[Dossier énergies renouvelables] #4 - Vers un développement serein des énergies renouvelables en ville

3177 Dernière modification le 01/06/2021 - 12:27
[Dossier énergies renouvelables] #4 - Vers un développement serein des énergies renouvelables en ville

Si la meilleure énergie restera toujours celle que l’on n’a pas consommée (c’est tout l’enjeu des politiques d’efficacité énergétique et de réduction des consommations d’énergie), l’objectif en France est d’arriver en 2050 à remplacer toutes les énergies fossiles par des énergies n’émettant pas de gaz à effet de serre. Une telle transformation en 30 ans est un défi de premier ordre.

Il n’existe pas de solution unique « magique » pour y arriver mais au contraire, il s’agit bien de mobiliser tout un arsenal de solutions et de les déployer de façon raisonnée.

Certes, les projets d’énergies renouvelables sont souvent complexes et rencontrent de nombreux freins, mais grâce à l’expérience acquise désormais se dégagent des méthodes et des modes de faire qui favorisent la concrétisation des objectifs.

Les collectivités sont les acteurs centraux de la mise en œuvre des politiques d’énergies renouvelables, elles ont la capacité de mobiliser les stratégies et planifications territoriales et d’associer largement les parties prenantes locales, comme nous l’illustrerons par quelques exemples très concrets dans cet article.
 

Une première étape : des stratégies énergétiques ancrées dans les territoires et associant les acteurs locaux

De façon assez classique, l’élaboration d’une stratégie énergétique locale est indispensable, que ce soit dans un « plan climat » ou encore un « schéma directeur de l’énergie ». Diagnostic, définition d’objectifs, plan d’action et évaluation en sont les étapes structurantes, sans surprise. Mais en sus de la question de l’identification des potentiels sur le territoire qui est traitée juste après, il y a surtout deux « conditions de la réussite » que nous voudrions mettre en avant ici.

 

L’association et l’implication des acteurs locaux

Parce que la production d’énergies renouvelables locales est un enjeu de territoire en relation directe avec la vie publique et économique, l’environnement et les questions sociales, la stratégie, pour être acceptée et portée, doit être construite collectivement, en impliquant l’ensemble des acteurs concernés : services de l’État, collectivités, acteurs économiques, citoyens, qui peuvent par exemple être rassemblés dans des structures de financement participatif. Plusieurs outils d’animation collectifs peuvent être ici mobilisés, comme la « boussole de la participation », qui peut aider à formaliser un projet participatif, à cartographier les participants et à piloter la démarche, ou encore la conduite « ateliers dynamiques » qui ont fait leurs preuves. Concernant la participation, on peut noter l’important travail de participation réalisé par l’eurométropole de Strasbourg, ou bien l’implication obtenue à Lyon métropole grâce à la signature de charte d’engagements des acteurs.

 

La cohérence de l’action publique.

Pour les mêmes raisons, la stratégie de développement des énergies renouvelables doit s’articuler tout à la fois avec les planifications de l’urbanisme et de l’habitat (SCOT, PLUi, …) mais aussi avec les politiques contractuelles, tels les tous nouveaux Contrats de relance et de transition écologique (CRTE), pour ne citer que ceux-là. Cela constitue un triptyque indispensable pour réussir la concrétisation des projets : savoir quoi faire, l’organiser dans les documents de gestion spatiale et se donner les moyens contractuels de le faire.

 

© Cerema

Connaître les potentiels locaux pour éclairer les choix
 

Photovoltaïque : les friches aussi !

La territorialisation des objectifs de production EnR régionaux dans les documents de planification s’opère stratégiquement grâce à la connaissance des potentiels qui, croisée avec les enjeux du territoire, permet un développement vertueux des projets EnR. A ce titre le recensement des friches artificialisées polluées, et l’étude de leur potentiel de reconversion en centrale solaire s’inscrit pleinement dans cette stratégie, réduisant la consommation de nouveaux espaces tout en répondant à l’objectif « Zéro Artificialisation Net ». Le potentiel de développement photovoltaïque au sol, sur friche ou sur une autre typologie de sol éligible, s’étudie en croisant les enjeux forts du territoire, grâce à des outils de cartographies numériques mais également par des dialogues territoriaux afin de contextualiser les futurs projets et dérisquer leur faisabilité environnementale, sociologique et technico-économique.
 

Un important gisement photovoltaïque en toiture...

L’Ademe a estimé à 3 500 km² le potentiel photovoltaïque sur bâtiments et la PPE prévoit d’en mobiliser 150 km² d’ici 2028, soit 4 %. Il y a donc toute la place pour des stratégies pertinentes et concertées d’installations photovoltaïques en toitures. Cela peut aussi se faire en autoconsommation et tout en conciliant également la réglementation énergétique RE 2020 (E+/C-). On parle de « cadastres solaires », outil de base incontournable pour planifier de manière optimale et massive le développement du photovoltaïque en toiture. Malgré son fort potentiel, sans consommer d'espace, cette filière rencontre encore souvent des freins à son développement qu'il convient d'étudier en amont en y associant les acteurs du territoire (structure du bâtiment inadaptée, co-visibilité avec monument historique, faible capacité de raccordement au réseau électrique).
 

