[Dossier RE2020] #9 Communauté E+C- en Auvergne-Rhône-Alpes pour faire vivre le retour d’expériences

Rédigé par

Claire Vilasi

Chargée de missions

3186 Dernière modification le 19/06/2020 - 12:00
[Dossier RE2020] #9 Communauté E+C- en Auvergne-Rhône-Alpes pour faire vivre le retour d’expériences

Ville et Aménagement Durable rassemble depuis 2017 l’ensemble des acteurs de l’acte de bâtir autour d’une réflexion de fond sur l’expérimentation E+C- et la future réglementation environnementale 2020 (RE2020). Des échanges riches, qui témoignent de la nécessité de donner du sens et un cap clair à cette nouvelle étape. 

L’expertise d’un réseau au service de l’expérimentation E+C-

Dans la lignée de l’Accord de Paris, la France a engagé dès 2016 la filière du bâtiment vers une ambition visant à produire des bâtiments à énergie positive et faible empreinte carbone au travers d’une démarche collective et partagée. Ainsi, pour élaborer la future réglementation environnementale des bâtiments neufs, une phase de travaux techniques préparatoires ainsi qu’une phase de concertation ont été mises en place. Fort de ce dispositif, Ville et Aménagement Durable - qui mobilise un réseau de plus de 2000 professionnels en Auvergne-Rhône-Alpes pour faire évoluer les standards et innover collectivement autour des enjeux du bâtiment et de l’aménagement durables - a souhaité dès 2017 participer à l’expérimentation E+C- pour apporter son expérience au service de la démarche.

Un temps d’avance, un pas de côté

L’association s'implique depuis près de 20 ans dans un observatoire des pratiques alternatives de la construction, étudie le comportement des bâtiments sur le long terme et cultive l'échange entre tous les professionnels de la chaîne de construire et d’aménager. Ces actions, qui nourrissent les motivations de ses adhérents à expérimenter des constructions plus frugales et éco-responsables, ont permis à Ville et Aménagement Durable d’apporter un éclairage complémentaire aux autres démarches engagées dans le cadre de l’expérimentation E+C-, telles que le programme OBEC (Objectif Bâtiment Energie Carbone).

Au-delà du nécessaire débat technique et méthodologique, l’enjeu est simple : le pragmatisme opérationnel pour massifier la production de constructions résolument plus sobres et décarbonées. Après deux ans et demi de travail, où en sommes-nous ? Quelles seraient les suites nécessaires ?

Une mobilisation forte des professionnels en Auvergne-Rhône-Alpes

En juin 2017, un appel à création d’une communauté E+C- régionale a été lancé, permettant de réunir environ 80 professionnels (plus d’une centaine aujourd’hui) aux expertises multiples (bureaux d'études spécialisés, maîtres d'ouvrage, programmistes, architectes, entreprises générales ou encore fournisseurs de matériaux). Une feuille de route a été rédigée, embrassant diverses thématiques, depuis l’état des lieux et la capitalisation des expériences, jusqu’à la formation et la communication. Ce groupe s'est ainsi prêté à un dialogue sans tabou et sans placer la technique au-dessus de la ligne directrice fixée à l'origine : ne plus faire des petits pas, mais bien un grand pas en avant !

 

Figure 2 : Siège d'Enertech « LowCal » à Pont-de-Barret (26) - labellisé E4C2 (Cabinet Pierre Traversier) - Visite le 13/06/2019

Une opinion globalement favorable de l’expérimentation mais une démarche non-intuitive

En décembre 2018, une enquête sur la connaissance de la démarche Energie Carbone et l’engagement des acteurs de la filière bâtiment dans l’expérimentation a été réalisée. Compilant 49 avis représentant 120 opérations engagées, elle a mis en évidence une opinion globalement favorable de l’expérimentation et de ses intentions ainsi qu’une vraie motivation des répondants à l’innovation. Néanmoins, l’approche Energie Carbone est loin d’être intuitive pour les acteurs de la filière, avec des risques de surcoût engendrés par une conception parfois balbutiante. Parmi les freins identifiés, on note :

