12# L’urbanisme dans les villes avec climat chaud et sec : la cas du Caire

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La rédaction C21

9774 Dernière modification le 04/09/2019 - 11:03
12# L’urbanisme dans les villes avec climat chaud et sec : la cas du Caire

En dépit de la prise de conscience de la nécessité de privilégier un développement urbain durable dans les années 1980, l’Egypte fait face à un manque de convergence entre le modèle de conception urbaine durable et le modernisme urbain d’après la Révolution. En 1952, celle-ci mettait en effet l’accent sur les plans de logement sociaux et les valeurs théoriques de l'urbanisme post-moderniste dans un pays chaud comme l'Egypte (voir : Ali, 2003; Dona, 1999; Fahmi & Sutton, 2008; Stewart et al., 2004; Sutton & Fahmi, 2001).

 

Présentation du contexte :

Le climat égyptien : chaud et sec

 L'importance de l'étude du climat est concentrée sur son effet sur le paysage à deux niveaux : le premier niveau concernant le comportement des individus en fonction de leur activité et de leur circulation dans un espace ouvert. Le deuxième niveau est l'impact du climat sur d'autres facteurs dans l'espace comme la qualité des sols, le genre des plantes, et les installations existantes et de déterminer les facteurs et les composants et leurs proportions, et la perception visuelle, qui dépend de la quantité de l'éclairage, son orientation et le choix des matériaux. » (El-Gamal, 1995).

Le climat peut être défini comme l’ensemble des caractéristiques propres à chaque région en termes de température, vent, humidité, éclairage et autres facteurs.

Il y a plusieurs facteurs qui affectent le climat de l'Egypte, comme sa position entre les latitudes 22°C et 31,36°C de latitude nord, le tropique du Cancer passant à la limite sud du pays, cette position démontre que l'Egypte se trouve à l'intérieur de la zone tropicale chaude et sèche, où n’est connue que la région tropicale sèche (désert) située entre les latitudes 180°C, 30 °C nord et sud.

Ce site offre au territoire égyptien un important rayonnement solaire. Le soleil envoie quasiment  des rayons verticaux, sur le territoire de l'Egypte en été, a une force plus modérée pendant le printemps et l’automne et s’affaiblit pendant les mois d'hiver. En raison de cette position orbitale, la durée du jour augmente en été jusqu'à 14 heures, ce qui augmente la quantité de rayonnement solaire qui atteint la terre en cette période. La surface plane domine sur le territoire égyptien, surtout dans la vallée et le delta, et dans la plupart des régions du Sahara occidental.

 

Adapter le bâti aux conditions naturelles

« L’orientation de l’espace urbain et son rapport H/L (hauteur du bâti/ largeur de la voie de circulation) sont les facteurs les plus influents sur la performance climatique dans les espaces urbains. Cependant, il y a des mesures de conception qui peuvent être prises pour avoir un meilleur contrôle pour diminuer les problèmes climatiques et améliorer ainsi la qualité de vie dans les espaces urbains existants, dont on ne peut plus changer son orientation ou son rapport H/L. Ces mesures incluent le contrôle du vent, le rayonnement solaire, l’humidité, la température, et la pollution de l’air.

Le manque de conscience quant à l'amélioration de la performance thermique des espaces est un problème majeur en Egypte. Ce problème a beaucoup de causes. L’une de ces raisons réside dans le fait que le client et l'architecte sont plus souvent préoccupés par la construction individuelle que la conception urbaine. Il y a eu une tendance au cours des dernières décennies pour construire des bâtiments spectaculaires isolés plutôt que de considérer un design urbain uniforme.

Le placement des allées pédestres et des lieux de repos en plein air peut être mis en relation avec les facteurs microclimatiques spécifiques de chaque lieu. Le microclimat varie dans un site donné en raison de la couverture végétale, de l'eau, de la topographie, des modifications artificielles comme l'arrangement et l'orientation des espaces selon le soleil et les vents dominants, les nuances et les constructions.

C'est pourquoi l'une des raisons les plus importantes pour la réussite de la performance thermique des espaces publics réside pour le concepteur dans le respect de ces facteurs, sa capacité aussi à prendre en compte les besoins des usagers de la place (par exemple, de tels espaces sont généralement utilisés dans la journée seulement). En conséquence, la conception doit être optimisée de manière à fournir des conditions favorables dans la journée.

 

Ombre et humidité : deux facteurs clés pour un bon urbanisme

L'ombrage est particulièrement efficace dans le climat estival des régions chaudes et sèches, car le rayonnement solaire est dominé par la composante directe. Afin d’obtenir des ombres suffisantes, on doit connaître la meilleure proportion des espaces dans les lieux publics. Il faut noter que dans les espaces urbains, on peut difficilement contrôler les éléments environnementaux à grande échelle, en raison de l'exposition au rayonnement solaire direct et les difficultés pour créer un climat confortable. Par contre, il y a plus de zones ombragées dans les espaces de taille moyenne et de petite taille où l’exposition du rayonnement solaire direct est moindre.

