Ventilation et qualité de l’air intérieur : le futur commence dès 2020

4048 Dernière modification le 25/10/2019 - 12:51
Ventilation et qualité de l’air intérieur : le futur commence dès 2020

A force de reportages et de prises de positions, le grand public s’est emparé du débat sur la qualité de l’air intérieur. Paradoxalement, celle-ci est encore peu prise en compte en phase conception des bâtiments. Les systèmes de ventilation sont ainsi souvent sous-dimensionnés ou défaillants, alors même que l’élargissement de l’obligation de surveillance de la qualité de l’air intérieur en 2020 et sa généralisation aux établissements recevant du public sensible en 2023 inquiète. Analyse de la situation avec Sandrine Charrier, pilote de projet sur les performances du bâtiment au Cerema, et Gaëlle Guyot, chercheure au sein de l'équipe-projet de recherche « Bâtiments performants dans leur environnement » du Cerema.

 

La ventilation est-elle suffisamment prise en compte dans les bâtiments ?

Depuis 30 ans que nous avons des retours de terrain, la ventilation est l’un des parents pauvres du secteur du bâtiment. Ainsi, bien que des solutions performantes existent, un bâtiment sur deux ne respecte par la règlementation en vigueur. Pire, une étude de 2012 montre que ce taux monte à deux sur trois pour les maisons individuelles. On peut qualifier ce constat d’alarmant car les progrès réalisés en efficacité énergétique font que les constructions neuves et les rénovations récentes présentent des enveloppes très étanches. Pour que la qualité de l’air intérieur soit préservée, il est donc essentiel de disposer d’un système de ventilation qui fonctionne correctement.

Le premier constat que l’on peut tirer sur ces mauvaises performances est que cette situation vient principalement d’une mauvaise coordination des acteurs depuis la conception, jusqu’à l’utilisateur final, en passant par les acteurs de l’installation.

 

Existe-t-il des initiatives pour répondre aux enjeux de la ventilation ?

Oui, le premier pas significatif a été de réunir deux à trois fois par an une quarantaine d’acteurs du secteur au sein du Club Ventilation. Depuis 2015, le ministère pilote ce groupe de travail dont le Cerema assure le secrétariat technique et est composé de représentants des industriels de la ventilation, de la maîtrise d’œuvre, de la maitrise d’ouvrage, des artisans, des professionnels des organismes de certification mais aussi des spécialistes de la ventilation issus de différents organismes de formation, d’universités ou centres d’expertise. Nous accompagnons en effet l’administration centrale sur la coordination et proposition de projets et d’études sur le sujet, la proposition de nouveaux textes de références et le suivi des évolutions normatives, et surtout la fédération de l’ensemble des acteurs de la ventilation afin d’améliorer le respect de la réglementation existante. En partant de là, il est nécessaire d’identifier les leviers qui permettront de changer durablement la situation.

 

Quels sont ces leviers et les initiatives qui s’y rapportent ?

Le premier d’entre eux est la formation et la diffusion de l’information, viennent ensuite le diagnostic des installations et des programmes de recherches qui viennent compléter les connaissances que nous possédons sur la question.

Sur le plan de la formation et la diffusion de l’information, du côté du Cerema nous pouvons citer la mise en place d’un MOOC (Qualité de l’air intérieur : ventiler pour un air sain) en partenariat avec TIPEE sur la plateforme MOOC Bâtiment Durable. Le succès de cette initiative montre qu’il y a une grande attente de la part des professionnels. En parallèle, nous sommes aussi partenaires de la plateforme bâtiment-ventilation.fr, qui est le centre de ressource de référence. Enfin, le dernier volet est de s’adresser autant aux professionnels qu’à l’utilisateur final. Nous avons donc piloté le projet VIA Qualité qui a permis l’élaboration de guides à destination des constructeurs, des professionnels de l’installation et du grand public pouvant être utilisés dans le cadre de démarches qualité.

Pour les diagnostics, les projets Promevent et Promevent Tertiaire proposent des protocoles de réception des installations de ventilation et fonctionnent bien concernant la ventilation mécanique. Le Club Ventilation s’est penché sur le sujet en éditant un livre blanc qui a été signé par une quinzaine de fédérations de professionnels de la ventilation. L’important aujourd’hui est d’étendre ces protocoles à la ventilation naturelle et hybride. C’est le sujet du projet VNat, en cours. Par ailleurs, l’implication du Cerema se fait également à l’échelle européenne puisque nous faisons partie d’un consortium travaillant pour la commission européenne sur la faisabilité d’une inspection des installations.

Au sein du Cerema nous créons aussi de la connaissance sur la ventilation et ses enjeux. L’un des axes est l’étude de la durabilité des performances des systèmes. Nous avons en effet très peu de retour, alors que savoir comment une solution va réagir dans les dix ans suivant son installation est essentiel. Cela rejoint un autre programme d’étude que nous avons mis en place : celui de l’échange des polluants entre l’air extérieur et l’air intérieur. Tout cela est nécessaire pour développer l’approche de performance globale des bâtiments. Ce que nous préconisons est que la qualité de l’air intérieur soit prise en compte avec le même sérieux que les performances énergétiques dès la conception. En produisant de la connaissance, nous pouvons enrichir les méthodologies de calcul et les niveaux à atteindre.

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur l’approche performance globale ?

