#12 - Le modèle des sociétés de tiers-financement

Rédigé par

Francoise REFABERT

6644 Dernière modification le 31/03/2022 - 17:18
#12 - Le modèle des sociétés de tiers-financement

La rénovation d’un logement nécessite pour son propriétaire de dépasser un certain nombre de barrières financières, organisationnelles, voire psychologiques. Les bâtiments représentant plus de 40% de la consommation énergétique en France, leur rénovation est un enjeu clé pour atteindre les objectifs nationaux. Les Sociétés de Tiers-Financement (STF) ont été créées pour réduire la complexité et permettre la massification nécessaire de la rénovation. Après avoir démontré la pertinence et l’efficacité de leur offre et de leur approche, les STF doivent renforcer leur modèle économique et le diffuser aux régions françaises et européennes.
 

Les STF : Une offre de services et de financement globale et intégrée, qui répond aux besoins d’accompagnement, de financement et de simplicité des ménages

L’approche individuelle des rénovations (souvent non-centrée sur l’aspect énergétique), les caractéristiques de l'offre de rénovation (rénovation source d’incertitude quant à la qualité du résultat notamment) tout autant que la complexité du processus d’aides et d’accompagnement constituent des facteurs limitant les rénovations performantes. À ces obstacles s'ajoute la question du financement qui bloque trop souvent les ménages malgré leur motivation : combien devrais-je payer mensuellement ? Les gains que je peux en attendre sont-ils supérieurs aux coûts?  Comment vais-je gérer l’obtention des aides et subventions ? Comment ne pas se « faire avoir » et disposer de l’offre artisanale adaptée ? N’est-il pas plus simple de se contenter d’une petite rénovation superficielle ?

Toutes ces questions, bloquantes pour la décision de mise en œuvre, ont trouvé réponse dans la loi ALUR en 2014, puis la loi de transition écologique pour une croissance verte en 2015 qui ont créé le statut de « sociétés de tiers-financement de la rénovation énergétique », entités destinées à proposer un accompagnement global des particuliers dans leur projet, incluant le financement. Ainsi, l’article  L381-1 du CCH, issu de la loi ALUR de 2014, caractérise le tiers-financement, dans le champ d'opérations de rénovation de bâtiments, par « l'intégration d'une offre technique, portant notamment sur la réalisation des travaux dont la finalité principale est la diminution des consommations énergétiques, à un service comprenant le financement partiel ou total de ladite offre, en contrepartie de paiements échelonnés, réguliers et limités dans le temps ».

Les sept sociétés existantes, créées à l’initiative de conseils régionaux et d’une métropole, proposent ainsi une offre de service standardisée, adaptée aux spécificités locales et structurée en plusieurs étapes :

  • Une visite du logement avant la rénovation et la réalisation d’un audit énergétique,
  • La rédaction d'un projet de rénovation énergétique incluant un plan de travaux,
  • La proposition d’un plan de financement adapté au projet de rénovation,
  • La coordination du processus de rénovation,
  • La fourniture ou la facilitation de l'accès des propriétaires à des financements abordables, via des offres de prêts allant jusqu’à une durée de 25 ans afin de permettre des mensualités raisonnables,
  • Une ingénierie financière très simplificatrice pour le ménage : la gestion de la complexité des flux financiers est prise en charge par les STF et le ménage rembourse son crédit en une mensualité unique, si possible inférieure aux économies réalisées, simplifiant ainsi drastiquement sa gestion budgétaire,
  • Le suivi de la consommation d'énergie après l'achèvement du projet de rénovation afin de vérifier que les objectifs ont été atteints.

 

La forme juridique des STF est variée, puisqu’on recense :

  • Des Sociétés d’Économie Mixte, telles qu’Ile-de-France Energies (anciennement Energies POSIT'IF), ARTEE (Agence Régionale pour la Rénovation Énergétique de la Nouvelle Aquitaine), OKTAVE dans la région Grand Est, Bordeaux Métropole Energies (BME) et Centre-Val-de-Loire Energies.
  • Des établissements publics (juridiquement intégrés au Conseil Régional), tels qu’Hauts-de-France Pass Rénovation.
  • Des Sociétés Publiques Locales (SPL), comme celle créée par la Région Occitanie dans le cadre de l'Agence régionale de l'énergie et du climat (AREC) : Rénov’Occitanie.

 

Des solutions financières adaptées à la rénovation énergétique pour tous

L'offre de prêt bancaire standard n’est pas adaptée au financement de la rénovation énergétique performante dont le coût varie de 25 000 à 60 000 €.

Les banques ne proposent pas de crédits adaptés à ces montants ; les prêts à la consommation proposés pour financer les travaux dépassent rarement une durée de 7 à 10 ans. Les chaînes de production de crédits immobiliers par les banques ne sont, elles, vraiment mobilisables qu'en cas de travaux au moment de la mutation. Pourtant, la proposition de taxonomie par l’Union européenne visant à classifier les activités économiques ayant un impact favorable sur l’environnement (comme les rénovations énergétiques) afin d’orienter les investissements vers les activités vertes et la mise sous contrainte du Green Asset Ratio des banques obligent ces dernières à une production renforcée de « crédits verts » : pour cela, il leur faudra investir massivement dans leurs chaînes informatiques pour permettre la nécessaire gestion d’un volume important de données, et développer une approche plus individualisée et moins industrielle de leur clientèle et de ses besoins. Cela prendra du temps à se mettre en place.

