#14 - Les matériaux biosourcés : une réalité de terrain et une offre qui se renforce pour répondre à la RE2020

Rédigé par

Guillaume Delannoy

Adjoint Responsable Développement Industriel et Etude

8157 Dernière modification le 01/08/2022 - 16:22
#14 - Les matériaux biosourcés : une réalité de terrain et une offre qui se renforce pour répondre à la RE2020

Au-delà de la gestion des ressources et des principes d’économie circulaire, le stockage de carbone biogénique et l’Analyse de Cycle de Vie (ACV) dynamique retenus dans la RE2020 vont rendre les matériaux biosourcés indispensables dans le secteur du Bâtiment. Bien que des solutions existent depuis de nombreuses années/siècles, de nouveaux produits continuent d’être développés avec de nouvelles ressources afin de répondre aux différents enjeux propre à la décarbonation du Bâtiment.

Une définition des matériaux biosourcés non contraignante

D’après l’arrêté de 2012 relatif au label Bâtiment biosourcé, « Les matériaux biosourcés sont, par définition, des matériaux issus de la biomasse d’origine végétale ou animale. ». Il n’y a donc pas, pour ce label ou sur d’autres textes normatifs de seuils minimaux à atteindre pour définir un matériau biosourcé dans le Bâtiment.

Le label « Produits Biosourcés » propose néanmoins une démarche intéressante, fixant des seuils par typologie de produits. Cela permet de prendre en considération les réalités techniques et de marchés afin de favoriser par famille de produits l’intégration de biomasse. Par exemple le seuil minimal est de 70 % pour un isolant semi-rigide et de 10 % pour une membrane d’étanchéité.

De nombreuses solutions déjà présentes dans le Bâtiment

On retrouve des solutions biosourcées dans de nombreux matériaux :

  • structure (charpentes, blocs porteurs, poteaux, …),
  • isolants (rigides, semi-rigides, vracs, bétons végétaux, bottes de pailles, …),
  • revêtements de mur (panneaux, bardages, …), de sols (linoléums, parquets, lames de terrasse, …) ou de toiture (chaumes, …),
  • chimie de formulation (colles, adjuvants, mortiers, plasturgie, …).
     

Au-delà du bois, et de ses dérivés (liège, ouate de cellulose), on retrouve de nombreuses biomasses végétales (chanvre, lin, colza, blé, riz, amidon à partir de pomme de terre ou de maïs, coton, herbe, bambou, roseau, miscanthus, algues, …) ou animales (mouton).

Il est possible généralement de différencier les cultures dédiées pour des applications matériaux (chanvre, lin, bois, …) de l’utilisation de co-produits agricoles (paille de blé, de colza, …).
 

 

Des filières avec des degrés de maturité différents

La structuration de l’amont agricole est très différente en fonction des filières de biomasse.
En effet, certaines ont déjà une approche industrielle permettant de fournir plus facilement des matières premières selon un cahier des charges définit par le fabricant de matériaux (bois, chanvre, lin, amidon, …).
D’autres filières comme les céréales traitent leurs pailles mais sans forcément avoir par défaut la vision matériau et de ses contraintes.
Enfin, un changement de pratique est nécessaire sur des cultures comme le colza ou le tournesol pour massifier l’export des pailles communément laissées sur champs.

Au-delà du bois, des filières ou organismes se structurent pour accompagner le développement des matériaux biosourcés. On retrouve notamment les filières Chanvre (Interchanvre - Construire en Chanvre – Chanvriers en Circuits Courts), bottes de Paille (RFCP), balles (bâtir en Balles) ou Ouate (ECIMA) au sein du Collectif des Filières Biosourcées du Bâtiment (CF2B). Les industriels des isolants biosourcés sont également regroupés dans l’Association des Industriels de la Construction Biosourcée (AICB).

 

Des matériaux qui se développent fortement

Visible notamment sur les isolants, le nombre de produits biosourcés augmentent significativement ces dernières années, utilisant de nouvelles matières premières (anas de lin, herbe, paille de riz, jute recyclé, …) mais aussi par la déclinaison de solutions avec des matières plus connus historiquement (ouate, coton recyclé, fibres de lin, fibres et granulats de chanvre, paille de blé, …).

Comme le montre l’étude sur les isolants thermiques pour le bâtiment de TBC Innovation réalisée en novembre 2021, le volume des isolants biosourcés est de 3 350 milliers de m3 en 2021, soit une augmentation d’environ 30 % sur ces 6 dernières années.

Cette augmentation va se poursuivre. Des acteurs historiques comme CAVAC Biomatériaux ou Isonat investissent pour augmenter significativement leurs capacités de production [1 et 2].

La question de la ressource est souvent évoquée comme un risque pour la massification des solutions biosourcées. Néanmoins, de nombreuses ressources sont disponibles et encore peu valorisées aujourd’hui. Sur les plus de 9 millions de tonnes de fibres végétales techniques disponibles, seulement 0,2 à 0,3 millions de tonnes seraient valorisées (FRD).