  • une réelle confusion des maîtres d’ouvrage entre expérimentation et labellisation
  • une appréciation encore floue du rôle de chaque acteur dans la démarche et à quelle phase
  • une méconnaissance du contenu du bilan Carbone et de son influence sur les résultats, dont découle une vraie difficulté à s’engager sur des seuils aujourd’hui mal maîtrisés et mal calibrés
  • la consolidation trop tardive de l'atteinte de l'objectif Carbone en phase PRO/DCE, à l'établissement des quantitatifs
  • la lourdeur et la complexité de la méthodologie, sur des phases de projet aujourd’hui trop courtes pour intégrer ce travail supplémentaire, auxquelles s’ajoute un manque de fiabilité des données disponibles pour accéder à des résultats Carbone exploitables
  • l’impact fort de certains paramètres contrebalançant des conceptions peu qualitatives du point de vue carbone

Trouver des réponses concrètes et réalistes

En 2018, 10 propositions concrètes ont été formulées pour affirmer les convictions et les attentes des membres autour de cette démarche, en particulier :

  • Sensibiliser et former tous les acteurs à l’analyse de cycle de vie (ACV)
  • Mobiliser les fabricants pour élargir le champ des produits de construction vertueux
  • Prendre en compte l’évaluation ACV dans les honoraires de conception
  • Adopter une méthode de saisie commune et robuste
  • Harmoniser les pratiques d’allotissement et de nomenclature avec l’approche E+C-
  • Valoriser les approches holistiques axées sur la qualité et le bien-être

Sensibiliser et débattre au plus près des territoires

Réunion de communauté, petit-déjeuner débat, revue de projets, atelier, visite de bâtiment ou d’usine, réunion ouverte à destination d’acteurs ciblés…des formats de partage d’expériences variés ont été proposés au plus près des territoires. L’ensemble des retours ont permis d’alimenter les contributions aux groupes d’expertises et au groupe de concertation 4 « Accompagnement des acteurs et communication », mis en place au niveau national.

« La CAPI (Communauté d'agglomération Porte de l'Isère) s’est mobilisée dès le début de l’expérimentation dans ses opérations et également en accompagnant les autres maîtres d’ouvrage de son territoire, dans l’esprit d’exemplarité de Jean Papadopulo, président : « Faire aujourd’hui ce que les autres feront demain ». Cela permet d’accompagner les différentes filières locales de construction pour qu’elles intègrent le plus tôt possible cet enjeu. Pour s’assurer que les orientations prises soient les plus pertinentes, à la fois ambitieuses et efficaces, l’expertise technique et opérationnelle du réseau de Ville & Aménagement Durable a été mise à profit dans les équipes projets et lors de revues de projets territoriales. » Pauline Gelin, animatrice filière Bâtiment - CAPI

Figure 3 : Visite de l’usine de FBT Isolation (isolant en paille de riz) à Dagneux (01) le 08/10/19

 « Les programmistes et les maîtres d’ouvrages sont chronologiquement les premiers à travailler sur les projets. Ce sont ces deux acteurs, lorsqu’il n’y a pas d’AMO qui, dès ce stade, fixent les objectifs à atteindre. Quand les retours d’expérience sont encore insuffisants, il est important d’être au plus près des acteurs spécialistes du sujet, pour comprendre précisément les enjeux de la future RE2020 et ses biais éventuels, ainsi que les contraintes sur le travail de la maîtrise d’œuvre et sur le projet. Participer aux échanges de la communauté E+C- est le lieu pour nous de ces échanges. » Grégoire Michel, programmiste, Florès

Mettre en valeur les filières locales

En associant aux travaux de la communauté des filières régionales déjà très actives sur la dimension Carbone (bois, paille, verre, isolants biosourcés, béton…), l’association a capitalisé les opportunités et les difficultés de terrain, et mis en perspective les actions à mener pour se mettre en adéquation avec la RE2020. Des séances de présentation de configurateur de données environnementale (BETie, DE-bois, PEBIOS, SAVE...) ont permis de mettre en exergue le dynamisme des filières et de mobiliser les acteurs impliqués dans ces démarches.

« Fibois AuRA participe depuis le début à cette communauté E+C- pour représenter les entreprises de la filière forêt-bois, transmettre au groupe les avancées de celle-ci et communiquer les attentes et besoins des membres aux entreprises. En parallèle, des actions ponctuelles ont permis de faire monter en compétences l’ensemble des membres par rapport au matériau bois : formation au configurateur DE-bois ou à l’intégration du bois local dans la commande publique par exemple. » Benjamin Mermet, prescripteur Bois Construction - Fibois Auvergne-Rhône-Alpes

Figure 1: Groupe scolaire à Trévoux (01)  - objectif E4C2 (crédit : Gallet Architectes/M’Cub Architectes) - Présentation en revue de projets le 03/12/2019

Et maintenant ?

