#32 - Le pôle technologique vert de l'université Mohammed V, à Rabat-Tamesna, Maroc

Rédigé par

yassir AZIZ

architecte, urbaniste spécialiste en patrimoine, immobilier batiment durable

6455 Dernière modification le 17/12/2021 - 12:54
#32 - Le pôle technologique vert de l'université Mohammed V, à Rabat-Tamesna, Maroc

Un bâtiment exemplaire accélérateur de nouvelles pratiques de transformation de la nouvelle ville.

Le pôle technologique vert de Tamesna est un projet pilote et ambitieux, réalisé par la présidence de l’université Mohammed V de Rabat qui cherche à travers ce dernier, à mettre en lumière son implication effective dans la stratégie nationale du développement durable insufflée par sa Majesté le Roi Mohammed V en 2010, et ainsi mettre en exergue l’exemplarité de l’État à travers une initiative concrète. 
En effet, un des objectifs majeurs du projet a été d’impacter vertueusement le développement urbain d’une ville en pleine recherche d’identité, aussi d’expérimenter le rôle que doit jouer un équipement public telle qu’une université, pour s’adapter et adapter son environnement urbain, et finalement capitaliser sur ce projet en produisant un référentiel pouvant être contextualisé, et généralisé aux multitudes autres sites existants et futurs de ladite université.

Le contexte


« Tamesna » ville jeune, datant de 2005, réalisée en périphérie de la ville de Rabat capitale du Maroc, avait comme ambition principale de résorber la forte pression démographique que subissait cette dernière, malgré un aménageur institutionnel aguerri comme la société Al OMRANE. Partant du prisme du développement durable, Tamesna s’est heurtée à plusieurs dysfonctionnements. non seulement dans sa programmation et conception mais aussi dans sa réalisation, Aujourd’hui c’est une ville à forte dominance résidentielle, une part de ville qui entame la phase de maturité en termes de d'exécution, mais se cherche toujours une réelle vocation.

C’est dans ce contexte qu’est intervenu le projet de réalisation d’une université en 2018, qui visait principalement à instaurer un véritable espace d’inclusion et d’intégration socio-spatiale et ainsi créer le socle nécessaire à un urbanisme durable tant escompté. En effet, le site de 12ha se trouve limitrophe à un quartier-dortoirs avec une vacance résidentielle importante, le paysage urbain ressemblant plus à un «no mans land » qu’à un quartier vivant avec toutes les composantes nécessaires à sa pérennité. 

Le projet


Depuis le début de la conception architecturale, -issue d’un concours de maitrise d’œuvre-, le fil conducteur du projet a été de répondre à la question suivante : « à travers le prisme du Développement durable, comment implémenter les mécanismes pédagogiques en notre possession pour réaliser un bâtiment au service des usagers, en impactant positivement la dimension environnementale à l’échelle de la ville ».
Le projet se compose de neuf bâtiments isolés, sur quatre niveaux, orientés « nord-sud » permettant de dégager deux importants linéaires de façades. 
Le premier « sud », constitué d’une double peau végétalisée sur sa face extérieure permettant de réguler la température et l’aération au sein des bâtiments en hiver comme en été à travers la plantation sur tous les niveaux des bâtiments des arbres palissés au feuillage caduc et arrosée par le biais d’un bassin enterré, dimensionné pour un stockage d’eau de 365 jour, et alimenté grâce à la récolte des eaux pluviales des bassins versants gravitairement, à travers un système rudimentaire et ancestral surnommé localement « saguia ». Aussi un système de récolte des eaux usées issues des nombreux sanitaires de l’université, très riche en nitrate pour l’arrosage exclusif des façades. Cette eau est filtrée via un processus ne nécessitant aucun entretient et permet une alimentation d’appoint, assurant ainsi la pérennité dudit bassin en temps de sècheresse. 
Le second linéaire « Nord », constitué d’une façade ventilée, et habillée d’un appareillage de pierre locale reconstituée et agrafée permettant à la façade de respirer tout en se protégeant des vents dominants qui sont nord-ouest. 
Toutes les terrasses sont isolées et plantées d’un champ photovoltaïque permettant une totale autonomie énergétique.

Du bâti à la ville

 
A travers une architecture se voulant un support pédagogique et communicationnel fort, s’inspirant des mécanismes conceptuels « low-tech et bâtiments passifs », avec un travail paysager réfléchi, le projet a réussi à essaimer de nouvelles pratiques dans son environnement immédiat. Nous voyons ainsi les habitants prendre en charge l’entretien des espaces verts publics à proximité, végétaliser les saillis et balcons des immeubles avoisinants.
Cette démarche, a même créé une dynamique à l’échelle de la ville à travers l’émergence de plusieurs projets verts et durables, ce qui a incité les responsables des collectivités locales à reprendre la réflexion sur la gestion de la ville. Vu l’importance de l’« eau », ces derniers, ont décidé de mener un réflexion basée sur les solutions de récolte des eaux pluviales et eaux usées adoptées dans le projet, afin de les généraliser sur la ville et permettre ainsi une gestion d’arrosage des nombreux espaces verts, de façon responsable. Aussi, vu la proximité de la forêt, et afin de prolonger l’aménagement paysager du projet, une réflexion d’aménagement concertée avec  les habitants, a été initier, pour aboutir finalement à l’aménagement de plusieurs parcours de santé au sein de cette dernière et ainsi l’inclure dans le patrimoine vert de la ville. 



Le Projet a été pensé aussi, dans une continuité de la forêt vers la ville, et non pas comme un front urbain constituant une limite bétonnée.  En effet, la partie Nord du site est constituée de plusieurs terrains de sports enveloppés dans une végétation luxuriante, locale et surtout pensée pour résister aux maladies fongiques éventuelles issues de la forêt. La végétation joue ainsi le rôle de front protecteur des arbres palissés qui constituent la façade sud, et par conséquent des plantations domestiques des espaces publics avoisinants.
L’objectif initialement engagé est en train d’être dépassé, puisque le projet avant même son ouverture se trouve dans une situation de catalyseur de bonne pratique à l’échelle de la ville. La ville s’ouvre enfin, sur son environnement et capitalise sur cette expérience vertueuse en invitant et encourageant l’investissement vert, 
D’ailleurs il existe aujourd’hui une multitude de sources de financement dont notamment les budgets gouvernementaux, les fondations locales, institutions nationales, bilatérales multilatérales financières de développement. Et plus concrètement on peut en citer :

  • Le Fond d’adaptation « FA » qui est un fond destiné à financer des projets et des programmes concrets d’adaptation dans les pays en développement.
  • Le fond d’équipement communal « FEC », qui pointe plusieurs domaines des compétences des collectivités territoriale, à savoir : l’assainissement liquide et solide, l’eau potable, le transport urbain, l’aménagement des espaces urbains,
  • Le fond de solidarité interrégional « FSI » qui vise la répartition équitable des ressources afin de réduire les disparités régionales.  

Une identité est en train de naitre et grandir…

Yassir AZIZ 
Architecte D.E.S.A, Urbaniste E.A.P.B, Immobilier, Bâtiment durable E.N.P.C

 


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