Dans l’intervalle, le modèle d’accompagnement des STF alimenté par une ligne de 400 millions d'euros de la Banque Européenne d’Investissement, prospère. Grâce à une analyse des capacités de remboursement des ménages plus fine que celle proposée par les banques, en se concentrant sur le « reste à vivre » plutôt que sur le seul taux d’endettement, avec un allongement de la durée du prêt (jusqu’à 25 ans) et de la prise en compte des économies d’énergie projetées comme source de financement, les STF proposent une offre de financement pour tous, y compris à des ménages qui ont difficilement accès au financement bancaire standard. Cette simplicité, couplée à un accompagnement attentif, permet aux STF d’individualiser la réponse et de l’adapter aux singularités des ménages.
 

Rénover son logement, une action rentable ?

Pour la rénovation d’un logement, le modèle économique peut être rentable pour le ménage si le bouquet d’actions d’amélioration de l’efficacité énergétique est optimisé et si le plan de financement intègre l’ensemble des ressources à disposition.

Cela requiert d’une part de déduire les subventions, d’intégrer un prêt, de prendre en compte les économies d’énergie. Mais aussi de comparer le programme de travaux et son prix avec un scénario de travaux d’entretien sans économies d’énergie et de réaliser les travaux lors de la meilleure étape de vie du logement (mutations ou ravalement en logement collectif). Ainsi, l’effort mensuel, c’est-à-dire le remboursement de prêt net d’économies d’énergie pour une rénovation globale sera généralement compris entre 50 et 100 €/mois pour les copropriétaires, alors que les travaux réglementaires et d’entretien seuls (ravalement de façade, sécurité incendie, etc.) demanderont un effort similaire. Dès lors, la rénovation constitue une opportunité de valorisation de son bien immobilier.

À noter par ailleurs une montée constante de la « valeur verte » : rénover n’est plus une dépense mais un investissement qui confère une valeur augmentée aux biens les plus efficaces. Ne pas rénover en revanche impacte toujours plus fortement la valeur, qui plus est dans le cadre de l’arrivée en 2025 des interdictions de location des « passoires » énergétiques.
 

Les financements publics : un prérequis du modèle économique des sociétés de tiers-financement

Tout comme les conseillers France Rénov’, les sociétés de tiers-financement passent un temps conséquent à informer les particuliers.  Mais cet accompagnement, essentiel, n’est pas rémunéré et les ménages ne sont pas prêts à le financer.

Aussi, si les sociétés de tiers-financement peuvent être rentables et viables à long terme, il est à l’heure actuelle compliqué pour ces structures de fonctionner sans financement public. Les STF estiment que le coût de ces services de première information fournit à titre gratuit s’étale, suivant la complexité, de 1 500 € à 2 000 € par logement.

Par ailleurs, la mise en œuvre de ces services implique la coordination de nombreuses compétences et nécessite des ressources importantes : compétences en développement et en marketing, capacités techniques en physique du bâtiment et en manipulation des modèles de performance thermique, ingénierie financière et gestion des obtentions aides et subventions, etc.

Le pilotage de cette prestation nécessite également des investissements dans des outils informatiques robustes pour soutenir ces processus, des formations, etc.

Enfin, cette activité incluant la mise à disposition de prêts directement par les STF sur des longues périodes est à forte intensité de capital.
 

Vers une structuration croissante du réseau des sociétés de tiers-financement

Entre le début des années 2010 et 2020, ce sont au total sept STF couvrant 60% de la population française qui ont été créées et ont progressivement développé leur activité. Les derniers chiffres de leur activité, sur 2021, montrent l’efficacité du modèle pour engager des rénovations performantes :

  • 8 800 audits énergétiques ou études de conception,
  • 1 200 rénovations de logements,
  • 45,5 millions d’€ de travaux engagés,
  • Un budget moyen de 44 200 € par maison individuelle et de 25 000 € par logement collectif,
  • 13,7 millions d’€ de prêts émis directement par les STF,
  • 18,3 MWhef d’économies d’énergie moyenne attendues pour les logements individuels, et 7,7 MWhef pour les logements collectifs.

Pour continuer sur cette lancée et développer leur action, les sociétés de tiers-financement ont engagé de nombreuses actions communes. En 2020, quatre STF (ARTEE, Hauts-de-France Pass Rénovation, Ile-de-France Energies, Oktave) se sont regroupées au sein du projet européen ORFEE, coordonné par Energies Demain avec la participation d’Effinergie, Energy Cities, GNE Finance, Latournerie Wolfrom Avocats, Marsh et Pouget Consultants. Ce projet de 4 ans vise à standardiser leurs méthodes, à optimiser leurs ressources financières, à coordonner et partager leurs ressources et leurs investissements et à permettre l’émergence d’une garantie assurantielle sur la qualité des travaux réalisés.

Dans cette perspective, l’ensemble des STF, rejointes par Énergies Demain, Pouget Consultants et Effinergie ont décidé en décembre 2021 la création d’une association dont les objectifs sont de :

  • Déployer et diffuser le modèle des sociétés de tiers-financement ;
  • Créer un espace d’échange privilégié entre les différents acteurs de la rénovation énergétique ;
  • Constituer un portefeuille d’outils et de méthodologies communs ;
  • Contribuer au pilotage et à l’optimisation des sources de financement des projets de rénovation.
  • Cette association sera donc un vecteur de diffusion du modèle des sociétés de tiers-financement et de leur représentation à l’échelle nationale et européenne, où elles font figure de référence.

Un article signé Raphaël Claustre, directeur d'Ile-de-France Energies, ainsi que Françoise Réfabert, directrice générale d’Énergies Demain, et Sébastien Descours, Marie Pourchot et Lola Dornier de Énergies Demain


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