Du diagnostic territorial à la simulation du comportement des projets de végétalisation et de leur impact sur les ICU

Rédigé par

Eric LARREY

Directeur de l'innovation

5057 Dernière modification le 12/09/2022 - 09:31
Du diagnostic territorial à la simulation du comportement des projets de végétalisation et de leur impact sur les ICU

Travailler à la résilience d’un territoire face au réchauffement climatique est un enjeu de taille, ainsi qu'un process long et complexe. L’une des complexités réside dans la nécessité de travailler à plusieurs échelles : le territoire, la ville, le quartier. Nous présentons ici un exemple de démarche partant d'un diagnostic à l’échelle d’un département pour aboutir à la simulation de l’impact d’un projet de verdissement sur un quartier d'une ville.

Le département

Le choix du département du Nord n’a pas été fait au hasard. Le fait que j’en suis originaire n’a guère pesé dans la balance, c’est surtout que ce département, le plus septentrional de l’Hexagone, n’est pas réputé pour être un lieu chaud et sec. Et pourtant !

La comparaison de ces deux cartographies du stress hydrique en 2021 et 2022 montre assez clairement que le département du Nord a autant souffert que tout autre de la sécheresse.

Le département du Nord présente, par ailleurs, la deuxième densité d’habitants au km2 après le Rhône (en dehors de l’Île de France). Les zones de forte densité urbaine sont indissociables de minéralité, dont on connaît l’effet néfaste sur les îlots de chaleur urbains et la capacité d’infiltration des eaux pluviales.

La ville de Lille a ainsi été classée en 3e position des villes les plus sensibles aux effets d’îlot de chaleur urbain.

À l’échelle urbaine

À l’échelle de la ville, nous avons retenu trois sites distincts : Dunkerque (87 000 habitants, 1965 hab/km2), ville portuaire et industrielle, Valenciennes (43 000 habitants, 3130 hab/km2) et Lille (235 000 habitants, 6732 hab/km2).

Le diagnostic de la sensibilité à la sécheresse, vue ci-dessus à l’échelle du département, est tout aussi parlant à l’échelle des villes :

 

Si nous insistons sur cet aspect, c’est que le stress hydrique des végétaux diminue fortement leur capacité de rafraîchissement, augmentant de manière significative l’inconfort thermique des usagers. La prise en compte du stress hydrique dans les simulations thermiques est donc essentielle pour prédire correctement la localisation et l’intensité des îlots de chaleur urbains.

Parmi les structures végétales les plus performantes, les arbres occupent une place privilégiée. Aussi est-il nécessaire de détecter la canopée le plus finement possible. Cette identification (étendue, qualité et stress hydrique) est réalisée en traitant des données satellites. Les figures suivantes présentent une vue de la canopée à Valenciennes et une vue plus rapprochée d’une partie du centre de Lille.

Ces images montrent différentes natures de canopée, plus ou moins denses et hautes. En procédant de même pour les autres structures végétales, il est ensuite possible de produire des cartographies identifiant précisément les ICU et les IFU du site, en fonction des données climatiques du moment.

Dans un premier temps, nous utiliserons lindice ICTU pour la ville de Dunkerque. Il s'agit ici de déterminer les espaces structurellement responsables des ICU : densité de bâti, de sol minéral, présence du végétal et sa santé, présence de canopée.

Les très vastes étendues minérales du port et des zones industrielles expliquent cette configuration particulière.

Nous avons ensuite fait le choix d’utiliser la température ressentie par les usagers, ici au plus fort de l’apport solaire, soit à 14h (midi au soleil), en prenant en compte notamment l’ombrage du bâti. Cette représentation, à une heure donnée de la journée, fournit une autre vision que celle fournie par l’ICTU. Nous présentons ci-après les cartographies de Valenciennes et Lille.

L'accès à la végétation est un autre paramètre essentiel à prendre en compte pour conduire une stratégie de verdissement. C'et ce que nous visualisons au travers de l'intégration végétale à 300m en ce cas.

À l’échelle urbaine, nous disposons alors d'une bonne description des zones problématiques. Celles-ci peuvent alors être croisées avec les données de sensibilité du territoire (données socio-économiques, nature des sols, activités commerciales, mobilité) pour aider à l'élaboration de la stratégie de végétalisation.

L’impact d’un projet d’aménagement : aide à la décision

Sans grande surprise, les cœurs urbains présentent un assez grand nombre de sites sensibles. Imaginons désormais que l’un d’eux ait été retenu afin de réaliser une opération d’aménagement. Précisons tout de suite que le cas n’est présenté qu’à titre d’illustration et ne représente aucun projet réel de la ville !

Le site choisi pour l'illustration est celui de la place Sébastopol à Lille, que nous voyons ici dans son environnement proche,

et dans l’estimation de son ambiance thermique, sur la base d'une absence de stress hydrique, associée à un aménagement "imaginaire" comprenant la création d’un bâtiment, une désimperméabilisation partielle et une plantation d’arbres de tailles et de types différents.

 La simulation permet alors de se projeter dans différentes configurations

  • Les conditions de stress hydrique 2021
  • Les conditions de stress hydrique 2022
  • La projection à 3 ans, avec la croissance des houppiers

Comportement des essences, croissance végétale, stress hydrique… changement de revêtement de sol, autant de paramètres sur lesquels jouer pour affiner le comportement à terme et l’influence de l’aménagement sur l’ambiance thermique usager.

Le chemin qui vient d’être réalisé de la plus grande échelle à la plus petite, peut être parcouru en sens inverse. Toute nouvelle implantation végétale vient en effet modifier l’intégration végétale, la trame verte …

L’interdépendance des phénomènes et des échelles nous paraît nécessaire pour appréhender au mieux les projets d’aménagement, de désimperméabilisation et de revégétalisation, tant en phase programmatique qu’en phase d’étude.

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