 

La RE2020 intègre l’impact environnemental des Bâtiments et le confort d’été

L’intégration de l’approche environnementale dans la réglementation de la construction est nécessaire pour atteindre les objectifs de la lutte contre le réchauffement climatique. Ainsi l’impact environnemental des Bâtiments sera calculé à l’aide de l’Analyse du Cycle de Vie. Cet outil prend en compte l’ensemble de la vie du Bâtiment depuis l’extraction des matières premières pour la fabrication des matériaux jusqu’à sa fin de vie, en passant par l’impact du chantier, les consommations d’eau et d’électricité pendant la vie du bâtiment. Pour les matériaux, une ACV est réalisée, formalisée sous la forme de FDES (Fiche de Données Environnementales et Sanitaires) disponible sur la base INIES.

De plus, le confort d’été est calculé selon un nouvel indicateur traduisant un nombre d’heure d’inconfort. Le recours par exemple à un béton de chanvre peut être intéressant en raison de son déphasage qui est compris entre 8 et 13h selon les fiches techniques de matériaux (sources 1 et 2), ceci grâce à sa densité et à sa capacité thermique massique plus élevée
 

Carbone biogénique et ACV

Le carbone biogénique est le carbone issu du CO2 capté par les plantes lors de leurs croissances par photosynthèse. Cela devient donc un flux intrant de CO2 dans l’Analyse de Cycle de Vie sur l’étape des matières premières. Il se caractérise ainsi par une valeur négative sur l’impact réchauffement climatique dont l’unité est en kgCO2eq. Ainsi, tout au long de la vie du matériau, le CO2 est stocké dans le bâtiment. Ce stockage est même repoussé dans le cas de réemploi ou de recyclage.

Sur la première version de la norme (NF EN 15804+A1) sur la méthodologie de calcul de l’ACV pour le Bâtiment, si le matériau biosourcé n’était que partiellement dégradé, il n’y avait qu’une partie du CO2 qui était réémis dans l’atmosphère. Il était alors possible d’obtenir des matériaux avec des valeurs d’impacts sur le réchauffement climatique négatives sur l’ensemble du cycle de vie.

Dans la nouvelle version de la norme (NF EN 15804+A2), le carbone biogénique doit être calculé mais doit être totalement réémis en fin de vie, quel que soit le scénario de fin de vie retenu. Ainsi, il n’y aura probablement plus de FDES avec des impacts sur le réchauffement climatique à scores négatifs.
 

L’ACV dynamique dans la RE2020

Lors des arbitrages sur la RE2020, et notamment le calcul de l’impact environnemental des bâtiments, l’ACV dynamique a été retenu avec comme principe l’application d’un facteur de pondération en fonction de l’année d’émissions de CO2. Ainsi, plus une émission est tardive, moins elle sera impactante dans le calcul d’impact environnemental du Bâtiment.

Cela se traduit par une prise en compte totale des impacts lors de la fabrication du matériau et de sa mise en œuvre, puis réduite notamment lors de la déconstruction et traitement en fin de vie des matériaux. Les matériaux biosourcés peuvent avoir un impact sur le réchauffement climatique négatif lors de la fabrication des produits (stockage du carbone biogénique), et l’impact de la réémission du CO2 biogénique en fin de vie sera pondéré (facteur de 0,56 à 50 ans).

Cela se traduit par un plus grand écart entre le poids environnemental du bois vs celui du béton comme illustré dans l’article de Marine Fouquet sur Construction 21 (FDES selon la norme NF EN 15804+A1).

 

Les matériaux biosourcés ont une place à prendre

Ainsi, il apparaît que les matériaux biosourcés ont une vraie place à prendre pour réduire l’empreinte carbone des bâtiments et répondre aux exigences de la SNBC (Stratégie Nationale Bas Carbone), qui introduit notamment le stockage temporaire de carbone comme une des solutions à retenir.

Au vu de leurs diversités, les matériaux biosourcés peuvent ainsi être une solution sur plusieurs lots, comme l’illustre le Brief de filière Biosourcé du Hub des Prescripteur Bas Carbone.

Pour faire face à cette demande, la massification des matériaux biosourcés passera par un certain nombre d’étapes. Elles seront plus ou moins longues en fonction du soutien aux filières, de l’énergie des acteurs et à la prise de conscience des parties prenantes (maîtres d’ouvrage, ...).

Différents enjeux doivent être travaillés collectivement pour assurer la massification de ces matériaux biosourcés. On peut notamment citer la nécessité de mieux prendre en compte les propriétés hygrothermiques des matériaux biosourcés non/mal valorisées dans les calculs réglementaires en se focalisant uniquement sur la conductivité thermique. La formation reste également un sujet clé. Qu’elle soit initiale ou continue, les artisans, architectes, BE, etc. doivent pouvoir rapidement être sensibilisés et formés à l’utilisation des matériaux biosourcés. Bien sûr la poursuite des travaux de Recherche et Développement et l’investissement dans les outils industriels pour réduire les coûts de production sont d’autres exemples d’actions à poursuivre ou à renforcer, notamment avec le soutien de l’Etat (ADEME, …).

 

Un article signé Guillaume Delannoy, Adjoint Responsable Développement Industriel et Etude au CODEM
(centre technique dédié au développement des écomatériaux pour le Bâtiment)

Voir le site du CODEM


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