[Dossier énergies renouvelables] #5 - Les ENR&R et la transition énergétique des villes

Rédigé par

frederic leblanc

Coordinateur métier EnR

5393 Dernière modification le 02/06/2021 - 14:23
[Dossier énergies renouvelables] #5 - Les ENR&R et la transition énergétique des villes

 

La réussite de la transition énergétique en milieu urbain passe par le franchissement de nombreux obstacles : de l’identification des différentes sources d’énergies renouvelables et de récupération à la capacité à lever les freins associés qu’ils soient technologiques, techniques, spatiaux, réglementaires voire psychologiques. Malgré tout, ceux-ci ne sont pas insurmontables.

Le contexte urbain

En 2016, selon l’INSEE, 38 % des Français vivaient dans des communes densément peuplées, 30 % dans des communes de densité intermédiaire, 29 % dans des communes peu denses et 4 % dans des communes très peu denses (source : Enquête de l’INSEE et Comprendre la grille de densité, Observatoire des territoires)

De fait, aborder en priorité la problématique énergétique en milieu urbain est indispensable. Une ville selon sa taille, sa densité et sa localisation peut contenir des bâtiments avec des usages variés : logements, hôtels, bureaux, scolaires, équipements sportifs ou de loisirs, établissements de santé, commerces, industries,… Ces bâtiments sont très différents que ce soit en termes de besoins thermiques (chauffage, eau chaude, rafraîchissement-climatisation, usages électriques) ou de profils de consommations. Il est donc nécessaire de choisir une ou plusieurs sources adaptées aux usages et profils spécifiques à chaque site. Le foisonnement et la mutualisation des besoins peut d’ailleurs devenir une véritable opportunité pour les EnR.

Quelle EnR&R choisir ?

Au préalable, il faut identifier les ressources disponibles à l’échelle du site, du quartier ou du territoire. Il est indispensable de s’appuyer sur les études réalisées préalablement lorsqu’elles sont disponibles : études de potentiel EnR&R, cadastre solaire, schéma directeur énergie, PCAET, … Pour chaque site, il est préférable de commencer par la réalisation d’une étude d’approvisionnement pour sélectionner la ressource la plus adaptée.

Les contraintes techniques pour la mise en place d’EnR&R en milieu urbain sont nombreuses : 

  • Les locaux techniques sont souvent de dimensions contraintes permettant difficilement d’accueillir les équipements techniques (ballons d’une production d’ECS solaire, silo de stockage de bois, accès de machine de forage),
  • Les locaux techniques sont souvent difficiles d’accès, portes de faibles dimensions, présence d’escaliers, ce qui implique des travaux d’infrastructure et de manutentions complexes pour y rentrer les équipements ou matériels,
  • La limitation du bruit implique la mise en œuvre de système de capotage acoustique notamment pour les pompes à chaleur,
  • La création de chaufferie ICPE peut quant à elle être difficilement compatible avec la présence de logements à proximité,
  • Les zones avec Plan de Protection de l’Atmosphère peuvent imposer des systèmes de filtration des fumées performants mais aussi coûteux,
  • L’utilisation de fluides frigorigènes dans les PAC est contrainte par l’EN-378 et la F-Gas qui peuvent parfois amener à des critères de choix contradictoires

Les réglementations techniques sont indispensables pour le bon fonctionnement des installations, la protection de l’environnement et la sécurité de tous. Ces surcoûts sont toutefois plus facilement amortissables sur des installations de grandes dimensions notamment lorsque la production d’énergie est centralisée sur un réseau de chaleur ou de froid.

Le réseau urbain, roi des EnR&R

La mise en place d’EnR&R de manière isolée pour chaque typologie de bâtiment permet difficilement d’atteindre des taux de pénétration élevés puisque la limite économique ou technique peut nécessiter l’installation d’une énergie d’appoint ou de secours. Une vision plus globale notamment dans le cadre de la création, l’extension et le verdissement des réseaux de chaleur paraît être une solution pertinente puisqu’elle permet de lever plus facilement les contraintes en les concentrant sur un seul site ; elle permet souvent de trouver un modèle économique adapté dans le cadre d’écoquartiers neufs. L’approche proposée par l’Ademe permet de prioriser les sources d’énergie.

