#30 - Eco-rénovation d'une maison individuelle : exemples de solutions reproductibles

Rédigé par

Cedissia About

architecte-urbaniste

4703 Dernière modification le 04/10/2021 - 12:51
#30 - Eco-rénovation d'une maison individuelle : exemples de solutions reproductibles

Cet article présente la rénovation frugale et durable d’une maison individuelle, située à Villejuif. Il vise à préciser les objectifs fixés à l'origine du projet, à partager les points de vigilance, mais aussi et surtout à démontrer la faisabilité et la reproductibilité de ce type d'approche en milieu urbain dense.

Le contexte immobilier francilien, rénovations par geste dans des maisons individuelles

En Ile-de-France, les maisons individuelles représentent plus de 1,5 million de logements et 27% des ménages franciliens soit plus d’1/4 du parc de logements. Le renouvellement des populations, avec le vieillissement des premiers occupants et l’arrivée de jeunes ménages, entraîne des besoins massifs de rénovation et d’adaptation de ce bâti hétéroclite. Or, les travaux sont le plus souvent réalisés par « petits bouts », pour répondre aux désordres les plus urgents, ce qui s’avère, in fine, plus coûteux et moins efficace qu’une opération globale. A l’heure où un nombre croissant d'acteurs professionnels mais aussi de citoyens se sent concerné par les enjeux environnementaux, comment associer une dimension écologique et durable à la dimension économique de ces travaux ? Comment mieux faire connaître les techniques d'éco-rénovation plus saines pour les habitants et plus durables pour l'habitat si elles sont bien pensées en amont et tout le long du chantier ?

Les retours d’expériences sont essentiels pour partager les connaissances en matière d’éco-rénovation et présenter des solutions « reproductibles ». C'est l'objet de cet article.

 

Histoire du site et éléments de cadrage

La parcelle est située à proximité immédiate du centre-ville de Villejuif. Le bâtiment le plus ancien a été construit vers la fin du 18ème siècle, puis un second édifice, ainsi qu'une dépendance, ont été bâtis en 1920. Ces trois bâtiments étaient initialement utilisés en tant que ferme, puis ils ont accueilli un atelier de carrosserie dans les années 1970 avant d'être entièrement aménagés en habitation dans les années 2000. Lors des derniers travaux réalisés, de nombreux faux-plafonds et doublages ont été posés dans plusieurs pièces, les toitures n'avaient pas été isolées sauf une partie avec de la laine de roche en lambeaux. Divers dégâts des eaux et des problèmes d'humidité dans plusieurs pièces nécessitaient des travaux d’envergure, permettant par la même occasion de repenser l'organisation et les circulations entre les espaces.


 

Le projet d'éco-rénovation

Ce projet d'éco-rénovation se fixait un double objectif : celui de valoriser le caractère patrimonial de la maison et celui d'inscrire les travaux dans une démarche écologique et frugale.

Dès les premières réflexions, le principe a été retenu de réaliser les travaux avec le recours exclusif à des éco-matériaux – biosourcés et géosourcés -, ainsi qu'à des matériaux ou mobiliers issus de l'économie circulaire. La végétalisation de la parcelle devait également être accrue (murs et toiture) pour en faire un véritable îlot de fraîcheur, avec la plantation d'espèces variées, contribuant au renforcement de la biodiversité.

En amont du chantier, le principe a été retenu de réemployer autant que possible les matériaux et mobiliers présents sur le site. A défaut, lorsque les ressources n’étaient pas utilisables pour le chantier, ces dernières étaient orientées dans les filières de réemploi ou de recyclage spécialisées.

En phase de chantier, les matériaux issus de l'économie circulaire étaient prioritairement retenus lorsqu'ils étaient disponibles. Le cas échéant, des matériaux neufs, biosourcés et géosourcés, étaient fournis par l’entreprise.

Les matériaux biosourcés ont principalement été utilisés pour les postes suivants :

  • isolation des toitures avec des rouleaux de lin, chanvre, coton ;
  • isolation des murs en coton recyclé ;
  • isolation de l'inter-dalles des deux toitures-terrasses avec de la ouate de cellulose ;
  • réalisation d'un escalier intérieur en hêtre massif ; 
  • pose de parquets-flottants des pièces de vie en chêne ;
  • pose de meubles de la cuisine en caissons de chêne massif, fabriqués par une entreprise nantaise spécialisée dans la fabrication de cuisines écologiques ;
  • remplacement d’une grande partie des menuiseries extérieures, initialement en PVC pour des menuiseries en pin massif - bois reconnu pour ses bonnes capacités isolantes -, double-vitrage, fabriqués par une entreprise spécialisée périgourdine.

 

Les matériaux géosourcés ont été utilisés pour les postes suivants :

  • mise en œuvre d’enduits en chanvre et chaux dans deux pièces de vie, pour améliorer la respiration des murs sujets à des remontées capillaires, et en améliorer les capacités thermiques et acoustiques ;
  • pose de sols et revêtements muraux dans les pièces d’eau (cuisine, salles de bain et wc) en pierre naturelle (travertin Neuville et pierre de Grigny).

D'une manière générale, ces écomatériaux ne présentent pas de difficulté majeure pour leur fourniture, ni pour leur mise en œuvre. Toute entreprise, même peu formée aux techniques écologiques, peut réaliser ces travaux.