… y compris sur les bâtiments publics

Si les constructions publiques offrent en général d’importantes surfaces potentiellement valorisables, il n’est cependant pas toujours facile de déterminer les conditions techniques et juridiques qui permettent de faire coexister les différents usages du bâtiment avec le photovoltaïque. De fait, le type de technique employée (installations sur toitures, sur ombrières de parkings, sur brise-soleil…) et la forme de la valorisation souhaitée (production pour autoconsommation ou pour revente, location de surfaces immobilières à un tiers exploitant …) offrent une très grande variété de situations.

 

Sans oublier la chaleur et le froid renouvelables

La directive européenne sur l'efficacité énergétique de 2012, révisée en 2020, fixe l'obligation  pour tous les États membres de réaliser une carte nationale des besoins en chaleur et en froid et des sources potentielles de récupération de chaleur. Ces données, qui viennent d'être actualisées par le Cerema, sont mises à disposition du public sur une plateforme interactive en ligne. Elles constituent une source d'information précieuse pour qualifier les enjeux des besoins en chaleur et en froid sur un territoire et intégrer leur prise en compte dans les stratégies énergétiques et les documents de planification à différentes échelles : SRADDET, PCAET, PLH, PLUI. L'exploitation de ces données permet également d'identifier les quartiers ou portions de territoire sur lesquels des enjeux importants existent en matière de chauffage. Il est ainsi possible de cibler les secteurs sur lesquels des études plus fines pourront être menées pour déclencher des projets : réseaux de chaleur ou de froid, opérations massives de  rénovations énergétiques ou campagnes de sensibilisation des habitants aux mesures d'efficacité énergétique.

 

 

© Cerema, 2021


Savoir identifier les bons vecteurs énergétiques : la ville, domaine d’emploi des réseaux de chaleur et de froid renouvelables


Les réseaux de chaleur, bien qu'ils existent depuis l'antiquité, constituent un puissant levier pour faire évoluer le mix énergétique d'un territoire. La production d'énergie centralisée dans une ou plusieurs chaufferies permet en effet, de mobiliser massivement des sources d'énergie renouvelables telles que la géothermie, la biomasse de grande puissance, la récupération de chaleur issue de l'incinération des ordures ménagères, la récupération de chaleur sur eau de mer, de lac ou de rivière voire d'eaux usées, la chaleur fatale issue de l'industrie ou de la cogénération et même la chaleur solaire thermique issue de champs de captage.
La loi prévoit ainsi la multiplication par 5 de la chaleur et du froid renouvelables à horizon 2030. Les réseaux de chaleur ont bénéficié du soutien du Fonds Chaleur de l'Ademe qui a investi en 11 ans près de 900 Millions d'euros pour soutenir la création, le verdissement et l'extension de plus de 1000 réseaux de chaleur et de froid, dans un contexte particulièrement concurrentiel des énergies fossiles. Ces aides permettent ainsi à la chaleur renouvelable d'être compétitive. La mise en œuvre de la future réglementation thermique et environnementale des bâtiments, dont les textes sont en phase de concertation publique pour une mise en application en janvier 2022 et la démarche éco-énergie tertiaire pourraient donner une impulsion décisive au développement des réseaux de chaleur vertueux. Par ailleurs, la filière s'est fortement mobilisée en 2019, dans le cadre du groupe de travail ministériel initié par E. Wargon pour faire des propositions visant à renforcer l'attractivité des réseaux de chaleur, leur compétitivité et la mobilisation des collectivités pour le développement des projets ou leur verdissement. Le Cerema, en partenariat avec Amorce intervient auprès des collectivités petites et moyennes pour analyser l'opportunité de développement d'un réseau de chaleur et accompagner le projet le cas échéant. C'est également l'occasion d'engager une réflexion globale sur la politique énergétique de la collectivité et son projet de développement en intégrant la prise en compte du changement climatique et la qualité des espaces urbains : par exemple, restructuration de la voirie et de l'espace public pour donner plus de place aux piétons, aux vélos, aux transports publics, pour prévenir les îlots de chaleur urbains par la végétalisation, désimperméabiliser les sols, …

Construire un réseau de chaleur c'est aussi un vrai projet urbain d'espace public.
 

Articlé signé :

Cerema : Philippe Jary, Pascal Lebreton, Sylvie Leveaux, Myriam Lorcet, Aurélien Million, Jean-Baptiste Savin, Didier Soulage


Article suivant : #5 - Les ENR&R et la transition énergétique des villes - Alterea

 

Un DOSSIER réalisé avec le soutien de la :

Partager :