Bâtiments tertiaires : décryptage de la RE2020

Rédigé par

La rédaction C21

16104 Dernière modification le 18/11/2022 - 00:00
Bâtiments tertiaires : décryptage de la RE2020


Avec la RE2020, la conception bioclimatique des bâtiments tertiaires de bureaux et d’enseignement scolaire devient fondamentale par rapport à la précédente réglementation. Entre ventilation, chauffage et éclairage, de subtils équilibres sont à trouver pour répondre aux critères du « Bbio ». Côté matériaux, la réglementation pousse vers des matériaux très faiblement carbonés, notamment tant que les lots techniques ne disposent pas de fiches PEP. Pour en savoir plus, Rodrigue Leclech, Responsable Pole Construction chez Pouget Consultants répond à nos questions. Entretien. 

La réglementation RE2020 s’applique-elle à l’ensemble des bâtiments tertiaires ?

Depuis le 1er juillet 2022, uniquement les bâtiments de bureaux et les bâtiments d’enseignements primaires et secondaires sont concernés. Pour les autres bâtiments tertiaires, c’est-à-dire, tous les ERP (établissements recevant du public) de type crèches, commerces, restauration, gymnases, etc., il faudra attendre le troisième volet de la RE2020. Son entrée en vigueur est attendue pour le 1er janvier 2024. 

La méthode est la même que pour le résidentiel et le tertiaire de bureaux et scolaire : un groupe de travail, dit « GT modélisateur » travaille actuellement à faire des simulations qui serviront ensuite à élaborer les seuils à respecter. Ses travaux vont durer jusqu’en 2023, jusqu’à ce qu’une concertation de la DHUP soit présentée aux acteurs qui travaillent sur ces autres bâtiments tertiaires.

Les exigences de la RE2020 sont-elles identiques à celle du résidentiel ? 

Le calcul de l’indicateur « IC Construction » qui mesure l’impact carbone des matériaux de construction est à peu près le même que pour le résidentiel. Ce qui change, ce sont seulement les modulations qui viennent adapter les seuils aux contraintes du projet, comme par exemple les contraintes géographiques. En effet, un bâtiment ne consomme pas de la même façon à Marseille ou à Lille. 

Pour les bureaux, une modulation supplémentaire, qui n’existait pas pour le résidentiel, a été prévue pour donner un droit supplémentaire à émettre lorsque des panneaux photovoltaïques sont installés sur le toit. C’est en partie une réponse à la loi « Climat et résilience » qui impose que 30 % de la toiture soit couverte de panneaux photovoltaïques ou végétalisée quand on construit un bâtiment tertiaire de plus de 1 000 m² (bureaux, entrepôts, commerces et autres).

Cette modulation a donc été prévue pour que la RE2020 ne soit pas en contradiction avec cette obligation. Sans forcément être incitative, elle ne bloque pas ceux qui souhaitent installer des panneaux photovoltaïques en toiture. En bureaux, l’autoconsommation produite par ces panneaux photovoltaïques est tout à fait pertinente lorsqu’il s’agit par exemple de produire in-situ l’énergie utilisée pour la climatisation. En effet les besoins en climatisation sont souvent liés à des conditions météo favorables à la production photovoltaïque. 

Qu’en est-il de la conception bioclimatique du bâtiment ?

L’indicateur « Bbio » mesure la bonne conception bioclimatique du bâtiment, en se basant sur les besoins de chauffage, d’éclairage et de climatisation du bâtiment. 
Et vu les nouvelles exigences associées à cet indicateur, en forte hausse par rapport à la RT2012, il devient capital. En effet, tandis que son niveau était auparavant assez laxiste, avec la RE2020 les niveaux sont élevés. Auparavant, on pouvait se permettre d’avoir un bâtiment assez éclaté ou une conception architecturale mal orientée, et ensuite corriger en mettant plus d’isolant ou en traitant un point particulier pour respecter la réglementation. 

Là ce n’est plus possible, dès les premiers traits de l’architecte, le bureau d’étude doit être vigilant au dessin architectural. Le calcul à postériori ne fonctionnera plus. Les solutions à mettre œuvre pour compenser une conception qui aurait négligé la performance bioclimatique impliqueront un surcoût pouvant compromettre le bilan économique de l’opération. Il est nécessaire que BET et architectes travaillent de concert !  

Quel est le bon équilibre à trouver pour répondre au « Bbio » ?

Cet indicateur repose sur un triptyque très fin à calibrer. Il suppose de trouver un délicat équilibre entre les besoins d’éclairage, de chauffage et de climatisation. Car généralement, lorsqu’on agit sur la partie chauffage on risque de dégrader la partie climatisation. Si j’oriente mon bâtiment vers le sud, il maximise les apports solaires en hiver, mais cela augmente les besoins en climatisation l’été. Et si on met plus de vitres pour améliorer l’éclairage, cela peut aussi augmenter les besoins en climatisation et en chauffage !

Selon moi, le « Bbio » représente une des complexités majeures de cette RE2020 dans le tertiaire. Dès le début du projet, il impose de s’interroger sur la façade, l’orientation du bâtiment, le taux de surface vitrée, les occultations etc. Tout doit être précis, et c’est pour cela que les bureaux d’études et les maîtres d’ouvrage doivent accompagner l’architecte dès la phase de conception du projet. 