 

Les matériaux issus de l’économie circulaire ont été utilisés pour les postes suivants :

  • carreaux de terre cuite (chutes d'un autre chantier) récupérés et mis en œuvre sur le sol d'une cuisine ;
  • pavés de verre, issus d'une ancienne cloison, intégrés dans les nouveaux cloisonnements pour améliorer la circulation de la lumière dans les pièces ;
  • armoires en bois massif récupérées et adaptées dans différentes pièces de la maison ;
  • caisses de vin en bois récupérées et assemblées pour la réalisation d’une bibliothèque ;
  • poignées de portes en cuivre récupérées et réutilisées en porte-manteaux ;
  • porte intérieure vitrée récupérée et installée en remplacement d’une ancienne porte pleine pour améliorer la circulation de la lumière ;
  • radiateurs en fonte d’occasion installés dans différentes pièces,
  • robinetteries d’occasion installées dans différentes pièces d’eau.

 

Pour l’emploi de matériaux réemployés ou réutilisés, une importante recherche est à assurer par le maître d’ouvrage et/ou le maître d’œuvre tout au long du chantier. Lorsque les matériaux et mobiliers nécessaires sont disponibles au moment souhaité, prévoir d’être en mesure de les récupérer (avec un moyen de transport notamment) et de les stocker si besoin. Par ailleurs, ces matériaux et mobiliers n’étant pas connus au moment de la signature des devis ou du démarrage du chantier, il est important de prévoir une marge d’ajustement avec l’entreprise, sur son devis d’une part et son calendrier d’avancement des travaux d’autre part. 

En complément du travail mené sur le choix d’éco-matériaux, une réflexion a été engagée sur les économies d'énergie avec, outre l'isolation des toitures et murs, la mise en place d'une ventilation mécanique dans les pièces d'eau, le remplacement de la chaudière à gaz par une chaudière à gaz à condensation, et le maintien des panneaux solaires photovoltaïques (20 m² existants).

Une attention particulière a été portée sur la gestion des déchets de chantier. L'entreprise a trié les gravats, le plâtre lorsque cela était possible (non collé à du polystyrène notamment), le cuivre, les câblages électriques. Les menuiseries en PVC ont été déposées sur le site d'une association spécialisée dans le démantèlement et le recyclage de ce type d'huisseries. Une grande partie des sanitaires et vasques, des pavés de verre et divers mobiliers ont également été récupérés par l'entreprise pour de futurs usages. Les pierres issues de l'ouverture des baies ont été utilisées pour réaliser deux murets en pierres sèches dans le jardin. Les anciens pavés de la cour, retrouvés enterrés dans le jardin, ont permis de réaliser un espace en pavage enherbé.

L'aménagement des espaces libres de la parcelle a consisté à compléter les plantations existantes du jardin, en renforçant notamment les strates végétales avec la plantation d'arbustes et de graminées, principalement d'origine régionale, et en végétalisant la toiture-terrasse, en la rendant accessible grâce à l'ouverture d'une porte-fenêtre. La végétalisation y est désormais de type prairie fleurie, avec quelques aromates et plantes grimpantes. Des nichoirs ont également été installés sur le mur mitoyen. 

L'entretien du jardin est réalisé suivant des principes écologiques avec l’emploi d’engrais et de substrats exclusivement issus du lombricomposteur et des composteurs de bio-déchets et de déchets verts, installés sur place.

 

Bilan des travaux

Du point de vue économique, les points clés à retenir de cette expérience d’éco-rénovation sont d’une part que l'utilisation d’éco-matériaux engendre un très léger surcoût, de l’ordre de 10%, mais que les matériaux sont plus robustes et durables dans le temps. D’autre part, les matériaux issus de l'économie circulaire permettent de réaliser de réelles économies sur la fourniture, mais la mise en œuvre est plus élevée du fait du temps nécessaire pour l’adaptation sur site. Enfin, l’engagement de travaux d'envergure - moins coûteux au mètre carré que la réalisation de petits travaux successifs - permet de rénover globalement les réseaux, plomberie et électricité, en les optimisant et en assurant leur conformité aux normes en vigueur.

Le fait de prendre soin, de « soigner » une maison, est particulièrement gratifiant pour l'architecte et les occupants. De plus, le choix d'utiliser des matériaux sains et naturels, valorisant les spécificités patrimoniales de la maison, a certes nécessité du temps de recherche, mais cela a largement contribué à améliorer les qualités structurelles de la maison ainsi que son confort. Les pièces sont ainsi mieux aérées et la température est uniforme d'une pièce à l'autre. Au-delà de ces constats, la dépose des nombreux doublages et faux-plafonds a permis de redonner de la hauteur et du volume aux pièces, de redécouvrir des baies, des fenêtres ainsi qu'une verrière obstruée. Chaque pièce dispose désormais d'un éclairage naturel, la lumière circule librement, ce qui contribue grandement au bien-être dans la maison.

Crédit photo: Cedissia About

Escalier extérieur en bois et briques en terre cuite, avec enduit à la chaux


Crédit photo: Cedissia About

Toiture-terrasse végétalisée avec garde-corps en bois récupéré


Crédit photo: Cedissia About

Salle de bain en pierre naturelle (travertin) et pavés de verre récupérés

Crédit photo: Cedissia About

Bibliothèque en caisses de vin en bois récupérées

cid:a567877a-5040-474b-b888-d88749175750@paris.fr

Un article signé Cedissia ABOUT, architecte journaliste

 

Contacts utiles :

Les entreprises spécialisées dans la revente de matériaux du bâtiment sont actuellement les suivantes : Cycle up : https://www.cycle-up.fr/ ; Backacia : https://www.backacia.com/ ; Readymader : https://readymader.com/ ; Le bon coin : https://www.leboncoin.fr/

 


Article suivant : #31 - De l’incitation à la mise en œuvre d’une opération complexe de réhabilitation énergétique : l’exemple des Dahlias en Nouvelle-Aquitaine

Retour à la page d'accueil du dossier

UN DOSSIER RÉALISÉ AVEC LE SOUTIEN DE :

Partager :