Pendant plus de 2 ans, une mobilisation des professionnels a été observée pour anticiper la future réglementation, participer à l’expérimentation Energie-Carbone et peser dans le débat. La démarche E+C- est une formidable opportunité à saisir pour faire évoluer les pratiques immobilières, les règles d’urbanisme et les filières d’approvisionnement.

Aujourd’hui, l’enjeu est triple :

  • Etre attentifs aux arbitrages de la RE2020, afin que cette réglementation soit à la hauteur des attentes des professionnels de terrain et qu’une méthodologie pertinente et compréhensible par tous soit mise en place
  • Poursuivre l’accompagnement et la formation des différents publics de la construction (donneurs d'ordre, maîtres d’ouvrage publics et privés, aménageurs, économistes de la construction, bureaux de contrôle et d’étude, programmistes, fabricants et fournisseurs, entreprises de travaux, organismes de formation, etc.) pour donner les éléments de compréhension et donner l’envie de s’engager
  • Massifier enfin des pratiques constructives éco-responsables à la hauteur de l’urgence climatique. Les intentions sont bonnes, mais elles doivent d'être réalistes et acceptées de tous. Le changement de paradigme doit en effet avoir lieu sans attendre : le secteur de la construction est en retard, pourtant il représente un gisement d'économies d'énergie et de carbone monumental. Aux nouvelles règles environnementales doivent être associées de nouvelles règles économiques : un véritable "Plan Marshall" écologique qui, une fois n'est pas coutume, serait bâti avant la crise qui pointe déjà son nez. 

"La mise en place du label Energie Carbone et du programme OBEC ont permis de valoriser et partager le travail d’équipes réalisant des opérations performantes. Les centres de ressources ainsi que les organisations interprofessionnelles ont complété le dispositif afin de constituer une communauté avertie des enjeux et des enseignements de cette phase d’expérimentation. Les efforts à fournir en termes de communication et de formation restent encore importants car une majorité des économistes, architectes et maitres d’ouvrage n’ont pas pris part à la démarche Energie Carbone. L’atteinte des objectifs définis dans la Stratégie Nationale Bas Carbone passera nécessairement par la définition de niveaux réglementaires minimaux ambitieux ainsi que l’implication de tous les acteurs de la construction." - Pierre-Alain Lasne, ingénieur Qualité Environnementale du Bâtiment - TRIBU

"L’enjeu est maintenant clair et unique. Il est surtout incontournable pour qui veut agir favorablement et durablement sur notre environnement, notre habitabilité sur Terre : synthétiser une méthodologie simple et pertinente, cohérente avec la conception amont, diffusable et compréhensible par tous. Cette méthode, plus transversale, doit permettre de répondre à la RE2020 sans obérer la dimension Carbone malmenée dans l’outil actuel.

L’expérimentation E+C- a été l’occasion d’une mobilisation et d’une émulation collective peu courante. La volonté commune de comprendre certes, mais surtout de modifier ses propres pratiques à toutes les échelles de la filière constructive. Fort de la pluralité, la diversité, la complémentarité des acteurs, nous avons pu expérimenter, constater, édifier.

Tous s’accordent sur la question des pratiques, des modes de faire, mais également de la géographie des activités. Comme l’a bien exprimé notre ingénieur ACViste lors d’une réunion de travail en répondant à la question d’un participant : « Comment faut-il construire pour bien faire aujourd’hui ? » « Plus local ! ». A nous donc, ensemble, de définir ces nouveaux territoires…" - Fabienne Marcoux, architecte DPLG, responsable agence de Lyon - AER Architectes

Ressources complémentaires 

Un article signé Claire Vilasi (chargée de missions - Ville & Aménagement Durable), en collaboration avec les membres de la communauté E+C-

Crédits photos : Ville et Aménagement Durable

Consulter l'article précédent :  #8 - L’ACV, outil précieux de l’expérimentation E+C- : retour d’expérience des travaux de l’Alliance HQE-GBC


           

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 Se préparer à la RE2020 : enjeux et retours d'expérience

Ce dossier est composé de contributions des membres de la Fédération CINOV, des adhérents Construction21 et de leurs partenaires. En animant ce dossier, la Fédération CINOV concoure ainsi aux échanges et à la réflexion sur la future réglementation environnementale. Le contenu des articles sont néanmoins publiés sous la seule responsabilité de leurs auteurs.

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