Le prérequis de l’Ademe est que le réseau doit posséder un taux d’EnR&R supérieur à 50%. Ceci a tout son sens, pour autant, il paraît intéressant de se connecter au réseau quel que soit son mix énergétique pour stabiliser voire augmenter les consommations en réaction aux baisses des consommations liées aux économies d’énergie. Cela doit permettre de maintenir la compétitivité des réseaux existants d’autant que ces derniers ont vu leur contenu en CO2 baisser de 44% sur la période 2009-2019, tendance qui devrait se poursuivre, notamment depuis que la loi Énergie Climat de novembre 2019 permet le classement « systématique » des réseaux vertueux à partir du 1er janvier 2022.

Enquête des réseaux de chaleur et de froid edition 2020
 

Il est à noter que les zones de développement prioritaires sont identifiables sur le PLU de chaque ville concernée ou auprès des gestionnaires de réseaux. Afin de faciliter l’identification de ces zones et d’en centraliser l’accès, il serait pertinent de les représenter dans la cartographie en ligne de ViaSéva.

 

N’oublions pas la chaleur fatale

La chaleur fatale présente sur site doit être systématiquement valorisée dès que cela est techniquement possible (récupération sur eaux grises, …) mais le raccordement au réseau urbain, s’il est vertueux, risque de limiter l’intérêt. Pour promouvoir la chaleur fatale, la piste d’une tarification spécifique serait-elle une piste à étudier ?

Pour la chaleur fatale présente à proximité des usagers, le réseau urbain est le bon moyen pour la capter et la valoriser. Il faudra néanmoins que l’identification du gisement se fasse de manière systématique. L’ajout de cette donnée géolocalisée dans la plateforme nationale OPERAT permettrait au gestionnaire de réseau ou d’autres acteurs de proposer des projets ambitieux (https://www.20minutes.fr/societe/2987611-20210301-rennes-logements-bientot-chauffes-grace-ligne-b-metro).

À quel prix ?

Le principal frein est économique. Tout un chacun devra systématiquement justifier de la rentabilité économique de tel investissement ou de telle solution EnR&R en comparaison d’un système plus conventionnel. De fait, tant que les énergies fossiles n’intègrent pas la totalité du coût des externalités, il sera toujours complexe d’analyser la performance des solutions alternatives. De plus, les incitations à ne plus utiliser ces énergies risque de limiter les volumes de vente et de facto faire baisser les prix de vente ce qui aurait pour effet de rendre encore plus compétitives ces énergies. Ne conviendrait-il pas de revoir les méthodes d’évaluation des projets, l’analyse économique ne pouvant plus être le seul critère ? 

Comme pour toute énergie, plus on consomme, moins proportionnellement le prix du kWh est élevé. Cela est-il en faveur de la réalisation d’économies d’énergie ? Le tarif pourrait être déterminé en fonction de la typologie du bâtiment et de sa performance en lien avec les seuils du décret tertiaire et de la réglementation thermique. Peut-être cela permettrait-il d’inciter les nouveaux raccordés à réaliser des travaux d’économies d’énergie.

L’intégration architecturale

Pour toutes les technologies à installer en toiture (solaire thermique, photovoltaïque …), les contraintes structurelles peuvent être un frein important de même que celui de la visibilité. L’intégration est évaluée que ce soit au travers d’une déclaration préalable ou d’un permis de construire. Dans la majorité des cas et sous réserve que le Plan Local d’Urbanisme (PLU) ne présente pas de contrindications vis-à-vis des EnR cela ne pose pas (ou peu) de problèmes. Dans les zones concernées par les Architectes des Bâtiments de France ou lorsque le bâtiment lui-même est classé, l’obtention d’une autorisation peut devenir plus complexe. Cela étant, bon nombre de bâtiments classés sont déjà équipés de système de production EnR. Il est donc possible d’équiper des toitures avec une bonne approche architecturale !

Comment atteindre la neutralité carbone en 2050 ?

Dès aujourd’hui, tous les dispositifs administratifs et toutes les technologies nécessaires sont accessibles pour relever cet objectif ambitieux. La ville de demain doit se métamorphoser. Les décisions qui sont prises chaque jour par tous les acteurs concernés en termes de choix énergétique permettront de relever ce défi et les EnR&R font partie de la réponse.

 

Quelques réalisations de Alterea en photo 

       

 Sipperec PV sur parking silo à L’Île St Denis    

     

  Sipperec – PV sur Gymnase Bretagne à Clamart

   

Atlantic Aménagement - Réseau de chaleur      

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Ville du Havre – PV sur Hôtel de Ville (classé Unesco)

Alterea.fr
  

Un article signé Frédéric Leblanc, Coordinateur métier EnR chez ALTEREA.

Crédits photos : ALTEREA


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