Les éléments végétaux jouent aussi un rôle important et essentiel dans l'équilibre environnemental. Ils ont beaucoup d’importance, en raison de leur diversité fonctionnelle et grâce à leurs différentes qualités et caractéristiques, ils absorbent les rayonnements solaires, augmentent l’humidité, filtrent les vents du sable et de la poussière, etc. On peut même dire que les zones où l'équilibre écologique est perturbé - ou en d'autres termes l’environnement est pollué -, la concentration sur les éléments végétaux est nécessaire pour éliminer cette pollution.

Le phénomène de transpiration représente un élément important dans le cycle de l'eau parce que la montée de la vapeur d'eau participe au processus de formation de nuages. Le phénomène de transpiration qui est effectué par les plantes est donc un élément favorable dans le cycle naturel de l'eau.

Néanmoins, il ne faut pas ignorer quelques problèmes rencontrés dans les zones résidentielles comme le fait de mettre des nouvelles plantations à proximité de bâtiments existants avec des fondations superficielles, ou l’obstruction de la lumière par des branches. On peut éviter ces problèmes par un choix d’arbres qui consomment peu d’eau, et en gardant une distance suffisante entre l'arbre et la fenêtre, que ce soit en le plantant à une distance suffisante ou en élaguant les branches incriminées.

Les villes souffrent généralement de l'urbanisation croissante, du taux d'industrialisation et de la pollution du climat urbain, ce qui conduit à une température élevée. A cela s’ajoutent la présence de vapeurs produites par les véhicules à moteur, la poussière des rues négligées, les vapeurs industrielles, la fumée et la suie. Il faut donc étudier la pollution de l'environnement dans les villes et essayer de limiter sa propagation afin de la contrôler par différents moyens pour obtenir des conditions environnementales appropriées dans la ville, écrire de nouvelles lois sanitaires et assurer leur application. »

 

Recommandations générales pour les espaces urbains au Caire

Le traitement urbain et architectural

Les études ont montré que les rues avec des rapports élevés H/L (hauteur du bâti/ largeur de la voie de circulation), où les bâtiments offrent de l'ombre, représentent un avantage dans des conditions estivales. D'autre part, en hiver, une forme dispersée en milieu urbain, avec des rues avec un faible rapport H/L, est préférable. Cependant, comme la saison estivale est plus longue que l’hiver et qu’il est plus difficile d'adapter le comportement et l'habillement dans des conditions chaudes, la majorité des rues devraient être conçues de manière à être confortables l’été. Cela nécessiterait de nouvelles zones urbaines étant beaucoup plus compactes que celles d'aujourd'hui pour améliorer les conditions micro-climatiques pendant la saison chaude (Johansson, 2006).

 

L’augmentation de L’ombrage dans l’espace urbain

Il est important d’augmenter l’ombrage pour diminuer l’effet du rayonnement solaire en été. Pour les zones qui ont montré des pourcentages plus élevés d'insatisfaction tels que les sièges et les allées, des installations qui respectent le climat local et les besoins thermiques des visiteurs devraient être aménagés.

 

L’ombrage par les arbres

Sur la base de l'exigence d'un climat confortable, un type approprié d’arbre peut être sélectionné, à savoir des arbres à feuilles caduques comme le mûrier. En été, ils fournissent de l'ombre. D'autre part, les arbres à feuilles caduques perdent leurs feuilles en hiver et permettent au rayonnement solaire de chauffer les bâtiments.

 

L’ombrage par des structures construites

On peut créer de l’ombre en installant des treillis en bois léger, ou grâce à un toit en surplomb avec des panneaux amovibles, de façon à pouvoir les basculer en cas de besoin, afin de se protéger du soleil d'été et de laisser le soleil en hiver. Des dispositifs d'ombrage horizontaux au-dessus des trottoirs ou des colonnades sous les étages supérieurs peuvent aussi être installés.

 

L’augmentation des espaces verts

Les arbres peuvent être utilisés comme brises-vent pour protéger les bâtiments et les zones extérieures (comme les pelouses et terrasses) des vents chauds et froids. La réduction de la vitesse du vent derrière le brise-vent dépend de leur taille, densité, de la forme de la coupe transversale, de la largeur et de la longueur, les deux premiers étant les facteurs les plus importants. Quand le vent ne souffle pas perpendiculairement au brise-vent, la zone protégée est augmentée. C’est pour cela qu’il est plus important de concevoir des brises-vent pour la réduction de la vitesse maximale du vent dans des climats extrêmes (Brown & DeKay, 2001).

