[Dossier santé] # 18 - Lutter contre le radon : une approche au cas par cas ?

Rédigé par

Christophe RIBETTE

3488 Dernière modification le 10/12/2020 - 14:00
[Dossier santé] # 18 - Lutter contre le radon : une approche au cas par cas ?

Le radon est gaz radioactif d’origine naturelle, qui émane du sous-sol et peut, dans certaines circonstances, se concentrer dans les bâtiments. Environ 3000 personnes décèdent chaque année en France des suites de cancer du poumon lié à cette exposition. Depuis une dizaine d’années, le Cerema s’est constitué une expertise dans la remédiation bâtimentaire sur le radon, qui lui permet aujourd’hui de mettre au service de maîtres d’ouvrages et de professionnels souhaitant investir le sujet une compétence solide.

Parmi les différentes attentes sociétales à l’égard des bâtiments, la qualité de l’air intérieur est un paramètre dont l’impact sur le confort perçu et la santé des occupants est reconnu[1]. Le sujet est d’ailleurs particulièrement d’actualité en cette période de crise sanitaire, qui a suscité de nombreuses interrogations quant à la QAI sous le prisme du risque infectieux et qui vient interroger notre représentation des bâtiments comme « refuges ». La qualité de l’air intérieur s’apprécie au regard de nombreux critères et des connaissances, toujours en évolution, sur les multiples polluants nocifs pour notre santé[2]. Parmi ceux-ci, le radon, deuxième cause de cancer du poumon en France est un enjeu de santé publique majeur. La remédiation dans les bâtiments où il s’accumule nécessite des compétences pointues - quoique transversales en ce qu’elles recouvrent plusieurs thématiques du bâtiment (perméabilité à l’air, renouvellement d’air, ventilation, etc.).

L’expertise bâtimentaire-comment remédier à l’accumulation de radon ?

La mission d’expertise radon dans un bâtiment (selon l’arrêté du 26 février 2019 relatif à la gestion du radon dans certains Établissements Recevant du Public) menée au Cerema, consiste à identifier les causes de son accumulation, puis à proposer des pistes de remédiation au regard de ces constats.

Ces travaux peuvent se répartir en trois grandes familles, souvent complémentaires :

1- étanchéifier l’interface sol/bâtiment, c’est-à-dire les surfaces du bâtiment en contact avec le sol (murs enterrés, sols, etc.) pour limiter les points d’entrée du radon.

Tous les percements, fissures, les pourtours et intérieur des gaines, canalisations, trappes, portes d’accès au sous-sol, etc. devront être traités. Des travaux de plus grande envergure peuvent être mis en œuvre tels que la dépose d’un sol en terre-battue ou l’étanchéification d’un mur enterré.

2- augmenter le renouvellement de l’air de la zone occupée dans le but de diluer et d’extraire les polluants de l’air intérieur - dont le radon.

Cette technique passe par l’installation d’un système de ventilation mécanique conformément aux règles de l’art, et répondant a minima aux exigences de la réglementation en vigueur en termes de débits d’air. L’équilibre entre le débit d’air entrant et celui d’air extrait est nécessaire pour ne pas mettre le bâtiment en dépression, ce qui favoriserait l’ « aspiration » du radon. Régler les débits d’air pour obtenir une légère surpression dans les locaux serait même idéal pour prévenir la pénétration de radon. Les systèmes de ventilation doivent être entretenus pour garantir leur bon fonctionnement.

3- traiter le soubassement dans le but d’extraire le radon avant qu’il ne pénètre la zone occupée.

Différentes techniques existent et reposent sur l’augmentation de la ventilation du soubassement et/ou sur l’installation d’un système de dépressurisation des sols (SDS). Ces techniques doivent nécessairement intervenir après des travaux d’étanchéification de l’interface sol/bâtiment.

Ces types de travaux doivent être proportionnés aux taux mesurés, et adaptés aux spécificités de chaque bâtiment (selon ses dispositions constructives, ses équipements, les modalités d’usage, l’environnement direct, etc).

Une remédiation radon efficace au musée de Bibracte

En 2015, suite à l’obtention de résultats de mesures de dépistage radon révélant des concentrations supérieures au seuil de 1000Bq/m³, le gestionnaire du centre de recherche archéologique de Bibracte (Glux-en-Glenne, Nièvre) a sollicité le Cerema[i] et le CSTB[ii] pour mener une expertise technique. Le bâtiment concerné, d’une surface de 1500 m², a été construit en 1995 sur 3 niveaux, dont les deux supérieurs accueillent les expositions. Il repose sur un sous-sol et un vide-sanitaire en partie enterrés. Sur la base du travail mené par les deux organismes publics de référence sur le sujet radon et de leurs conseils, le gestionnaire a fait mener différents travaux :

  • des travaux d’étanchement dans le vide-sanitaire, et à l’interface entre le sous-sol et le musée ;
  • l’installation d’un système de ventilation mécanique par insufflation (VMI) dans le vide sanitaire, avec prise d’air en extérieur ;

Au-delà de l’amélioration du renouvellement de l’air intérieur, attendu de tout système de ventilation, ce type de dispositif a permis la mise en surpression les locaux techniques du vide-sanitaire. L’installation de ce système, réalisée par un artisan, a coûté 6800 €TTC.

