[Dossier énergies renouvelables] #8 - Rafraîchir durablement nos villes grâce aux énergies locales

Rédigé par

FEDENE SNCU

Fédération des Services Energie Environnement

5904 Dernière modification le 03/06/2021 - 14:34
[Dossier énergies renouvelables] #8 - Rafraîchir durablement nos villes grâce aux énergies locales

La conjonction du changement climatique et de la densification urbaine fait du développement des réseaux de froid un véritable enjeu sanitaire. Les réseaux de froid jouent déjà un rôle majeur pour rendre nos centres urbains énergétiquement plus sobres et efficaces. Ce sont, de plus, des solutions respectueuses du paysage urbain.

Un réseau de froid est une infrastructure locale permettant de produire et de livrer du froid aux pieds des immeubles grâce à un réseau transportant un fluide frigoporteur (en général de l’eau) dont la température varie entre 1 et 12°C. Certains réseaux fonctionnent directement grâce à la fraîcheur de l’eau ou de l’air ambiant ou font appel à d’autres sources renouvelables (géothermie marine, chaleur de récupération, etc).

Schéma de principe de fonctionnement du réseau de froid de la Ville de Paris (Source : CLIMESPACE)

Le refroidissement des bâtiments : un enjeu sanitaire.

Sous l’effet de la combinaison de divers facteurs : réchauffement climatique, isolation des bâtiments qui rend nécessaire l’évacuation de la chaleur accumulée par l’activité humaine en été, développements informatiques, nouvelles solutions de rafraîchissement et de climatisation à des coûts abordables ..., nous assistons depuis quelques années à un accroissement rapide et accéléré de la climatisation. Traditionnellement cantonnée dans notre pays à la couverture des besoins de base des bâtiments tertiaires (bureaux, centres informatiques, santé, …), à la déshumidification en hiver ainsi qu’à l’évacuation de la chaleur et le rafraîchissement des lieux de travail en été, cette évolution répond de plus en plus à des besoins de confort. Ce « confort » a toutefois une composante sanitaire majeure, notamment pour les personnes âgées et vulnérables particulièrement menacées par les pics de chaleur (15 000 à 19 000 décès en 2003).

Cette évolution n’est pas sans conséquences sur le développement durable des villes. On note un accroissement du nombre de climatiseurs individuels ou pompes à chaleur air/air réversibles qui, au-delà des aspects les plus visibles d’un point de vue architectural, de bruit et de fuites éventuelles de fluides frigorigènes, accentuent les phénomènes, déjà préoccupants, d’îlots de chaleur dans les centres urbains. On a pu constater des écarts de température allant jusqu’à 5°C entre la ville et la campagne sous l’effet de ces îlots de chaleur, qui vient s’ajouter et devient même prédominant par rapport aux effets du changement climatique.

Vers un rafraîchissement durable des centres urbains 

Répondre à ce nouvel enjeu majeur pour nos centres urbains particulièrement denses nécessite une approche innovante et une politique globale. Par exemple, il semble indispensable de limiter les usages émetteurs de chaleur anthropique en favorisant les transports en commun et les mobilités douces. L’aménagement urbain tend à espacer les bâtiments pour faciliter les flux d’air et végétaliser les espaces : les arbres apportent non seulement de l’ombrage mais refroidissent aussi l’air ambiant en rejetant des vapeurs d’eau. La ventilation - naturelle ou mécanique - et l’utilisation de matériaux rafraîchissants occuperont certainement une place plus importante dans la conception architecturale et technique des édifices. Les consommations de climatisation pourraient être encadrées par rapport aux températures extérieures, à l’instar du chauffage (températures de consigne de 19°C en hiver) afin d’éviter les climatisations excessives constatées dans certains pays.

Parmi ces solutions, les réseaux de froid présentent une alternative collective dans les centres urbains denses qui concentrent les besoins de climatisation et les risques d’îlots de chaleur, surtout dans les quartiers tertiaires. En mutualisant la production de froid, les réseaux offrent des solutions performantes, durables et innovantes tout en atténuant les effets négatifs de la climatisation individuelle. 

Les réseaux de froid en 2020 et en 2030

En France, on estime actuellement les besoins de froid à 19 TWh dont 1TWh est fourni par 24 réseaux de froid (115 en Europe). S’ils sont aujourd’hui essentiellement situés en région parisienne, de nouveaux réseaux innovants se développent sur l’ensemble du territoire. Les réseaux Thassalia (Marseille) et ELM (Lyon) refroidissent les bâtiments grâce aux eaux maritimes et de nappes phréatiques. Toutes ces installations proposent des solutions pérennes sous un contrôle avancé des autorités.

Les réseaux de froid assurent les besoins en froid des bâtiments raccordés à l’échelle d’un site, d’un quartier ou d’une ville. S’ils répondent principalement aux besoins de climatisation des bâtiments tertiaires (bureaux, hôtels, musées, aéroports, hôpitaux), les réseaux livrent également des logements collectifs et des sites industriels en énergie frigorifique. 

