[Dossier santé] # 26 - Retour d’expérience sur la qualité sanitaire d’un bâtiment frugal : le LowCal

Rédigé par

Flore Bienfait

Responsable France Solution ERA

3515 Dernière modification le 15/12/2020 - 13:28
[Dossier santé] # 26 - Retour d’expérience sur la qualité sanitaire d’un bâtiment frugal : le LowCal

Face aux problématiques grandissantes de santé à l’intérieur des bâtiments, à l’urgence d’une construction respectueuse de l’environnement et dans un contexte d’amélioration permanente de la qualité du bâti, le LowCal, bâtiment frugal de nombreuses fois primé, se distingue aussi en soutenant la qualité de vie de ses occupants.

Qu’est-ce que le LowCal ? Pourquoi s’y intéresse-t-on ?

Le LowCal est le premier bâtiment tertiaire français à avoir été labellisé E4C2, BBCA niveau Excellence et BEPOS+ Effinergie. Conçu, et actuellement utilisé en tant que bureaux, par la SCOP Enertech, ce bâtiment bioclimatique d’environ 600 m² a pour ambition d’être un démonstrateur de qualité, permettant d’accélérer le déploiement de constructions à coûts maitrisés, low-tech, locales et très performantes environnementalement. Également lauréat des Green Solution Awards dans la catégorie « Bas carbone » et « Grand prix de la construction durable », vous pourrez retrouver son étude de cas sur Construction 21.

Aperçu du LowCal

 

Le concept du LowCal est basé sur les 5 piliers présentés ci-dessous :

Les 5 piliers du concept LowCal

Le LowCal face à la qualité de vie de ses occupants

Dans l’objectif d’un développement durable, si le bâtiment LowCal répond aux enjeux environnementaux grâce à une maitrise de l’énergie et des ressources ainsi qu’aux enjeux économiques avec un coût abordable et un ancrage territorial, qu’en est-il de l’humain ?

En effet, vu les spécificités de construction de ce bâtiment frugal, nous pouvons nous poser les questions suivantes :

  • Un bâtiment sans système de chauffage ni de climatisation permet-il d’assurer une ambiance thermique acceptable en toute saison ?
  • Un bâtiment valorisant le bois, très étanche, avec un renouvellement d’air intermittent est-il compatible avec une bonne qualité d’air intérieur ?
  • Peut-on limiter les nuisances acoustiques dans un bâtiment en structure bois et planchers légers ?
  • Face aux solutions de plus en plus techniques d’éclairage (détection de présence, gradation lumineuse, communication inter-luminaires…), une solution low-tech peut-elle être qualitative ?

Ces interrogations ont fait l’objet d’une thèse professionnelle en 2018 dont je vous livre ici quelques résultats.

Méthode d’évaluation de la qualité sanitaire du LowCal

Suite à une étude sur la pertinence des méthodes d’évaluation existantes par rapport au bâtiment LowCal et à un état des lieux des mesures disponibles dans le cadre d’un plan de mesurage de 2 ans, une méthode d’évaluation combinée spécifique a été définie. Cette méthode d’évaluation de la qualité sanitaire du LowCal comprend :

  • la relève de différents indicateurs liés à l’environnement intérieur,
  • une évaluation objective par comparaison des critères sanitaires selon la norme NF EN 15251 et selon le référentiel OsmoZ lié à la qualité de vie au travail,
  • une évaluation subjective statistique du ressenti des occupants par rapport à l’ambiance intérieure.
  • une simulation thermique dynamique du bâtiment dans une projection de climat en 2030 et en 2070.

Cette méthode d’évaluation combinée permet d’obtenir des résultats plus fiables sur la qualité sanitaire. En effet la mesure donne un socle qui a toute sa légitimité dans l’étude mais que le ressenti des occupants vient nuancer, comme par exemple pour l’environnement thermique dans le cas du LowCal. D’autre part, certains critères sanitaires sont plus difficiles à évaluer pour les occupants et la mesure permet alors une étude plus fine.

Qualité de l’environnement hygrothermique

Au strict sens sanitaire (plage de 21 à 25°C) l’environnement thermique du LowCal pourrait être considéré comme froid en hiver, les températures étant plutôt autour de 19°C, mais est jugé confortable par la majorité des occupants.

L’environnement thermique d’été est globalement agréable même si les bureaux de l’étage peuvent rencontrer d’occasionnelles surchauffes.

Les températures d’été et d’hiver sont toutes deux amenées à se réchauffer d’ici à 2070, ce qui génèrera une ambiance thermique d’hiver plus agréable et une ambiance thermique d’été relativement chaude (28°C à 30°C). Des solutions complémentaires pour limiter les températures estivales des bureaux, comme des brasseurs d’air, seront alors à mettre en œuvre mais le LowCal pourra toujours se passer de système de climatisation.

L’hygrométrie est très satisfaisante, à tendance légèrement humide.

Qualité de l’environnement lumineux

L’environnement lumineux du LowCal semble être le plus qualitatif. Les retours de l’évaluation OsmoZ et de l’enquête auprès des usagers sont excellents. Le large accès à la lumière naturelle est indéniablement le point fort de la conception du LowCal. L’éclairage artificiel est apprécié bien qu’encore parfois jugé trop fort par les usagers (300 lux).