Les matières végétales absorbent également le rayonnement solaire qui, à son tour maintient la température du sol et élimine une grande partie de la chaleur et de la lumière réfléchie dans les espaces adjacents (Gregory 1989). C’est pour cela qu’il faut réduire les surfaces planes qui ne contiennent aucun élément végétal, en utilisant des systèmes de pavage combinés avec des éléments végétaux, et de la végétation comme alternative à des éléments physiques dans le paysage comme des murailles et des murs (Fig.21).

 

Un système de voies vertes linéaires ou de boulevards qui convergent vers le centre-ville aiderait à maintenir le mouvement de l'air frais. À condition que le sol soit suffisamment humide, un seul arbre isolé peut transpirer jusqu'à 400 litres d'eau par jour. Cette transpiration, avec la protection du rayonnement solaire, crée un environnement plus frais autour de l'arbre. Pendant une chaude journée d'été, la température peut chuter de manière significative sous les arbres en raison de brises fraîches produites par les courants convectifs et par l'ombrage du soleil direct. Les superficies ensemencées peuvent être jusqu’à 5 à 8 ° C plus froides que les zones bâties, en raison d'une combinaison de l'évapotranspiration, de la réflexion, de l'ombrage, et du stockage de froid. (Brown & DeKay 2001) Pour optimiser les espaces verts existants, plusieurs actions sont possibles :

  • La détermination des espaces verts prioritaires pour les maintenir.
  • Des opérations de conservation et de développement pour l'embellissement.
  • L’utilisation des espaces verts existants pour améliorer le climat en se servant des éléments climatiques favorables, tels que faire une nouvelle conception des allées de manière qu’ils passent sous les arbres pour exploiter leurs ombres.
  • L’exploitation des possibilités actuelles des espaces verts dans les plans futurs et relier tous les espaces verts afin d’éviter de faire des îlots isolée des espaces verts qui ne travaillent pas ensemble sur l’amélioration du climat.
  • La protection de la croissance de la végétation urbains qui entourent le quartier et la maintenir.
  • La plantation des palmiers qui adaptent les conditions climatiques des zones au climat aride.
  • La réduction des besoins en irrigation par une conception multi-usages des espaces verts.
  • La sélection d’arbres offrant une plus grande surface d’ombrage, et nécessitant peu d'entretien et d'eau, comme Albizia julibrissin, Eucalyptus, Pinus pinea, Mûrier, Acer rubrum, et Quercus phellos.
  • La prise en compte de la végétation avant la construction.
  • Aménager de nouveaux espaces verts dans les zones qui sont détruites à cause de la négligence ou du vandalisme.
  • L’incitation aux populations à planter leurs toits et leurs espaces ouverts privés.
  • L’étude de la croissance des plantes pour sélectionner celles qui s’adaptent le mieux à l'emplacement donné, sans trop de soins à fournir, et qui auront suffisamment de place pour atteindre leur taille adulte. Les plantes sont destinées à être appréciées par les citadins et ne doivent pas devenir un problème de maintenance, à cause d’un mauvais emplacement, de maladies et / ou d’un élagage nécessaire (Eckbo 1978).

Le contrôle du vent

Il est souhaitable d’augmenter le mouvement de l'air frais et de bloquer le vent chaud ou celui qui porte la poussière dans les espaces ouverts par plusieurs types d’actions :

  • Augmenter les surfaces vertes à l’intérieur et autour des blocs urbains.
  • Faire une ceinture des larges arbres à feuilles caduques pour filtrer le vent et résister au phénomène des tempêtes de poussière.
  • Aménager le paysage en utilisant des arbustes et des arbres du désert qui diminuent l’effet des tempêtes de sable, par exemple Pinus elderica, Fraxinus pennsylvanica et Eucalyptus.
  • Arranger les plantes pour contrôler le mouvement du vent. L'augmentation de l'humidité (Fig.22).

 

  •  Aménager le paysage en utilisant des arbustes et des arbres du désert qui diminuent l’effet des tempêtes de sable, par exemple les Pinus elderica, Fraxinus pennsylvanica et Eucalyptus.
  • Essayer de guider le mouvement du vent dans les espaces urbains en ouvrant les voies aux vents frais qui sont passé sur des plans d'eau avant d'atteindre la masse urbaine.
  • Déflexion de plantes peuvent être utilisé en conjonction avec les reliefs et les matériaux architecturaux pour modifier le flux d'air sur le paysage, et autour ou à travers les bâtiments.
  • Poser des brise-vents perpendiculairement à la direction des vents devant être contrôlés.
  • Utiliser des brise-vents suffisamment denses pour former une barrière solide.
  • Ménager des ouvertures entre les plantes afin de permettre un mouvement de l'air à partir de la zone de haute pression vers la zone de basse pression pour créer une circulation positive à travers ces espaces.
  • Arranger les plantes pour contrôler le mouvement du vent

