5 leviers pour décarboner la ville de demain

Rédigé par

Amandine Martinet - Construction21

Journaliste

3525 Dernière modification le 14/04/2023 - 09:56
5 leviers pour décarboner la ville de demain

 

Mercredi 5 avril, lors de l’événement BIM World – Solutions Bas Carbone – Les Rencontres des Jumeaux Numériques – Paris Expo Porte de Versailles, le CCCA-BTP a animé une conférence, en partenariat avec Cercle Promodul / INEF4, sur le thème de la décarbonation des villes en France et en Europe. Retour sur les 5 solutions proposées par les différents intervenants. 

En France, le bâtiment représente 23% des émissions de gaz à effet de serre, et à l’échelle mondiale, cette part s’élève à 39%. La nécessité de décarboner les villes via les bâtis qui y sont implantés n’est donc aujourd’hui plus à prouver. Voici les 5 leviers proposés par les intervenants de la conférence du CCCA-BTP. 
 

1/ Parler de la même chose

Décarboner, oui, mais qu’est-ce que cela signifie ? Pour engager des actions collectives réellement efficaces qui vont dans le même sens, il faut avant tout « s’accorder sur un langage commun pour que chacun puisse se comprendre » comme l’introduit Olivier Cenille, responsable du développement des partenariats du WinLab', l’incubateur du CCCA-BTP.

S'accorder sur un langage commun pour que chacun puisse se comprendre

Jean-Luc Buchou, délégué général du Cercle Promodul/INEF4, regrette ainsi un manque global de concertation, de communication et d’échanges entre les acteurs du secteur du bâtiment, qui sont pourtant tous concernés par les mêmes problématiques environnementales et climatiques : « à l’intérieur des différents services des métropoles, chaque service a une vision différente des choses : urbanisme, habitat, construction… ». Cela peut donner lieu à des solutions d’origines différentes, et non raccord entre elles, ce qui va à l’encontre de l’intérêt général. Aussi, à ce jour, tout l’enjeu est de réussir à coordonner les idées existantes pour « définir une stratégie non clivante de décarbonation des villes. »

Même constat chez Isabelle Pirès, cheffe de marché Tertiaire et Cloison et responsable Marketing Environnement chez Saint-Gobain Glass Bâtiment France, qui résume en insistant sur ce besoin d’une « vision globale » de cette nécessaire transition. 
 

2/ Une politique territoriale ambitieuse et engagée 

Irène Garcia, cheffe de projet environnement chez Carbon Neutral Cities Alliance, donne plusieurs exemples de leviers politiques qui peuvent être mobilisés pour décarboner. Les politiques d’aménagement du territoire tout d’abord, en se posant par exemple la question de ce qui peut être construit ou non sur un espace donné. Une réglementation efficace pour les bâtiments dans le public comme dans le privé, en construction comme en rénovation, peut, elle aussi être décisive. En outre, les villes peuvent opérer une bonne gestion de la fin de vie des déchets ainsi qu’un engagement dans une politique d’économie circulaire. Enfin, des politiques financières peuvent être mises en place, avec des incitations mais aussi des pénalités pécuniaires relatives à des mesures environnementales.  

Blandine de Mascureau, CEO chez TRAFMAN, évoque une politique territoriale inspirante avec le projet Small City en périphérie de Genève, un centre commercial nouvelle génération implanté sur une ancienne zone industrielle qui rassemble plusieurs entreprises, leur siège et leur lieu de production, sur un même lieu. L’idée ? Faire venir les clients et les livraisons des produits directement sur site, et limiter ainsi les déplacements et l’impact environnemental global des bâtiments en mutualisant les usages. Preuve, s’il en fallait une, que les métropoles peuvent initier des actions vertueuses remarquables. 
 

3/ Une industrie à la hauteur des enjeux

Selon une étude d’OpinionWay pour Carbonloop datant de février 2023, 7 industries sur 10 expriment le souhait de réduire leur empreinte carbone. Mais comment faire ? 

Isabelle Pirès donne le cas pratique de la décarbonation de la production du verre chez Saint Gobain, qui repose sur deux piliers : 

  1. Le travail sur l’énergie, avec notamment une expérimentation sur l’hydrogène en Allemagne qui a déjà porté ses fruits ;
  2. Le travail sur les matières premières, avec la création de nouvelles filières en économie circulaire : Saint Gobain utilise ainsi un gisement jusqu’alors non exploité, issu des vitrages en fin de vie. Après leur traitement, on obtient du calcin qui a un gros avantage puisqu’il s’agit d’une matière déjà décarbonée. 

