#14 - Innover pour financer le développement de logements à impact social et écologique

Rédigé par

Sébastien Delpont

1456 Dernière modification le 01/04/2022 - 17:10
#14 - Innover pour financer le développement de logements à impact social et écologique

Les populations vulnérables sont nombreuses et elles ne sont pas toutes bien logées. Quelles que soient leurs histoires : travailleurs pauvres, migrants, anciens détenus, chômeurs de longue durée, handicapés, victimes d’addictions… nombreux sont ceux qui souffrent du mal logement en France comme cela nous est rappelé chaque année par les acteurs du monde de la solidarité. Il y a d’ailleurs dans beaucoup de territoires bien plus de demandes que d’offres dans le logement social. Et la crise climatique et environnementale, comme nous le rappelle le récent rapport du GIEC, est très liée à cette crise sociale. On ne réglera pas l’une sans traiter l’autre.

Le financement de la transition écologique et sociétale, ce n’est pas que financer des infrastructures de transport décarboné ou d’énergie propre, mais des aussi financer des lieux de vies à impact écologique réduit et à faibles charges pour ceux qui ont les revenus les plus faibles de nos sociétés.

Oser une ambition sociale et écologique forte, en réinterrogeant les modes de faire

Le « comme d’habitude » ne peut pas être une mode de faire pour réinventer nos vies et territoires. Il nous a amené à une situation bien peu envieuse dans trop d’endroits. Fort de ce constat et déterminés à essayer de faire mieux, les fondateurs et salariés de l’entreprise sociale industrielle Chênelet ont œuvré depuis 40 ans à expérimenter des approches alternatives pour avancer dans ce sens, notamment dans des territoires ruraux et périurbains, jusqu’à développer une foncière dédiée pour porter ce modèle de façon intégrée.

Parmi les partis forts de la structure : bâtir des logements de qualité à faibles charges, s’atteler à préfabriquer des éléments constructifs, former des salariés en insertion sur les chantiers, maximiser le recours à des entreprises locales. Entreprise industrielle de travaux, Chênelet a créé une foncière engagée : Foncière Chênelet, croyant dans un modèle où l’on ne rogne pas sur les coûts d’investissements et où l’on investit dans une qualité du bâti plutôt que dans une surenchère sur le prix du foncier, pour proposer aux occupants notamment des charges d’exploitation basses et un impact écologique bien meilleur que les pratiques du marché. 30% de la fabrication de ces logements est ainsi réalisée par des entreprises d’éco construction et d’insertion dont Chênelet, avec 13h d’insertion par /m2 de logement (un ratio que l’on voit exprimé sur bien peu de chantiers) et le reste fait par des entreprises situées à moins de 50 km des lieux de construction.

Utilisation de la paille, de terre crue, de bois (dans une approche intégrée : de la scierie à la construction de structures bois préfabriquées) et de modules énergétiques intégrés avec pompes à chaleur et récupération d’eau de pluie y sont des pratiques courantes. Cela depuis bien avant que la réglementation environnementale RE 2020 ne le rende plus contraignant.

La qualité des logements passe aussi par une adaptation aux handicaps et à un « mieux vieillir chez soi » à une époque où l’on prend conscience à force de scandales, que les formes de prises en charges de nos aînés, dans leurs années où leur autonomie diminue, peuvent se faire aussi « dans un chez soi mieux adapté ». Le projet de faire de ces métiers de « l’éco-construction » une passerelle vers l’emploi (via des contrats d’insertion tremplins de 2 ans), à un moment de déficit majeur d’emploi dans cette filière pour tenir nos objectifs de décarbonation de l’immobilier, est particulièrement bienvenu. Réussir la transition des villes et territoires passera par plus de financements adaptés, mais aussi par plus de compétences développées.

Ne pas renoncer à ses ambitions pour des conditions économiques, mais innover en termes de montages financiers pour réaliser ses impacts

Créer un modèle « essaimable » a été une préoccupation de la Foncière Chênelet, en osant pour cela bâtir un modèle d’affaire « hybride » en essayant de combiner la diversité des modes de financement existants avec un modèle économique robuste plutôt que de renoncer à ses engagements pour baisser les prix à tout prix.
Force est de constater que le changement d’échelle s’est enclenché : des Hauts de France à une implantation dans 5 autres régions (Centre Val de Loire, Grand Est, PACA, Normandie, Pays de Loire) mais aussi la Belgique !

Une équation économique pertinente, c’est avant tout un logement adapté à un besoin local identifié, pas un projet de logement « en défiscalisation » mal conçu dans une zone sans besoin qui restera vide… mais un logement avec des charges faibles limitant des risques d’impayés locatifs.

Ensuite pour financer ses opérations, en partenariat avec les communes les terrains sont mis à disposition de la foncière sous la forme de baux emphytéotiques pour 99 ans, à 99 euros. Les projets sont montés avec le dispositif PLAI (Prêts Locatifs Aidés d’Intégration) qui permet en échange de loyers très maitrisés à destination de publics fragiles de bénéficier de taux réduits de TVA et d’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties. La structure, agréée par l’Etat au titre de la maitrise d’ouvrage d’insertion, et aussi Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale, mobilise des fonds éthiques et à impacts d’investisseurs privés et institutionnels voulant donner du sens à leur épargne et des dons de fondations.

Créer du logement, c’est aussi rénover / revaloriser des bâtiments existants : en réalisant des changements d’usages ou en divisant de grands logements en plus petits mieux adaptés aux besoins actuels du territoire. Au-delà de la valorisation de certificats d’économie d’énergie, Foncière Chênelet a aussi innové sur ce point en lançant avec l’Agence Nationale de l’Amélioration de l’Habitat un « contrat à impact social » pour la réhabilitation de 60 logements. Ces contrats à impact social sont une modalité nouvelle de financement public-privé visant à faire émerger des projets sociaux innovants proposés par des opérateurs privés qui répondent à des besoins des politiques publiques

Cet exemple montre la force de l’hybridation d’approches intégrées en termes de compétences, de modèles économiques et de modes de financement, pour générer des impacts positifs écologiques et solidaires au plus près des besoins des territoires et de ceux qui y vivent.  Il va maintenant encore falloir changer d’échelle pour passer de nouvelles phases d’essaimage !

 

François Marty, président de la Foncière Chênelet et Antoine Sgard, chargé de mission auprès du président

 


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