L'augmentation de l'humidité                                                                                                         

La présence d'une masse d'eau sur ou à proximité d'un site contribue à atténuer le microclimat de ce site. Une fontaine ou un lac industriel, agit comme un réservoir de chaleur, réchauffant progressivement au cours du printemps et restant à une température relativement constante tout au long de la saison chaude. Lorsque la température de l'air est très élevée, même la moindre brise sur l'eau va produire le refroidissement par évaporation et rendre le climat plus supportable (Todd, 1985). (Fig.25).                                                                                                                                                       Les plantes offrent des surfaces dont les vents peuvent attirer l'humidité par évaporation, ce qui refroidit le site. Elles fournissent également de l'humidité à travers le processus naturel de transpiration (mécanismes de refroidissement par évaporation en plein air), qui offre un confort intérieur et extérieur en abaissant la température de l'air qui entoure le bâtiment (Gregory 1989) (Fig. 26).

 

La réduction de la pollution de l'air

L’utilisation des sols de manière efficace pour décongestionner les villes, et la fourniture d’une végétation adéquate permettraient d'atténuer les effets de la pollution.

 

La promulgation de nouvelles lois

La promulgation de nouvelles lois pour inclure les aspects climatiques dans les règlements de paysage est incontournable afin de créer de meilleures conditions climatiques dans les espaces urbains. L'organisation générale de la planification et de l'autorité centrale de développement devraient préparer des projets législatifs de planification urbaine durable dans les différentes zones climatiques égyptiennes avec de nouveaux codes d’urbanisme basés sur le climat, pouvant être inclus dans les lois égyptiennes.

Et enfin, mener des recherches dans un contexte pratique et éducatif sur l'importance de prendre en compte le confort thermique lors de la planification urbaine. C'est dans l’objectif de relier la conception et la connaissance du climat dans la pratique opérationnelle qu’il faut penser la ville durablement, plutôt que de construire des communautés étalées uniquement pour accommoder les gens.

 

Note biographique : Ahmed El-Hozayen est assistant dans le programme d'architecture et de design urbain de l'université allemande du Caire (GUC).

Il a obtenu son diplôme d'ingénieur en architecture en 2010 à l'Université du Caire, avant d’obtenir un Master de maîtrise en architecture de paysage à Agrocampus Ouest, Centre d’Angers, en France.

Les intérêts de recherche de M.ElHozayan incluent le design urbain, la sociologie urbaine et le design génératif

 

Crédit photo : Adrien Dascal

 

Références

[1] Guilaine, J. (2011). L'homme transforme son environnement depuis plus de 10 000 ans. http://www.scienceshumaines.com/l-homme-transforme-son-environnement-depuis-plus-de-10-000-ans_fr_13863.html (Consulté le 09/07/2013).

Ali, E A.(2003). Evaluation of the Egyptian Experiment in Establishment the new Towns in the Desert Areas. Journal of Engineering Sciences, Assiut University of Egypt, 31(1).

Brown, G. Z. & DeKay, M. (2001). Sun, wind and light – architectural design strategies, 2nd Ed. John Wiley and Sons Inc, New York, 400 p.

Dona, J. S. (1999). Changing Cairo: the political economy of urban form. International Journal of Urban and Regional Research, 23(1): 103-127.

Fahmi, W & Sutton, K. (2008). Greater Cairo's housing crisis: Contested spaces from inner city areas to new communities. Cities, 25(5): 277-297.

Johansson, E. (2006).Urban Design and Outdoor Thermal Comfort in Warm Climates: Studies in Fez and Colombo. PhD thesis in environmental sciences .Lund University, Housing development & management.

Salem, R. (1984). The design of urban spaces in hot regions: The impact of climate on the design of urban spaces in the Egyptian environment. Thesis of master in urban planning, Faculty of engineering, Department of Architecture, Cairo University.

Stewart, D. J., Yin, Z.-Y., Bullard, S. M. & MacLachlan, J. T. (2004). Assessing the Spatial Structure of Urban and Population Growth in the Greater Cairo Area, Egypt: A GIS

and Imagery Analysis Approach. Urban Stud 41(1): 95-116.

Sutton, K & Fahmi, W. (2001). Cairo’s urban growth and strategic master plans in the light of Egypt’s 1996 population census results. Cities 18(3): 135-149.

Todd, K. W. (1985). Site, Space and Structure. Van Nostrand Reinhold, New York, 192 p.

 

Propos recueillis par Hassan Abouzid

Dossier soutenu par

Construire durable sous climats chauds
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