s'adapter pour optimiser le coût de l'énergie. C’est l’illustration parfaite du smart building au cœur de la smart city.

 

5. Quelles sont les perspectives des smart buildings ?

Je pense que les bâtiments de demain auront tous un système d'exploitation. A l'instar d'un téléphone portable, il sera possible de télécharger des services faciles à mettre en œuvre. Aujourd'hui c'est quelque chose de très innovant, mais qui va devenir tout à fait standard. A l'heure actuelle on a toutes les pièces du puzzle, je n'identifie pas de fossé technologique pour aller vers cette réalité. Le seul enjeu est que le secteur du bâtiment n'est pas habitué à travailler de cette manière. On nous pose souvent la question de l’interopérabilité des systèmes, celle-ci n’est pas un problème. Dans plusieurs secteurs d’activités c’est déjà une époque révolue. Il faut donc aller vers une évolution majeure des pratiques de la profession, ne plus laisser cette partie informatique aux utilisateurs finaux, mais l’intégrer dès la conception des bâtiments.

Je vois par ailleurs de vrais avantages au numérique. La qualité de vie au travail notamment est une notion qui est importante pour le secteur tertiaire et le fait de pouvoir piloter finement un bâtiment ne comporte que des avantages. Au-delà des avantages d’usages, on se rend compte qu'un smart building a aussi une vraie valeur patrimoniale à l'heure actuelle, c’est confirmé par les gestionnaires avec qui nous travaillons, qui considèrent le côté smart comme un plus dans les actifs qu'ils possèdent.

 

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Propos recueillis par Clément Gaillard - Construction21


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