#10 - La démarche BDM : un système d'innovation locale

Rédigé par

Virginie Sancho

envirobatBDM - Responsable Communication et Partenariats

9208 Dernière modification le 12/06/2019 - 12:07
#10 - La démarche BDM : un système d'innovation locale

La démarche BDM a été lancée en 2009. Dix ans plus tard, 500 opérations bâties sont reconnues Bâtiments Durables Méditerranéens en Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, soit près de 2 millions de m2. Le succès de cette démarche est-il seulement affaire de chiffres ?

Loin de là. C’est d’abord une dynamique locale qui a permis d’ouvrir la voie à la coopération entre des acteurs qui n’auraient peut-être pas eu l’occasion de travailler ensemble pour améliorer la qualité des bâtiments.

 La démarche BDM serait donc une affaire de confiance. La confiance qui est au cœur du Système de Garantie Participatif (SPG), un principe de gouvernance qui permet non seulement d’entériner l’obtention d’une reconnaissance BDM Bronze, Argent ou Or au terme d’un processus de validation par les pairs, mais surtout d’accompagner les équipes-projet dans l’amélioration de leurs pratiques et ce, tout au long des phases conception, chantier et usage du bâti. Cet accompagnement, EnvirobatBDM l’expérimente depuis 10 ans sous plusieurs formes : tout d’abord, les professionnels locaux nous confirment chaque semaine l’importance de proposer un contact technique humain, c’est-à-dire une équipe d’ingénieurs, d’architectes, d’urbanistes, disponible au bout du fil, pour les informer des meilleures pratiques et des nombreux retours d’expérience dont nous disposons, sur chaque critère du référentiel BDM.

Lycée Alexandra David Neel, reconnu BDM Or, Leteissier-Coriol Architectes. Crédit photo: Joliot

Si les commissions BDM attirent près de 1000 participants par an depuis 10 ans, c’est sans doute parce qu’elles donnent l’assurance de contribuer à un processus continu d’apprentissage collectif. En effet, chaque évaluation d’une opération d’équipements publics, de bureaux ou d’habitat collectif ou individuel est l’occasion de tirer un savoir, des préconisations par les pairs, une valorisation des innovations qui sont aussitôt intégrés dans nos dispositifs pour générer de nouvelles formations, abonder les formations existantes ou produire une note technique mise à disposition en open source sur un centre de ressources en ligne.

Le public des commissions BDM sait qu’il gagne du temps : il rencontrera à cette occasion le bureau d’études qui peut partager des études aérauliques sur la Métropole Aix-Marseille-Provence, le bailleur social qui a lancé le premier programme de « nudges » dans la région auprès d’habitants d’habitat collectif en cours de rénovation globale, l’entreprise de réalisation capable de préconiser des réglages pour optimiser une GTC récalcitrante et valoriser d’autant plus le recours aux énergies renouvelables.

Une commission BDM organisée par EnvirobatBDM. Crédit photo: EnvirobatBDM

Le succès de la démarche BDM est-il le fruit d’un miracle local ? Question parfois posée par nos partenaires européens. Nous avons obtenu des éléments de réponses en nous rapprochant en 2018 des travaux scientifiques de la Fédération Internationale des Mouvements de l’Agriculture Biologique (IFOAM) et d’acteurs ayant développé des systèmes de garantie participatif dans d’autres domaines que la construction durable (principalement dans l’agriculture). Il apparaît qu’il existe un facteur clé, commun à tous ces labels développés localement et collectivement : la transparence des processus. C’est elle qui permet d’assurer l’engagement continu des professionnels pour développer et partager la démarche BDM. Cette transparence est la clé de l’horizontalité, par opposition à la hiérarchie : voilà pourquoi les évolutions du référentiel sont proposées au sein de groupes de travail ouverts et interprofessionnels. Notre Comité d’orientation stratégique, représentatif de tous les corps de métiers de la construction et de l’aménagement – à l’exception des industriels - identifie les thèmes de ces groupes de travail.  Cette année, nous mettons l’accent sur les thématiques GTB/GTC, suivi de chantier, rafraîchissement actif et passif, ventilation dans les locaux d’enseignement, bâtiment passif méditerranéen, rénovation globale des copropriétés.

