#15 - Surélévation et division parcellaire : densifier pour mieux rénover

Rédigé par

Olivier Brane

Avocat immobilier honoraire, formateur

1516 Dernière modification le 01/04/2022 - 12:01
#15 - Surélévation et division parcellaire : densifier pour mieux rénover

Voilà comment il est possible d’autofinancer les travaux de rénovation énergétique par la vente du toit en vue de surélever le bâtiment et d’y construire de nouveaux lots, une « vente de droits à construire » : Le « nouveau foncier aérien » comme disent les agents immobiliers !

La division parcellaire vise au même but : dégager un financement par la vente d’une parcelle sur une propriété donnée qu’elle soit ou non en copropriété en vue d’y construire de nouvelles unités.

Depuis la loi ALUR du 24 mars 2014 complétée par la loi ELAN du 23 novembre 2018 le droit applicable a été révolutionné puisqu’il encourage les deux processus.

De plus, faire autofinancer les travaux de rénovation notamment énergétique en employant les fonds issus de la vente des nouvelles unités permet de soulager l’Etat de l’effort financier considérable consacré à la rénovation énergétique (7 milliards d’euros en 2022…)

L’abaissement des votes de majorité des projets de surélévation et le maintien de la défiscalisation de la plus-value générée par la vente du toit si les fonds sont employés dans les deux ans à la construction d’habitations sont des évolutions réglementaires utiles pour cela.

Un nouveau marché pour une rénovation énergétique poussive

La Mairie de Paris a publié une étude (de l’APUR) aux termes de laquelle 11 000 immeubles sont surélevables à Paris sous réserve de l’obtention administrative qui souvent nécessite l’accord de l’Architecte des bâtiments de France.

En régions, certaines études privées commencent à être publiées et le tissu local des agents immobiliers s’intéresse de plus en plus aux surélévations et aux divisions parcellaires au sol pour dégager du foncier. Les bailleurs sociaux aussi !

Tout dépend naturellement du coût de construction par rapport au prix de revente des nouveaux lots…Mais attention ! « Le parcours du combattant » nécessite une forte équipe de spécialistes, une véritable « dream team » : notaire, syndic de copropriété, conseil syndical, architecte, géomètre et bureau d’études (structure et fondations), bureau d’études thermiques, promoteur, et le cas échéant, avocat pour évacuer les contestations, mais aussi le conseiller info énergie de l’ADEME avec possibilité de présence d’un AMO (Assistant maitre d’ouvrage).

Dans le meilleur des cas la surélévation et la rénovation énergétique vont se réaliser en même temps ce qui permettra des économies substantielles de coûts de chantier…

Nul doute que les nouvelles interdictions à terme par la loi CLIMAT d’augmenter les loyers ou de louer les passoires énergétiques (à partir de 2023…) vont accroître les recherches de financement, et donc du foncier disponible sur ou autour de l’immeuble.

Et d’autant plus que selon la Cour des Comptes (9/3/22), le système de financement public « MAPRIM’RENOV » n’est pas aussi performant que prévu : 2 500 logements au lieu de 80 000 prévus…

Selon l’ADEME, rénover un appartement coûterait en moyenne entre 10 000 et 40 000 euros

Une révolution juridique

Les lois ALUR et ELAN ont profondément modifié le droit applicable en copropriété.

Le vote en assemblée générale de copropriété d’un projet de surélévation est successivement passé de la double majorité l’article 26 de la loi du 10/7/1965 (2/3 des voix ET moitié des copropriétaires) à la majorité absolue seule de l’article 25 (50% + 1 voix), qui pourra même être revoté en seconde lecture à l’article 24 (majorité des présents et représentés) si le premier vote a réuni plus de 1/3 des voix!  L’ancien droit de veto des copropriétaires du dernier niveau a disparu au profit d’un droit de priorité de ces mêmes copropriétaires.

La réforme du fonds travaux et du plan pluriannuel de travaux (PPAT) obligatoire à terme suivant la taille de la copropriété, couplé au Diagnostic Technique Global (DTG) et son option surélévation et analyse du patrimoine, doperont sans doute le marché.

La législation nouvelle permet la création des nouvelles surfaces constructibles en copropriété, que le syndicat des copropriétaires le fasse lui-même, ou bien que le nouveau foncier soit vendu à un promoteur.

En droit de l’urbanisme, lui aussi réformé, les dérogations au PLU sont fortement permises et encouragées avec un système de permis de construire particulier édicté par une Ordonnance DUFLOT suivi de son Décret d’application du 3 octobre 2013 (et d’une circulaire PINEL qui détaille la procédure incitatrice).

La suppression du Coefficient d'occupation des sols (COS) remplacé par la notion de « gabarit » depuis la loi ALUR permet aussi de densifier le bâtiment non seulement en hauteur mais aussi en le « gonflant » avec par exemple de nouvelles loggias augmentant les surfaces des appartements.

Les services instructeurs accorderont les dérogations au cas par cas en fonction de critères souvent environnementaux et esthétiques. C’est surtout le cas pour les « dents creuses », ces espaces partiellement construits ou non entourés de parcelles bâties, qui peuvent être comblés.