  • la réalisation d’un Système de Dépressurisation des Sols (SDS) sous membrane dans le vide sanitaire.

Ce système, reposant sur la création de points d’aspiration du radon (ou puisards à radon), recouverts d’une membrane d’étanchéité posée sur la terre battue du vide sanitaire, permet d’aspirer le radon affleurant du sous-sol (en l’occurrence du remblai) avant qu’il ne pénètre dans le vide-sanitaire, pour le rejeter à l’extérieur du bâtiment. Pour assurer la performance du système, des précautions ont été prises comme l’étanchement de la surface de fixation de la membrane sur les fondations du bâtiment, ou encore le placement des bouches de rejet de l’air vicié à l’extérieur du bâtiment, à distance des ouvrants ou amenées d’air. Le matériel utilisé pour le SDS a coûté 15 000€ TTC. Les travaux ont été réalisés par les services techniques du site, il n’y a donc pas de coût de main d’œuvre dans ce montant.

Ces travaux se sont avérés particulièrement efficaces puisqu’un dépistage réalisé durant l’hiver 2019 a montré une amélioration de 80 % des résultats dans le sous-sol et une amélioration de 85 % des résultats au niveau du rez-de-chaussée.

Remédiation radon dans l’habitat – des situations et solutions sur mesure

Lorsque des campagnes de sensibilisation au risque radon pour le grand public - avec mesurage radon chez les particuliers - sont menées par les politiques publiques locales, le Cerema peut être sollicité pour apporter son expertise technique et opérationnelle dans les logements où des taux importants de radon sont identifiés. Le retour d’expérience ainsi capitalisé sur l’efficacité des techniques de remédiation alimente la connaissance du sujet au niveau national, sous forme de rapport remis par le Cerema aux ministères en charge de cette thématique. Ces situations font émerger d’autre part les difficultés dans la gestion concrète des travaux de remédiation, comme le manque de professionnels formés sur le sujet ou l’absence d’aides financières dédiées. Les types de travaux de remédiation restent les mêmes que ceux présentés dans le cadre des ERP (cf ci-dessus), mais les moyens alloués dans le résidentiel, directement dépendants des ressources financières des particuliers, sont souvent encore plus contraignants.

Retour d’expérience de travaux simples préconisés et réalisés dans des maisons individuelles (MI) / efficacité observée sur trois exemples :

  • MI1 mesure initiale de radon = 1880 Bq/m3

Les préconisations de travaux portent sur l’étanchement de tous les passages de réseaux, l’installation d’une VMC (avec création d’entrée d’air dans les pièces de vie et détalonnage des portes) et l’augmentation du renouvellement d’air de la cave et du garage par une extraction mécanique installée sur les vasistas existants.

Réalisation des travaux par le particulier : 200 € environ

Contre-mesure l’hiver suivant : 306 Bq/m3

 

Différents passages de réseaux non étanches

  • MI2  mesure initiale de radon = 2787 Bq/m3

Le Cerema a recommandé l’étanchement de la porte de la cave qui donnait dans la maison, l’étanchement des passages de réseaux, ainsi que l’amélioration du renouvellement d’air de la cave en ouvrant les soupiraux existants.

Réalisation des travaux par le particulier : 150 € environ

Contre-mesure l’hiver suivant : 468 Bq/m3

  • MI 3 - mesure initiale de radon : 3783 Bq/m3

Lors de son intervention, le Cerema a constaté un très bon état général de la maison (plancher et ventilation). La maison étant de plein pied sans vide sanitaire, le conseil a été de mettre en place un système de dépressurisation des sols (SDS). Le coût de cette installation étant relativement élevé (2700 €), le particulier a fait réaliser une aération passive du sous-sol (sans ventilateur).

Contre-mesure l’hiver suivant : 849 Bq/m3

Le particulier envisage désormais l’installation de ventilateur pour diminuer davantage le taux de radon dans la maison, ce qui illustre le caractère itératif de la démarche remédiation radon. Seule la mesure peut attester de l’efficacité des travaux.

Fort d’une expertise technique éprouvée par des expertises menées dans tous types de bâtiments, le Cerema contribue à l’amélioration de la prise en compte du radon dans les bâtiments à la fois en accompagnant les différents acteurs, publics et privés sur le sujet, mais également par la formation et la transmission de ses compétences.

 

 

[1]L’étude Nudg’air menée par l’Ademe (mai 2018), l’illustre bien puisque l’air y est décrit comme un déterminant central d’expérience de bien-être au foyer.

[2]Cf définition de pollution de l’air par le Conseil de l’Europe en 1968 : « la présence d’une substance étrangère ou une variation importante dans la proportion de ses composants et susceptible de provoquer un effet nocif, compte tenu des connaissances scientifiques du moment, ou de créer ou une nuisance ou une gêne. »

 

[i]Cerema : Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement

[ii]CSTB : Centre Scientifique et Technique du Bâtiment

 

Article signé Mmes Catherine NAULEAU, Marie-Laure RIBETTE, Ambre ERRARD, Cerema

Relecture : Cécile CAUDRON.

 

 Consulter l'article précédent : #17 - « RADON : gérer le risque pour la construction et la rénovation de logements »

 


           

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Crédit photo : Bibracte - Antoine Maillier

 

 

 

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