Enfin, il est important de préciser que si en résidentiel, la chaleur - c’est-à-dire le chauffage et l’eau chaude sanitaire - représente 80% des consommations, dans le tertiaire, il n’y a quasiment pas d’eau chaude sanitaire. Le chauffage, lui, ne représente qu’environ 20% des consommations. On se retrouve donc avec des postes très différents du résidentiel. L’éclairage a un impact bien plus important que le chauffage, tout comme la ventilation et vont ainsi avoir un impact bien plus fort sur un indicateur comme le « Bbio ». 

Quid du confort d’été ? S’applique-t-il également aux bâtiments tertiaires ?

Il n’y a pas de révolution à ce niveau-là, les niveaux ne sont pas encore trop exigeants. On peut juste préciser que les calculs sont assez complexes, plus que sous la RT2012. Il faut donc être plus précis avec les données d’entrée. Il y a certaines données que l’on saisissait par défaut sous la RT2012 qui ont un impact important sous la RE2020. Il faut dorénavant être précis dès la phase de conception, sur la part d’ouvrants par exemple, en détaillant le taux d’ouverture exact. 

Les seuils fixés par la RE2020 pour 2022 sont-ils globalement facilement accessibles ? 

Un peu comme pour le résidentiel, on constate que les niveaux 2022 de la RE2020 sont plutôt atteignables sur l’ensemble des indicateurs. En bureaux, on utilise beaucoup les façades rideaux métalliques, souvent très vitrées. Il faut voir comment cela va évoluer, car si le bâtiment est trop vitré, cela va impacter défavorablement l’indicateur « Bbio » sur son volet climatisation. Même chose, sur la partie chauffage du « Bbio » si le bâtiment est peu performant d’un point de vue thermique. Entre 2022 et 2025, l’indicateur « Bbio » sera déterminant pour respecter la réglementation. 

Et pour 2025 et 2028 ?

Pour 2025, le seuil de « IC Construction » baisse de 17%, ce qui fait qu’il va devenir assez contraignant et dur à respecter. Il faudra vraiment choisir des matériaux qui ont des fiches FDES, pas simplement des données par défaut (DED), les valeurs données par le CSTB quand les industriels n’ont pas fait de fiches FDES. 

Une des difficultés principales en bureaux concerne les lots techniques (chauffage, ventilation, éclairage, courants forts et faibles). Des valeurs forfaitaires, volontairement élevées, sont disponibles afin de faciliter le calcul complexe des quantités et parce que nous manquons à ce jour de Profils Environnementales Produits (PEP – l’équivalant des FDES pour les lots techniques). 

Pour 2022, les lots techniques représentent 40% du poids carbone du bâtiment. Vu que le seuil carbone va baisser, en 2025 ces lots techniques vont représenter 50% du bilan. C’est-à-dire qu’on ne pourra finalement agir que sur les 50% liés à la conception architecturale et aux matériaux mis en œuvre sur les autres lots. Cela complexifie le respect de la RE2020 pour 2025 et encore plus pour 2028, puisque le seuil baissant encore, les lots techniques pèseront jusqu’à 60% du poids carbone du bâtiment. 

Nous sommes donc en attente de données environnementales des industriels sur les lots techniques, mais également d’outils de mesure de la part des fédérations ou des industriels pour évaluer la quantité de produits installés. Cela sera indispensable pour aller chercher les seuils de 2025 ou de 2028. 

On constate malgré tout qu’actuellement nous arrivons à respecter les seuils de 2025 malgré les valeurs forfaitaires sur les lots techniques, mais cela suppose de construire avec des matériaux bas carbone tel que le bois. Si nous avions des données plus précises sur les lots techniques, nous pourrions envisager une plus grande diversité de matériaux. 

Les bâtiments tertiaires en bois vont devenir majoritaires ? 

Sur des grands projets, de plus de 5 000 m², les acteurs ont généralement les moyens de construire en bois et donc de choisir cette option. Mais ce qui m’inquiète plutôt, ce sont les petits bureaux qui ont moins de moyens. C’est sans doute pour eux que le respect de la RE2020 va être plus compliqué. Car, si techniquement il est plus simple de construire en bois sur des bâtiments de plus petite taille, le coût engendré ne sera pas forcément accessible pour tous. 

Que se passe-t-il lorsqu’un bâtiment est à la fois résidentiel et tertiaire ? 

Les bâtiments mixtes sont complexes à traiter. Au sein d’un même bâtiment, on peut effectivement trouver à la fois des bureaux, des logements et du commerce. Ces bâtiments sont alors soumis à deux réglementations différentes, celle sur le résidentiel et celle sur le tertiaire. 

Prenons l’exemple de commerces en pied d’immeuble résidentiel. Souvent livrés bruts, il est assez facile de les sortir du calcul du point de vue thermique. Là où cela devient un peu plus complexe, c’est d’un point de vue carbone. Comment prendre compte les matériaux ou une poutre qui sont dans le commerce et qui tiennent le bâtiment d’au-dessus ? Pour essayer de répondre à ce genre de problématique la DHUP a mis en place un groupe de travail, le « GT suivi » qui est là pour répondre aux interrogations des applicateurs de la réglementation. 

Sur le site RT bâtiment, on peut poser d’ailleurs poser ses questions à ce sujet. Lorsqu’elles sont redondantes, le GT suivi travaille sur des fiches d’application pour préciser la bonne façon de faire. Sur le site RT bâtiment, vous trouverez de nombreuses fiches d’application en lien avec la RT 2012. Pour la RE2020, elles devraient être publiées prochainement. 

Un article rédigé par Grégoire Brethomé - Construction21

 

Partager :