Actuellement, la règlementation française est essentiellement thermique. Avec RE2020, le calcul de l’empreinte carbone sera effectif. Ce que nous disons, c’est qu’il devient essentiel d’aller au-delà et que la qualité de l’air intérieur et la performance des systèmes de ventilation peuvent aussi s’évaluer à la conception d’un bâtiment et se mesurer. Nous travaillons donc dès maintenant à produire des connaissances et des méthodes qui permettent une approche plus globale de la performance des bâtiments.

Pour la ventilation, cela implique de définir quels sont les bons indicateurs et les bons scénarios à prendre en compte pour obtenir des données.

Cette approche globale implique plus de changements qu’il n’y parait. Aujourd’hui, on conçoit parfois la ventilation à partir des solutions existantes sur le marché qui répondent à la réglementation actuelle et non en fonction des résultats de performance que l’on souhaite obtenir au niveau d’un bâtiment. La loi ESSOC pourrait accélérer la mise en avant de l’approche de performance globale de la ventilation au travers de solutions innovantes notamment.

Le Cerema est également actif au niveau international et notamment dans les projets nommés annexes 5 et 68 de l’agence internationale de l’énergie. Au sein de l’AIVC (Air Infiltration and ventilation center – Annex permanente n°5), la France est l’un des pays précurseurs en matière d’initiatives sur la ventilation, mais nous regardons aussi ce qui se fait ailleurs. L’Irlande par exemple vient d’imposer un diagnostic de la ventilation pour les bâtiments neufs performants en énergie en même temps qu’elle a introduit le test d’étanchéité à l’air.

 

A court terme, l’un des enjeux pour la qualité de l’air intérieur est l’obligation de surveiller celle-ci dans toutes les structures accueillant des enfants dès le 1er janvier 2020. Quel est votre retour sur la question ?

Cette obligation de surveiller la qualité de l’air intérieur semble en effet inquiéter. Il est pourtant nécessaire de bien expliquer en quoi elle consiste. Celle-ci est déjà valable depuis 2018 pour les établissements accueillant des enfants de moins de six ans dont les écoles primaires et maternelles. Cela peut se faire avec une grille d’évaluation des moyens d’aération et de ventilation qui est fournie et ensuite deux alternatives d’actions au choix :

-        La mise en place de mesures de la QAI

-        L’élaboration d’un plan d’action pour améliorer la qualité de l’air intérieur. Pour ce deuxième point des exemples sont fournis par l’administration.

2020 n’apporte pas de chamboulement, il s’agit juste d’une extension. Cette obligation de surveillance de la qualité de l’air intérieur est étendue au second degré (collège et lycée) et aux centres de loisirs, avant un nouveau volet attendu pour 2023 qui généralisera cela à tous les établissements recevant un public sensible.

Si nous percevons une certaine inquiétude, je pense que cela vient de deux facteurs :

-        Le premier est que la directive de 2018 est passée plutôt inaperçue pour certaines collectivités et n’est donc pas appliquée par toutes les collectivités.

-        Le deuxième est que les établissements touchés par l’obligation au 1er janvier 2020 relèvent principalement de la compétence des départements et des régions, des acteurs qui n’étaient pas concernés jusque-là.

Pourtant, l’ensemble des acteurs touchés par l’obligation en 2020 et 2023 peuvent bénéficier aujourd’hui de retours d’expérience et d’accompagnement méthodologique. Le Cerema par exemple organise des réunions d’information dans les régions et accompagne les collectivités avec des outils et méthodologies qui permettent de mettre en place cette obligation à moindre coût.

 

Vous évoquez comment le Cerema peut accompagner les collectivités sur la ventilation, cela est-il également valable pour des acteurs privés ?

Tout à fait, nous voyons bien aujourd’hui que la qualité de l’air intérieur est une problématique dont le grand public s’est emparé. Pour l’ensemble des acteurs institutionnels et privés, il est donc nécessaire de s’en inquiéter pour, au minimum, respecter les réglementations et d’une manière plus générale les anticiper.

De par son positionnement unique, le Cerema est en mesure d’accompagner et de conseiller étroitement des acteurs de l’immobilier ou de la construction par exemple. Nous pouvons définir des feuilles de route, former, réaliser des études ou des diagnostics.

Après la performance thermique et l’empreinte carbone, la qualité de l’air intérieur et la performance de la ventilation pourraient être une ambition portée au niveau français voire européen dans les années à venir.

 

Propos recueillis par Clément Gaillard - Construction21


 

Le Cerema sera présent au salon Bâtimat, Stand 6-H044: l'occasion de découvrir ses projets de recherche dans le domaine du bâtiment, ses publications et actions de diffusion des connaissances auprès des milieux professionnels, ses modes d'intervention auprès des acteurs du bâtiment.

 

Lundi 04
novembre

Performance environnementale et énergétique du bâti (ACV, label E+C- et RE 2020)

> Réhabilitation du bâti
> Construction bas carbone

 

Mardi 05
novembre

Performance énergétique des bâtiments

> Plateforme d'expérimentation
> Mesures de la performance
> Outils de monitoring

 

Mercredi 06
novembre

Matériaux Bio-sourcés et nature en ville

> Performance et nouvelles filières
> Îlot de chaleur

 

Jeudi 07
novembre

Qualité de l'environnement intérieur des bâtiments
> Air intérieur
> Ventilation
> Accessibilité

 

Vendredi 08
novembre

Montée en compétence, sensibilisation et formation

> Formation "bâtiment"
> Formation à la demande

 

Possibilité de prendre RDV avec un expert : [email protected]

 

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