L’ouverture des processus de décision permet de rendre crédible l’information contenue dans le label sur les recommandations en termes de matériaux, énergie, gestion de l’eau, conduite de projet, impacts sociaux et économiques ou encore, l’un des plus importants pour notre contexte méditerranéen : confort et santé. C’est le collectif, le débat toujours renouvelé, la lecture des enjeux et leur analyse pluridisciplinaire qui permet à la démarche BDM d’être une méthode équilibrée de gestion de projet, qui s’auto-régule et évite les écueils technicistes avec un but commun affiché : généraliser le bâtiment durable. Le bon sens aurait enfin trouvé un support de partage et un mode de rationalisation…

Une commission BDM organisée par EnvirobatBDM. Crédit phoro: EnvirobatBDM

Bien sûr, il a fallu soigner les conditions nécessaires à cette pluridisciplinarité : comment embarquer avec nous – et fidéliser – les petites et moyennes entreprises de maîtrise d’œuvre, notamment les locaux, tout en travaillant avec les majors, les promoteurs, les collectivités territoriales ? Nous avons fait le choix de rester accessibles en termes de coûts et de simplicité administrative. Il s’agit d’ailleurs d’un pré-requis commun à tous les systèmes participatifs de garantie. Faciliter l’accès au marché des acteurs locaux est dans notre ADN : plus de 300 accompagnateurs BDM aujourd’hui dont la grande majorité sont implantés en Région Sud. La prochaine étape sera pour nous d’intégrer plus d’entreprises de réalisation dans notre gouvernance et d’identifier des complémentarités de compétences pour motiver les groupements d’entreprise en vue de répondre aux appels d’offres. Nous savons d’ores et déjà que le couple architecte-bureau d’études environnemental et thermique est souvent la cheville ouvrière de la réussite d’un projet.

Nous accompagnons donc sur le long terme des professionnels en leur proposant de participer à des journées d’information experts, par exemple sur l’économie circulaire, sur l’accompagnement des utilisateurs pour une optimisation du confort de bâtiment, pour leur assurer l’acquisition de nouvelles compétences clés qu’ils pourront à leur tour transmettre en commission BDM. Nous recommandons par exemple une formation pour maîtriser l’emploi de la simulation thermique-dynamique comme un outil de conception : un des moyens les plus efficaces d’assurer le confort d’été et optimiser la ventilation naturelle en fonction des usages.

Enfin, l’association EnvirobatBDM a mis en place des moyens de rétribution des acteurs de l’intelligence collective : il est important de reconnaître, de remercier et de valoriser le temps donné au collectif et à l’intérêt général par les acteurs impliqués bénévolement. Ouvrir des marchés en fournissant de l’intelligence économique, fournir une veille technologique et juridique, améliorer le référencement naturel des sites web des pros, organiser des B2B ciblés ou même, pourquoi pas, offrir un voyage d’études ! Autant de moyens de valorisation appréciés des acteurs.

 

La démarche BDM est bel et bien une aventure humaine qui s’approprie, se déploie et fait preuve d’une certaine économie de moyens pour convaincre. Les régions Occitanie et Ile-de-France ont développé avec succès des démarches Bâtiment Durable adaptées à leurs propres contextes climatiques, Bâtiments Durables Occitanie (BDO) et Bâtiments Durables Franciliens (BDF). L’horizon des retours d’expériences sur l’accompagnement adapté et local des projets en est d’autant plus riche, il ne reste qu’à l’encourager pleinement en favorisant son déploiement pour répondre aux enjeux du changement climatique.

Article signé Florence Rosa, Directrice Déléguée générale d’EnvirobatBDM  

Crédit photo: EnvirobatBDM

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