La solution des volets pleins en bois massif à l’Est et à l’Ouest pourrait être améliorée car elle plonge les usagers dans l’obscurité lorsqu’ils sont obligés de les fermer pour se protéger de la chaleur en été.

Qualité de l’environnement acoustique

L’environnement acoustique obtient des résultats moyens par la norme NF EN 15251 et par l’évaluation OsmoZ. C’est l’environnement le moins apprécié par les usagers, dont plus de la moitié ne le juge pas confortable. Les bruits extérieurs sont bien atténués par l’enveloppe, mais en revanche, les bruits intérieurs comme les conversations parasites sont bien présents.

Enertech a, depuis 2018, cherché à améliorer le concept de LowCal en ajoutant une solution de plafond tendu acoustique à faible énergie grise dans certaines pièces et qui serait donc à réévaluer.

Reste la problématique liée à la VMC double flux décentralisée. Cette solution est bruyante et détériore l’environnement acoustique ou de la qualité d’air intérieur selon le réglage appliqué par l’utilisateur.

Qualité d’air intérieur

Lors de l’évaluation par la norme NF EN 15251 et OsmoZ, la qualité d’air intérieur apparait comme un des critères sanitaires les plus pénalisés dans le LowCal en lien avec les débits de renouvellement d’air appliqués manuellement par les utilisateurs, insuffisants par rapport aux normes et réglementations. Les occupants eux semblent satisfaits de la qualité d’air intérieur. Enertech informe les occupants du LowCal afin que chaque unité de traitement d’air soit correctement réglée en fonction du nombre de personnes dans le bureau. Cependant les usagers règlent le débit qui leur convient le mieux, à savoir un débit faible pour ne pas être dérangé par le bruit.

Toutefois, l’air intérieur n’est pas confiné car les concentrations en CO2 dans les bureaux sont bonnes. De plus, lors de la conception du LowCal, une attention particulière a été portée aux revêtements intérieurs afin de n’utiliser que des matériaux dont les émissions en COV (composés organiques volatils) sont de classe A+.

Les principaux polluants impactant la santé (définis par l’ANSES) sont dans des concentrations très faibles mais de part une coupure de la ventilation en période d’inoccupation des locaux, les taux de COV globaux dépassent de temps à autres la valeur seuil référence, en particulier le matin.

Les teneurs en formaldéhyde, alpha-pinène et hexaldéhyde sont plus élevées que dans des bâtiments n’ayant pas une aussi forte présence de bois (construction et mobilier). Ces substances émises par des matériaux naturels sont à surveiller et à diminuer par un renouvellement d’air plus important afin de limiter les risques d’irritation des voies respiratoires, des yeux et de la peau.

La ventilation est indispensable et devrait réellement être augmentée dans ce type de bâtiment afin de garantir un air de bonne qualité durant les premières années d’exploitation, là où les matériaux émettent le plus de COV.

Conclusion et perspectives

La qualité sanitaire de LowCal peut être globalement qualifiée de bonne.

Au niveau thermique le bâtiment est encore dans une période de rodage car il n’est pas utilisé à son plein potentiel (25 personnes au lieu de 35). La présence de 35 personnes et le réchauffement climatique vont dégrader l’ambiance thermique estivale. L’impact de l’intégration de brasseurs d’air dans les bureaux serait à étudier au niveau de l’ambiance thermique, de l’ambiance acoustique et de la surconsommation énergétique induite.

Selon les projections en 2030 et 2070, une solution de climatisation n’aura a priori pas besoin d’être ajoutée ce qui est véritable un atout pour le concept low-tech du LowCal mais également pour l’ambiance acoustique et la qualité d’air intérieur.

Au niveau de la qualité d’air intérieur une étude sur l’impact thermique d’une ventilation permanente ou d’une aération matinale quotidienne serait intéressante ainsi que la compensation énergétique en chauffage induite.

Les différents types d’environnement étant très liés, des améliorations sont possibles pour rendre la qualité d’ambiance intérieure du LowCal excellente, mais leur étude devra toujours prendre en compte l’impact sur les 4 aspects de l’environnement intérieur présentés ici.

Notons que l’humain a une place essentielle dans la qualité sanitaire d’un bâtiment, que ce soit par son ressenti ou son action sur les différents systèmes à sa disposition. C’est pourquoi il est indispensable de bien informer les usagers sur le fonctionnement optimal d’un bâtiment et les risques sanitaires qui y sont associés.

Le retour d’expérience engendré par cette étude pourra permettre de consolider et d’appuyer le concept LowCal afin que son exemplarité dépasse le cadre environnemental et soit également reconnue pour la qualité de vie des occupants.

 

Pour aller plus loin, consultez l'étude de cas du projet LowCal sur Construction21 

 

Un article signé Flore Bienfait (Responsable France chez Solution ERA – Ovivant)

http://solutionera.com/france/

 

 

 Consulter l'article précédent :  # 25 - WELL, OsmoZ, Fitwel : à quoi servent les certifications et labels « santé bien-être » ?

 


           

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