#13 - Signaux réglementaires et outils juridiques d’accélération des projets de transition

Rédigé par

Olivier Ortega

Avocat

2104 Dernière modification le 31/03/2022 - 18:00
#13 - Signaux réglementaires et outils juridiques d’accélération des projets de transition

Les pouvoirs publics disposent de deux grands modes d’action face à l’urgence climatique : la contrainte et l’incitation - l’inaction étant ici considérée comme irrecevable !

Dans un esprit très marqué par le Grenelle de l’environnement, daté des années 2010, une large place a d’abord été laissée à la mise en marche spontanée de la société civile ; cette approche, pariant sur les ressources régulatrices du marché et de positons de place, s’est traduite par l’affichage d’objectifs, largement partagés avec les acteurs de la de la société civile et que chacun doit s’efforcer de respecter, sans toutefois que ne pèse sur lui une une menace de sanction administrative voire d’incrimination pénale systématiques.

Ce mouvement de prise de conscience, de diagnostic partagé et de solutions à mettre en œuvre a largement contribué à faire mûrir les esprits et rend désormais possible le recours à la contrainte juridique, prenant la forme de normes nouvelles, dotées d’une force obligatoire. Pour autant, ces signaux légaux ou réglementaires ne sont plus forcément perçus comme élaborés ex cathedra par une administration aveugle et sourde mais plutôt comme procédant de la conclusion d’un processus collectif. L’Administration elle même a tenu compte de ce phénomène et n’édicte plus de règles concernant les sujets de dynamique commune, comme avant : elle initie là une expérimentation dite E+C- de plusieurs années débouchant sur un texte (la RE2020) soumis à une large concertation, qu’elle accepte de revoir lorsqu’il apparaît comme mal calibré, de telle sorte qu’une bonne acceptabilité socio-économique lui soit assuré.

Voyons deux illustrations concrètes de ces procédés : le dispositif éco-energie » tertiaire comme signal juridique contraignant et le développement d’outils contractuels de nature à faciliter ces rénovations.

1. Un signal réglementaire précurseur : le dispositif « éco-énergie tertiaire »

Après près de dix ans d’attente, le décret du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire est paru. Ce décret, communément appelé « décret tertiaire », est codifié dans le code de la construction et de l'habitation aux articles R.131-38 à R.131-44. Le décret a depuis été complété par un arrêté lui même mis à jour par des arrêtés modificatifs. Le décret et son arrêté modifié, tous deux de nature réglementaire, ont pour finalité de permettre une pleine application de l’obligation de réduction des consommations d’énergie du parc tertiaire inscrite à l’article L.111-10-3 du code, telle que posée par la loi Grenelle 2 en 2010 et modifiée par la loi ELAN en 2019.

Sans entrer dans le détail du nouveau cadre juridique désormais dénommé « dispositif éco-énergie tertiaire », quatre sujets méritent d’être relevés : quels en sont les objectifs et ambitions ? à qui s’applique ces nouvelles obligations ? comment l’équilibre économique des coûts d’amélioration de la performance énergétique est-il pris en compte et quelles sont les sanctions ?

Les objectifs à atteindre

La loi a fixé un objectif de réduction de la consommation énergétique finale au travers d'une alternative :

  • soit par une baisse cadencée par décennies exprimée en valeur relative (-40% avant 2030, -50% avant 2040 et -60% avant 2050 par rapport à la consommation de référence) de la consommation énergétique de référence,
  • soit un niveau de consommation d'énergie finale, fixé en valeur absolue.

A qui s’applique ce dispositif ?

Le champ d’application de l’obligation peut être circonscrit au double regard des activités soumises et des bâtiments assujettis ; il détermine également les rôles des propriétaires et locataires.

L’obligation s'applique aux activités tertiaires marchandes comme non marchandes.

Le seuil d’application de l’obligation est assis sur des bâtiments, mono-activité ou mixte, disposant de surfaces à usage tertiaire de 1 000 m2 ou plus.

Comment l’équilibre économique des rénovations est-il pris en compte ?

Le dispositif éco-energie tertiaire prévoit un certain nombre de cas dans lesquels les objectifs légaux peuvent être revus à la baisse par les assujettis. Ces modulations peuvent s’appuyer sur trois indicateurs et font l’objet d’un dossier technique.

  • Sont en premier lieu prévues des modulations assises sur la nature des bâtiments. Tel sera par exemple le cas si les actions nécessaires à l’atteinte de objectifs font courir un risque de pathologie au bâti, affectant notamment les structures ou le clos couvert du bâtiment ou encore si elle entraînent des modifications importantes de l'état des parties extérieures ou des éléments d'architecture et de décoration de la construction.
  • Sont ensuite explicitement prévues des modulations assises la soutenabilité économique du projet. Ces modulations visent à réduire les objectifs légaux lorsque les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs apparaîtraient « manifestement disproportionnés ». Le texte fournit un mode d’emploi du caractère proportionné ou non des actions envisagées, tenant compte des durées de retour sur investissement et des aides financières perçues.
  • Enfin, il est possible de déroger aux objectifs au titre des modulations assises sur le volume d'activité.