 

La filière est amenée à tripler ses livraisons vertes d’ici 2028 ! Pour la première fois, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 2020) a introduit des objectifs ambitieux de développement spécifiques au froid renouvelable et de récupération distribué par réseaux. Les projets de réglementation environnementale (RE 2020) et de décret tertiaire intègrent le confort d’été aux notions de performance énergétique et d’empreinte carbone des nouveaux bâtiments et des bâtiments tertiaires. Si aujourd’hui, plus de 1 300 bâtiments sont alimentés en froid via des réseaux, de plus en plus d’EHPAD, bureaux, établissement scolaires ou logements collectifs sont appelés à se raccorder.

Les réseaux de froid au service de l’aménagement urbain durable.

D’un point de vue énergétique et environnemental, les réseaux de froid ont l’avantage d’être 2 à 5 fois plus performants que la majorité des installations autonomes : le contenu CO2 moyen d’un réseau de froid en France n’est que de 10g/kWh livré et les taux de fuite de fluides frigorigènes sont très faibles (<1%), très inférieurs aux taux des installations autonomes qui est de l’ordre de 10%. 

C’est en cela que ces réseaux distribuent un froid dit « efficace ».

Couplée à la mobilisation de ressources énergétiques locales et vertueuses, la mutualisation des moyens de production de froid assure un fonctionnement optimal et continu qui limite la pointe électrique d’été grâce à des performances particulièrement élevées. La génération de froid centralisée optimise la gestion de l’espace en débarrassant les bâtiments des unités de production de froid. Les réseaux de froid préservent l’harmonie architecturale des quartiers en libérant façades et toitures des unités extérieures de climatisation autonome. Les toitures dégagées offrent de nouveaux espaces de vie aux occupants de l’immeuble (terrasses) ou plus largement aux habitants (rooftops). Les abonnés accroissent les performances énergétiques et économiques de leurs immeubles en contrôlant leurs consommations de froid, et par conséquent leurs factures.Les réseaux de froid réduisent également les empreintes environnementales des immeubles en recourant à des gisements de froid locaux non-distribuables autrement. 

La valorisation de ressources renouvelables et de récupération locales. 

Les réseaux de froid permettent d’utiliser la fraîcheur disponible dans l’eau ou l’air ambiants (technologie du « free cooling ») ou de valoriser des ressources renouvelables telles que les eaux intérieures, lacs, rivières, nappes phréatiques ou encore les mers : les réseaux valorisent les sources froides inexploitées de nos villes et métropoles dès lors que leur température est suffisamment basse.

Aujourd’hui, les réseaux de froid de Paris, Boulogne-Billancourt, Marseille ou encore La Défense puisent la fraîcheur de la Seine et de la Méditerranée pour livrer du froid aux bâtiments raccordés. Les déchets ménagers peuvent également être valorisés par un réseau de froid à l’image des réseaux de Toulouse Métropole ou de la SERM à Montpellier.

Les réseaux de froid sont en évolution permanente pour les rendre plus innovants et efficients. Les solutions de stockage géothermiques ou via des bassins d’eau froide assurent par exemple une gestion optimale, stable et continue du service. Les réseaux de froid peuvent également être combinés avec des réseaux de chaleur pour livrer une énergie thermique tout au long de l’année : le stockage intersaisonnier permet par exemple de stocker du froid en hiver et de le restituer en été, et vice versa pour la chaleur ! A Nice, le projet Méridia produira de la chaleur et du froid grâce à des thermofrigopompes couplées à une solution de stockage.

Répondre aujourd’hui à des besoins essentiels

La duplication des réseaux de froid requiert une étude spécifique pour identifier les solutions techniques les plus pertinentes et pour s'adapter aux conditions du territoire.

Développer un réseau de froid est le fruit d’une vision pérenne pour le territoire. L’intensité capitalistique inscrit le modèle économique des réseaux de froid sur le long terme. Toute agglomération de plus de 100.000 habitants peut bénéficier de leurs avantages puisque les réseaux s’adaptent aux besoins (la puissance installée des réseaux varie de 1 à 400 MW) et au potentiel énergétique du territoire (eaux de rivière ou de mer, nappes géothermales, valorisation de déchets urbains, etc.).

Collectivités locales et gestionnaires d’immeubles disposent de nombreux leviers pour lancer de nouveaux réseaux de froid. Pour retenir les solutions techniques et énergétiques optimales, le chef de projet pourra être accompagné d’un bureau d’études. Les outils cartographiques Via Sèva ou du Cerema fournissent avec grande précision le tracé des réseaux et les besoins en chaleur et en froid à proximité. 

Les métropoles doivent s’emparer du sujet sans attendre !

 

Article signé FEDENE – Fédération des services énergie et environnement & SNCU – Syndicat national du chauffage et de climatisation urbaine


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