Quant aux divisions parcellaires, elles sont encouragées par la loi ALUR et la grande réforme de la copropriété par la loi ELAN qui a modifié le système des scissions de copropriétés permises en copropriété à la majorité de l’art. 25 avec possibilité de voter en seconde lecture à la majorité inférieure.

La création législative très attendue des « volumes » et « lots transitoires » facilitera également la technique de réalisation notariée de ces nouveaux fonciers.

A condition de vaincre la résistance parfois de certains copropriétaires qui pratiquent le  « NimBY » (« Not in my Backyard »).   À cet égard, une réforme du droit de la copropriété comme nous le suggérons ci-après viendra à bout des échecs que nous constatons.

Dans tous les cas de figure, surélévation ou division parcellaire, le géomètre et le Notaire recomposeront le règlement de copropriété et l’état descriptif de division, pour constituer de nouveaux tantièmes si l’on est en copropriété.

Pour le plus grand bonheur des copropriétaires car les charges baisseront puisqu’il y aura plus de copropriétaires pour les payer. Si l’on couple la surélévation ou la division parcellaire, la baisse des charges d’énergie sera également au rendez-vous !

Naturellement les sociétés foncières, les bailleurs sociaux, ainsi que tout ce monde immobilier des « monopropriétés » sont mobilisés sur les nouvelles techniques qui font également avancer les méthodes de gestion et de construction.

De nouveaux savoir-faire

Les copropriétés sont souvent nées des mains des promoteurs et, clin d’œil de l’histoire, elle s‘en remettent à eux pour nombre de projets de surélévation ou de division parcellaire qui leur sont confiés pour augmenter les surfaces à vendre.

Des méthodes plus directes sont également possibles lorsque le projet est réalisé à l’initiative des copropriétaires du dernier étage.  Mieux encore, mais cela n’a pas été réellement expérimenté : lorsque la copropriété réalise pour elle-même le projet. Seule contrainte économique : que le prix de vente des nouveaux mètres carrés absorbe les coûts de construction et les marges des différents intervenants.

Tout commence par un bilan initial de surélévation qui doit établir dans quelles conditions est possible la surélévation sur les plans juridique (votes en AG, modification du règlement de copropriété et refonte des charges), administratif (permis de construire), technique (l’aptitude du bâtiment initial à porter le projet), et enfin, clef de voûte de l’ensemble, le bilan économique de l’opération.Il en est de même pour l’étude d’une division parcellaire, le tout sur fond de financement conjoint de la rénovation énergétique du bâtiment en son entier.

Enfin et c’est au pied de ce mur que trop de projets échouent, l’aspect social dominant si on ne le gère pas convenablement : les habitants sont-ils prêts à accueillir et porter le projet ?

Au-delà de l’analyse vertueuse du bilan économique d’un projet de surélévation, nous constatons malheureusement sur le terrain que ces projets provoquent d’abord en copropriété, des peurs, des jalousies, des oppositions de toutes sortes qui font avorter nombre que projets quand ils ne partent pas en procédure judiciaire.

Ce constat associé aux retours également mitigés sur l’aptitude des copropriétaires à engager des projets de réhabilitation, nous a amenés à rechercher des solutions qui permettraient de s’abstraire du déni de gestion des copropriétaires et qui permettraient de prendre en compte une gestion à long terme de l’habitat.

Vers un nouvel habitat

Une solution pourrait résider d’abord dans une nouvelle forme juridique, comme celle existante au Canada et aux Etats-Unis : la coopérative d’habitation par capitalisation. Le bien, l’immeuble, est détenu par tous ses propriétaires au travers d’actions qui lui octroient la détention de son appartement.

Il s’agit de sortir de la loi de 65 pour libérer les propriétaires de toute responsabilité dans la gestion de cet immeuble qui incombe à la coopérative. La gestion en est détenue au sein de la coopérative via un conseil d’administration dont le Président est un professionnel. Elle est conçue pour ne pas générer de charges autres que les charges individuelles.

Autres atouts de cette structure : dès sa conception, l’immeuble a été dessiné pour fournir des locaux communs destinés à la location pour équilibrer les charges résiduelles (charges « 0 »); des équipements conçus pour offrir une taux de vétusté très faible à long terme ; ainsi qu’une grande modularité des plateaux horizontaux et circulations verticales afin d’en optimiser l’usage.

Cette nouvelle forme d’habitat fait l’objet de retours particulièrement favorables des praticiens qui l’ont expérimentée.

Dans l’univers des rénovations énergétiques, la surélévation et la division parcellaire sont les prémices de réalisations nouvelles pour sortir du « brouillard » du logement. Elles sont désormais comprises comme des moyens efficace de financer les travaux de rénovation et de requalification en copropriété.

Il existe cependant une condition préalable : que la loi française prévoie ce type de statut, ce que nous l’association Planète Surélévation s’emploie à faire dès maintenant en appelant toutes les forces intéressées à les rejoindre.

Un article signé Olivier BRANE, Avocat honoraire, formateur et Dominique SEVRAY, syndic de copropriété, formateur, tout deux membres de l’Association PLANETE SURELEVATION.

 


Article suivant : #16 - Comment impliquer les citoyens dans le financement des projets de transition des villes et territoires : le crowdfunding

Retour à la page d'accueil du dossier

 

Partager :