Pour Jean-Luc Buchou, là encore, la réglementation a tout son rôle à jouer : « Il faut réindustrialiser une chaine à partir de bonnes intentions et de bon sens, et le coordonner à travers des réglementations compréhensibles ».

Un autre levier de la décarbonation de l’industrie réside, pour Blandine de Mascureau, dans un travail sur la chaîne d’approvisionnement dans le BTP, qui doit être mieux coordonnée à l’image d’une supply chain qui n’a pas encore été créée à ce jour, mais est en passe de l’être. Trois leviers principaux sont identifiés pour réduire le poids carbone de l’approvisionnement et de la livraison : optimiser le chargement et la distance des camions par rapport au chantier, synchroniser les livraisons avec les plannings de construction, et faire en sorte que les stockages soient rationnalisés. 
 

4/ L’évolution des compétences, l’outil des branches 

La clé réside aussi dans la formation des acteurs du secteur. Une idée que défend largement Franck Le Nuellec, directeur Marketing, Développement et Innovation Stratégique au CCCA-BTP, qui affirme qu’il faut décloisonner les métiers, travailler ensemble et comprendre que le système est un élément à considérer dans sa globalité. Ainsi, il est nécessaire de « concevoir des programmes de formation hybridés entre digital et physique et qui utilisent le numérique comme un accélérateur de décloisonnement et d’interopérabilité ».

Décloisonner les métiers, travailler ensemble et comprendre que le système est un élément à considérer dans sa globalité

Autre fait : « ce sont les jeunes d’aujourd’hui qui inventeront la construction de demain ». Une génération qui a besoin d’attractivité – il faut « rendre sexy l’idée d’une ville et d’une construction décarbonée » pour Blandine de Mascureau –, mais aussi de sens, qu’ils doivent retrouver dans la formation qui leur est proposée. 

Pour résumer, la jeune génération doit être ambassadrice d’une ville plus durable avec une vision systémique et une interopérabilité entre les métiers. 

Enfin grâce l’apport de l’innovation, la décarbonation offre au BTP une double opportunité : la création de nouvelles professions et la transformation de nombreux métiers existants afin qu’ils répondent plus efficacement aux enjeux qui se présentent. C’est pourquoi la formation et l’évolution des compétences en sont des facteurs déterminants.
 

5/ Et l’usager dans tout ça ? 

Dans le BTP, les trois quart des émissions de CO2 sont liées à l’usager, quand le dernier quart est relatif à la construction. Il faut donc « prendre en compte l’acte de construire mais aussi l’acte d’utiliser », pour Franck Le Nuellec.

C’est le dernier levier de décarbonation des villes identifié lors de la conférence du WinLab’, l’incubateur du CCCA-BTP en partenariat avec le Cercle Promodul INEF4, et c’est sans doute le plus important. Pour aller vers plus de résilience, de respect de l’environnement et de protection de la biodiversité, il est donc essentiel de « mettre les utilisateurs au centre de la construction » pour Isabelle Pirès. Cela passe en premier lieu par la pédagogie, tout en gardant toujours en tête qu’à la fin, l’usager est toujours libre de ses choix. C’est donc aussi le rôle de la filière de les éclairer.  

Jean-Luc Buchou insiste sur le fait de communiquer  : « les messages vers les usagers sont importants », et pour mobiliser, il faut que ces messages « aillent vers une recherche de sens » et non vers une culpabilisation comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui. Le nerf de la guerre réside en fait dans le besoin des utilisateurs, et c’est en suivant ce principe que les jeunes du secteur sont formés aujourd’hui. 

Nous l’avons vu, les opportunités pour décarboner les villes de demain existent bel et bien. Il reste aux acteurs du secteur du BTP à se coordonner pour appliquer des solutions communes, en faisant confiance à la nouvelle génération et sans jamais perdre de vue l’usager final. Ces possibilités nombreuses doivent à présent et plus que jamais être mises en application, car comme l’a dit Irène Garcia en guise de conclusion : « il reste beaucoup à faire ». 

 

Animation : 

  • Olivier Cenille, responsable du développement des partenariats du WinLab', l'incubateur du CCCA-BTP

Intervenants : 

  • Franck Le Nuellec, directeur Marketing, Développement et Innovation Stratégique au CCCA-BTP
  • Blandine de Mascureau, CEO chez TRAFMAN
  • Isabelle Pirès, cheffe de marché Tertiaire et Cloison et Responsable Marketing Environnement chez Saint-Gobain Glass Bâtiment France
  • Irène Garcia, cheffe de projet environnement chez Carbon Neutral Cities Alliance
  • Jean-Luc Buchou, délégué général du Cercle Promodul/INEF4
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