#17 - Agréger et mutualiser le développement de petits projets pour mieux les financer

Rédigé par

Justine Bain-Thouverez

Avocate Associée chez LLC & Associés | Docteur en Droit Public Responsable du Pôle Affaires / Energie | Experte en droit de l’Energie et de l’Environnement

2503 Dernière modification le 22/12/2022 - 18:31
#17 - Agréger et mutualiser le développement de petits projets pour mieux les financer

La crise actuelle des marchés de l’énergie a pour effet de mettre en exergue les facteurs de vulnérabilité de l’Union européenne et de ses États membres. Elle remet au premier plan les enjeux de souveraineté énergétique (à défaut de la sobriété), venant renforcer les enjeux liés au dérèglement climatique. Dans ce contexte d’urgence politique et environnementale, où la preuve de la transition énergétique n’est plus débattue, les territoires comme les acteurs privés ne doutent plus du « pourquoi » et du « vers où » : ils cherchent le « comment ». Ce sont donc à la fois l’échelle et la vitesse de transition qui sont questionnés, pour les opérateurs publics et privés.

Proposer des solutions concrètes de retour à une souveraineté énergétique

En termes d’échelle, le modèle énergétique au plus près des territoires est plébiscité. Le circuit court se définit ici comme une source d’énergie locale, distribuée à des consommateurs situés à proximité des lieux de production. Il convient de compléter cette première singularité en précisant que ces échanges d’énergies doivent être gérés contractuellement et organisés par un acteur avec une gouvernance issue du même territoire que les lieux de production et de consommation. Ce modèle permet de réduire les coûts commerciaux et de dérisquer le développement de projets locaux, avec un volume d’affaires potentiellement garanti.

Optimiser le cout de développement de projets en les groupant

Ensuite, la vitesse de transition requiert une massification au travers d’une approche nécessairement globale. Il ne s’agit plus de penser la réalisation des installations de production d'énergie renouvelable de manière isolée, mais de regrouper des projets pour standardiser les étapes de développement et former une grappe de projets. Cette force de frappe modifie les équilibres pour négocier les coûts de production et d’exploitation. In fine, cela permet de présenter un besoin d’investissement plus conséquent, ouvrant à plus de disponibilités de financement et à des coûts optimisés. La constitution de portefeuilles de projets trouve donc un écho favorable auprès des différents types de propriétaires (collectivités et leurs regroupements, bailleurs sociaux, enseignes commerciales, etc.). Cet accueil favorable est soutenu par un contexte de croissance des offres de tiers investissement, particulièrement adaptées à cette logique de portefeuille. Ces offres concernent des acteurs possédant beaucoup de sites, et s’étend aujourd’hui au secteur diffus (agriculteurs, particuliers, artisans, entreprises, etc.).

Dans l’exemple d’une production électricité photovoltaïque, un préalable nécessaire à la constitution de portefeuilles, consiste à identifier les surfaces solarisables, au travers d’outils géomatiques, et à les qualifier, en appliquant une série de conditions favorables. Ce besoin fait encore plus de sens pour les installations de petite puissance. Ces étapes permettent d’éliminer au plus tôt les surfaces qui ne sont pas solarisables, puis de de se concentrer sur une stratégie de solarisation des surfaces pertinentes. Cette stratégie va intégrer les différents modes de valorisation et de mise à disposition des surfaces, et identifier un rythme de développement adapté.

Les techniques utilisées pour industrialiser ces étapes préparatoires sont nombreuses : cadastre solaire qualifiant le gisement solaire et les contraintes de développement, repérage automatique du matériau de couverture, récolte simplifiée des données de consommation, interrogation simplifiée des capacités de raccordement, notes d’opportunité automatiques, etc.

Utiliser des structures avec des gouvernances locales pour ces projets

Cette logique de massification et d’agrégation de projets trouve sa place avec des structures de gouvernance et de coopération locales innovantes. La création croissante d’organes territoriaux, de la SAS dite « Loi de Transition Energétique » (LTE) à la communauté d’énergies renouvelables, produisant des énergies renouvelables grâce à des installations obligatoirement situées sur leur territoire ou sur des territoires situés à proximité, c’est autant de véhicules d’investissement visant à massifier l’offre de projets de transition énergétique, en fédérant un investissement local et citoyen. Ces outils juridiques permettent également d’accélérer l’offre de projet en développant le tiers investissement et porter les actions exigées par la transition énergétique sans que les collectivités actionnaires ou leurs groupements ne supportent l’intégralité du financement des projets. 

Le constat alarmant d’une part importante des produits industriels importés, bien souvent à forte empreinte environnementale et la disparition corrélative d’investissements structurants, nous impose d’accélérer le déploiement de nouvelles offres et filières locales. Cela passe par de nouvelles stratégies financières permettant tout à la fois de relocaliser les productions, diminuer son empreinte carbone et mutualiser ces nouveaux investissements énergétiques adossés à la fois à des logiques de temps de retour spécifiques et à un objectif de gestion durable de l’énergie. 

Au vu des objectifs énergétiques nationaux, il est nécessaire de stimuler le développement de ces logiques décentralisées de massification et d’agrégation, pour que chacun puisse contribuer à la transition énergétique de nos territoires.

Un article signé Justine Bain-Thouverez, avocat associé chez LLC et ASSOCIES, et  Aurélien Bertin et Christophe Duperrier, cogérants de Valoen.


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