#12 - Bureaux d’étude et économie circulaire : de la nécessité de croiser les regards

Rédigé par

Fédération Cinov

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3780 Dernière modification le 20/11/2019 - 12:03
#12 - Bureaux d’étude et économie circulaire : de la nécessité de croiser les regards

Les réflexions et la prise en compte des enjeux de l’économie circulaire invitent à croiser les regards. Rencontre avec Jean-Claude Levy, géographe et historien, et Jean-Luc Reinero, ergonome : tous deux analysent le rôle et la place des bureaux d’étude (BET) dans l’appréhension de l’économie circulaire.

Dans quel contexte s’inscrivent aujourd’hui, pour les BET, les réflexions sur l’économie circulaire ?

Jean-Claude Levy : Pour envisager la place de l’économie circulaire pour le bâtiment et la construction, je pense qu’il faut privilégier une approche sur la longue durée et réfléchir aux évolutions de la production de l’espace urbain et au fonctionnement de notre économie de marché, à l’heure de l’épuisement des ressources. Dans ce contexte urbain, politique et économique qui a beaucoup évolué, il revient aux bureaux d’étude, à mon sens, non pas de résoudre des problèmes, mais d’être en capacité d’identifier les problèmes à résoudre, ce qui est beaucoup plus exigeant.

Jean-Luc Reinero : Je crois que les bureaux d’étude doivent s’inscrire aujourd’hui dans une approche systémique, globale et collective. C’est toute la chaîne de la vie d’un objet ou d’un produit qui doit être prise en compte, de la conception aux impacts environnementaux, en passant par les questions de gouvernance.

Quel est le rôle des BET dans cette économie circulaire ?

JCL : Dans le sillage de la planification urbaine, née au 20ème siècle, ils doivent prendre en charge l’animation de ce qu’on a appelé « l’intelligence stratégique ». Cependant, tandis que celle-ci n’avait pour seule mission, au siècle dernier, d’articuler les relations entre les acteurs – du marché, des institutions et de la R&D – elle est beaucoup plus exigeante aujourd’hui : les BET doivent intégrer les enjeux écologiques qui étaient négligés hier, qu’il s’agisse de l’air, de l’énergie, de la biodiversité ou du sol. Les problèmes se sont aujourd’hui déplacés, avec l’émergence de nouvelles dynamiques engendrées par les préoccupations environnementales et le développement du numérique.

JLR : C’est tout un éco-système, tout un territoire qui met en place l’économie circulaire, avec une grande diversité d’acteurs concernés. En cela, l’économie circulaire a une dimension politique, les réflexions qu’elle suscite interpellent la démocratie participative et la prise en compte de la vie de chacun. Elle révèle l’importance de la co-construction, et en même temps sa complexité ! C’est tout l’intérêt et toute la complexité du rôle des bureaux d’étude et de conseil.

Comment cela peut-il se traduire concrètement ?

JCL : Face aux nouvelles dynamiques que sont l’éco-conception, l’écologie industrielle et territoriale, l’économie de fonctionnalité ou encore l’efficacité des ressources, les bureaux d’étude doivent par exemple se préoccuper de la réutilisation des matériaux de toute sorte et des matières organiques, dans une démarche d’éco conception, mais aussi se poser des questions sur la capacité d’adaptation des productions au territoire. La notion de territoire est fondamentale, car il n’y a pas d’écologie hors-sol.  Tant concernant l’extraction des stocks que la circulation des flux et des ressources naturelles, la question du foncier est alors déterminante, non seulement pour prendre en considération la biodiversité, mais aussi pour l’appréciation in situ des chaînes de valeur. Valeur d’usage, valeur marchande : la valeur et la rente foncière sont constitutives de toutes les autres. Cela oblige à aller regarder précisément ce qui se passe sur le terrain. Avec l’économie circulaire, il s’agit donc d’adapter les dynamiques créatives à une demande et à un territoire, ce qui impose aux bureaux d’étude une réelle capacité d’adaptation.

JLR : La vision globale à laquelle je faisais référence se traduit, dans le domaine de la construction, à différentes échelles : elle suppose de réfléchir à la vie d’un quartier et aux évolutions urbaines à venir, mais aussi au cycle de vie d’un bâtiment et au recyclage des matériaux utilisés, à l’évolutivité des systèmes constructifs ou encore aux évolutions des modes de vie et à l’adaptabilité des bâtiments aux usages présents et futurs.

Avez-vous quelques exemples ?

JLR : On observe, par exemple, de plus en plus de turn-over sur la destination des usages des bâtiments, ce qui incite à mieux anticiper les concepts constructifs mis en œuvre, pour garantir l’évolutivité des structures et des réseaux et par conséquent la transformabilité des bâtiments. In fine, c’est aussi un moyen pour limiter le coût des modifications ultérieures qui pourraient être nécessaires. Au-delà de la question du recyclage des matériaux, il s’agit aussi tout simplement d’économie. L’étude que nous menons au sein du Think Tank CINOVACTION sur l’évolution des modes de vie et l’adaptabilité des logements aux usages s’inscrit dans cette démarche : le logement doit pouvoir évoluer en fonction de toute une chaîne d’usages qu’il convient étudier. C’est passionnant !

 

Jean-Luc Reinero, dirigeant de Rainbow ergonomie, Vice-Président CINOV en charge des régions, membres de la Commission Développement Durable de CINOV
 

Jean-Claude Lévy, expert de l'Institut national de l'économie  circulaire (INEC), géographe et historien

 

Consulter l'article précédent : #11 - L’économie circulaire côté assurance


           

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