“Une ville durable, c’est le fait d’avoir un environnement à la taille de l’Homme”

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Les Horizons

7148 Dernière modification le 24/09/2019 - 09:25
“Une ville durable, c’est le fait d’avoir un environnement à la taille de l’Homme”

À l’occasion du Congrès International du Bâtiment Durable Cities to Be à Angers début septembre, nous avons posé quelques questions à Hervé Allègre, Délégué Général de l‘Institut pour la Ville Durable. Nous l’avons interrogé sur les composantes essentielles des villes de demain, sur les exemples les plus aboutis à l’heure actuelle, mais aussi sur les nombreux freins au développement de ces territoires durables. Avec une problématique en toile de fond : comment passer de la théorie à l’action, en prenant en compte l’urgence climatique ?

Les Horizons : Hervé Allègre, quelle est votre définition de la ville durable ?

Hervé Allègre : Une ville durable c’est une ville sobre, inclusive, attractive et résiliente. Mais aussi démocratique et tournée vers l’humain. Une ville dans laquelle les citoyens trouvent toute leur place. La ville, elle est au service des Hommes. On peut se dire que ce sont des banalités, mais si on lit à une échelle non européenne, ça n’est pas une évidence. Et puis, en matière de ville de durable, il y a une question de taille qui s’impose, car il y a des niveaux d’échelles plus faciles à travailler que d’autres. 

Par exemple, qu’est ce qu’elle a de bien la ville européenne ? C’est une ville dans laquelle on a du plaisir à se déplacer à pied. Prenons l’exemple d’une ville de la taille d’Angers. Elle a toutes les fonctions éducatives, les fonctions de santé, les fonctions d’alimentation, de logement, de déplacement. En Europe c’est à peu près à la bonne taille.

 

Pourtant, on a souvent l’impression que la ville durable est un concept réservé aux métropoles…

La vraie question est : “est ce que la ville durable serait réservée aux métropoles, parce qu’elles ont des moyens ?” Jusqu’ici, on était encore dans la culture des métropoles en France. Mais à un moment, on en touche les limites. On est en mutation, en transition. Les métropoles ont les moyens de la transformation parce qu’elles ont des budgets facilement modulables.

Mais trouver des moyens pour créer de l’intelligence ou se faire aider par de l’intelligence quand vous êtes Paris ou Lyon, c’est plus simple. C’est un problème de capacité, de maîtrise d’ouvrage. Soit vous arrivez à vous doter de la capacité de maîtrise d’ouvrage quand vous êtes une collectivité, une agglomération, ou une communauté urbaine, soit vous n’avez pas ces moyens et vous ramez en faisant ce que vous pouvez.

 

Que peut on faire alors pour faciliter ce développement ?

Il faut diffuser les pratiques. Il faut former. Le monde se transforme. On a formé les gens pour le monde actuel, mais ils n’ont pas été formés au monde de demain.


Cela sera suffisant face au manque de moyens que vous venez d’évoquer ?

Il n’y a pas vraiment d’autres voies. Il faut de toute façon passer par là. Et il faut le faire localement. Les projets, les solutions, cela se passe au niveau local. Or, notre héritage est celui d’un pays centralisé. La rupture en France est longue à se dessiner. Or on ne pourra faire des projets intelligents qu’avec des gens qui connaissent le terrain où ils sont réalisés. 

On ne fait pas de projets intelligents pour Angers à partir d’une tour de la Défense, ou d’une working place à Mountain View, Palo Alto ou  Shanghai. Même si on a les meilleurs outils, ce n’est pas comme cela que l’humain se mobilise. L’Homme est “territorialisé”. On vit quelque part, là où on est. 

 

Il y aurait donc plusieurs modèles de villes durables ?

Le développement durable repose sur trois piliers : économique, environnemental et social. N’oublions pas le social. Le social, c’est l’inclusif. Beaucoup de gens parlent de villes durables en dehors de l’Europe, et parfois certains ont tendance à oublier ce morceau essentiel. 

Par exemple, une des villes les plus remarquables dans le monde, c’est Singapour. Singapour, pour faire simple, c’est très bien géré. Par exemple, Singapour n’a aucun mal à maîtriser son foncier, pour la simple et bonne raison que le foncier est la propriété de l’état. Or, quand l’État a fait des études concernant l’impact du réchauffement climatique, il a décidé de démolir certains gratte-ciel pour créer des courants d’air naturels au sein de la ville, c’est très performant sur les objectifs de développement durable… mais ça n’est pas démocratique dans la prise de décision. C’est une ville très maîtrisée, riche, mais pas démocratique, ni inclusive. 

 

Article publié sur le site Les Horizons

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