Comment est sanctionné le dispositif éco-énergie tertiaire ?

Les sanctions, fixé par la loi et que le dispositif met en œuvre au plan opérationnel sont de type « name and shame » ; elles comprennent plusieurs étages, distincts selon le type de manquement.

En l'absence, non justifiée, de dépôt d'un programme d'actions auprès du préfet à la suite de mises en demeure du préfet, celui-ci peut prononcer une amende administrative au plus égale à 1 500 euros pour les personnes physiques et à 7 500 euros pour les personnes morales. L'amende administrative est recouvrée comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine.

De même, lorsque l'assujetti ne se conforme pas au programme d'actions approuvé par le préfet, celui-ci peut engager une procédure contradictoire s’achevant potentiellement sur un constat de carence. La carence est prononcée par un arrêté motivé du préfet qui prévoit sa publication sur un site internet des services de l’État. Sur ce fondement, le préfet peut prononcer une amende administrative au plus égale à 1 500 euros pour les personnes physiques et 7 500 euros pour les personnes morales, proportionnée à la gravité des manquements constatés.

2. Des outils contractuels renouvelés

Deux outils ont également été développés par les pouvoirs publics pour accompagner l’obligation du dispositif éco-énergie tertiaire : l’annexe environnementale au bail et le contrat de performance énergétique.

L’annexe environnementale

L’annexe environnementale, parfois également dénommée « annexe verte » ou « bail vert », a été instituée en 2010 par la loi Grenelle 2. Elle complète le bail par un volet environnemental et vise à mettre en œuvre l’obligation de réduction des consommations énergétiques du parc tertiaire fixé par la loi Grenelle qui aurait dû recevoir rapidement son décret d’application (le décret tertiaire).

L’annexe poursuit explicitement une double ambition : d’une part, organiser un échange d’informations relatives aux consommations énergétiques des locaux loués et, d’autre part, contractualiser des obligations de réduction des consommations par les preneurs.

L'annexe environnementale doit contenir :

  • la liste, le descriptif complet ainsi que les caractéristiques énergétiques des équipements existants dans le bâtiment et relatifs au traitement des déchets, au chauffage, au refroidissement, à la ventilation et à l'éclairage ainsi qu'à tout autre système lié aux spécificités du bâtiment ;
  • les consommations annuelles énergétiques réelles des équipements et systèmes exploités ;
  • les consommations annuelles d'eau des locaux loués et des équipements et systèmes exploités ;
  • la quantité annuelle de déchets générée par le bâtiment si le bailleur en assure le traitement et, le cas échéant, la quantité qu'il a fait collecter en vue d'une valorisation ou d'un traitement spécifique.

L’annexe verte peut ainsi constituer un excellent véhicule pour organiser en commun une démarche de réduction des consommations énergétiques dans les locaux loués, y compris en déterminant les rôles de chaque partie dans cette démarche.

A ce titre, elle peut fixer la répartition des rôles de chacun dans le cadre d’un projet de rénovation, idéalement formalisé dans un contrat de performance énergétique.

Le clausier « CPE FNCCR »

La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) porte le programme CEE ACTEE dont l’objectif est de faciliter la rénovation d’environ 50 000 bâtiments tertiaire public.

Ce programme vise à apporter aux collectivités un accompagnement financier pour la réalisation de démarches mutualisées d’efficacité énergétique, le développement d’une bibliothèque d’outils, un centre de ressource ainsi qu’une cellule de soutien téléphonique.

A ce titre, la FNCCR a été chargée de mettre à jour, avec le concours du cabinet LexCity avocats, le Clausier CPE relatif au Contrat de Performance Énergétique publié en 2012 et de le rendre compatible avec les nouvelles règles et outils de la commande publique afin qu’il s’insère dans les nouveaux schémas financiers et organisations territoriale et vienne compléter les outils méthodologiques à destination des collectivités en matière de rénovation énergétique.

Le Clausier CPE FNCCR constitue un outil opérationnel permettant aux collectivités de faire émerger des projets de rénovation énergétique adaptés à leur territoire. Il a été construit afin que les collectivités de toute taille puissent s’en saisir pour leur projet de rénovation énergétique. Il intègre des focus et des recommandations pour accompagner la collectivité dans la mise en place des contrats CPE.

Un article signé Olivier Ortega, Avocat associé chezLexCity avocats


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